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samedi 12 avril 2025

1384-"SIMONET", DAGUERRÉOTYPEUR À PARIS ET BOULOGNE-SUR-MER

 

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INTRODUCTION


La recherche de la semaine passée concernait le photographe Louis de Mauny et notamment son atelier de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais). A cette occasion, j'ai croisé le nom de plusieurs autres photographes de la même ville. L'un d'entre eux a retenu mon attention, un dénommé "Simonet" dont le nom est rarement cité et dont les prénoms semblent ignorés.

Après quelques recherches, aucune photographie de sa production ne semble connue et la seule mention de sa carrière est celle présente dans l'ouvrage papier de Jean-Marie Voignier :

"Simonet, ph. Boulogne sur Mer (Pas-de-Calais) ; années 1850. Daguerréotype" (Répertoire des Photographes de France au Dix-Neuvième Siècle, Le Pont de Pierre, 1993 p 232). 

Suite à la consultation de sites de Généalogie, un nom et des prénoms semblent rapidement s'imposer. Je les repousse dans un premier temps, avant d'accepter leur évidence. Il s'agit de "Charles Constant Simonet de Changy". 



BIOGRAPHIE


Paris

Charles Constant Simonet de Changy est né, à Paris, au cours de l'été 1795 (acte de naissance non retrouvé). Il est le fils de Jean Baptiste Simonet de Changy et de Marie Louise Jouffret de Changy.

Rien n'est connu de sa jeunesse. Vers 1816, âgé de 21 ans, il se marie, probablement à Paris, avec Aimée Elisabeth Goutelly (Goutilly/Goutelli/Goutel/Gantilly), née vers 1894 (actes de naissance et de mariage non retrouvés).


Saint-Avertin

Le couple part s'installer dans la commune de Saint-Avertin, située dans les environs sud de Tours (Indre-et-Loire).

C'est là que vont naître leurs trois fils mais deux d'entre eux vont malheureusement décéder en bas-âge : François Charles le 22 juillet 1817, Emil Constant (né le 15 juillet 1818 ; décédé à 3 mois et 3 semaines le 6 octobre 1818) et Constant Emil Simonet de Changy (né le 23 décembre 1819 ; décédé à 11 mois et demi le 9 décembre 1820).

Dans ces différents actes d'état civil, Charles Constant Simonet de Changy est uniquement dit "propriétaire en cette commune" (son âge même n'est pas cité).


Paris

Charles Simonet de Changy, son épouse Elisabeth et leur fils François Charles semblent revenir à Paris dans les années 1820 ou 1830. 

En juillet 1837, il se rend à Munich où il est signalé en tant que "marchand, de Paris" (Königlich Bayerischer Polizey-Anzeiger von München - Journal Officiel de la Police Bavaroise de Munich, Liste des Etrangers du 9 au 12 juillet 1837, p 572).

Le 20 novembre 1837, à l'occasion du dépôt de sa demande d'un brevet d'invention pour 15 ans d'un "Système de fonte et d'épuration des graisses, huiles, résines, etc.", son adresse parisienne est précisée rue Notre-Dame-des-Victoires, n° 15 (2ème arrondissement) (Archives historiques de l'INPI), 

En 2013, des chercheurs ont attribué ce brevet à son fils, François Charles Simonet de Changy, étudiant à l'Ecole des Mines de Paris et n'ayant pas encore atteint la majorité lui permettant de déposer le dossier à son nom (ici et ici). 

C'est une hypothèse intéressante, d'autant que François Charles, une fois ingénieur, déposera sous le nom de "Charles de Changy", de nombreux brevets d'invention à Bruxelles (dès 1845) puis à Paris (avec notamment un brevet de "Châssis-presse à reproduction photographique" déposé à Bruxelles et Paris en septembre et octobre 1862). Cependant, ce dernier s'est peut-être dirigé vers cette profession du fait des passions et des qualités de son père.

Charles Constant Simonet de Changy va d'ailleurs déposer à nouveau quelques brevets en ses nom et prénoms, alors que la majorité de son fils est atteinte (en 1838). C'est notamment le cas, le 11 mai 1839, pour un brevet de 5 ans d'un "Nouveau système de transmission de mouvement applicable aux pompes, tours, manèges, etc." (validé le 4 août 1840).

"Ces transmissions consistent en diverses combinaisons, bien connues, de bielles donnant le mouvement à des manivelles coudées et activées par un balancier à pendule". Ce brevet sera cependant déchu par ordonnance du roi du 25 avril 1843, du fait de la réforme globale du droit français des brevets cette année-là.

À ces dates, Charles Constant Simonet de Changy habite désormais dans la commune de Montmartre, près de Paris, place du Théâtre, n° 35 (actuel 18ème arrondissement).

Il semble qu'au tournant des années 1840, Charles Constant et son épouse Elisabeth se séparent. Cette dernière va aller vivre près de Bruxelles (Belgique), à Saint-Josse-ten-Noode (rue de l'Etoile, 9), rejointe, au plus tard en 1845, par son fils François Charles, dès la fin de ses études.


Photographe à Paris

Même si aucun document n'en apporte la preuve, Charles Constant Simonet de Changy se forme, à Paris, au Daguerréotype dès les années 1840, au plus tard à la fin de la décennie. 

Il semble d'ailleurs mener une activité de "photographe" ambulant, sous le seul nom de "Simonet". En juin 1850, son passage et son exposition sont notamment annoncés dans la ville de Lille (Nord).


- Publicité pour le photographe Simonet, parue dans le Journal de Lille des 16 et 22 juin 1850 p 3,
Paris, BnF (Gallica).

L'opticien Alphonse Seratzki de Lille (plus tard cité comme photographe) 
est-il parent de l'opticien Louis Seratzki de Boulogne-sur-Mer ?




Photographe à Boulogne-sur-Mer

Est-ce après un déplacement à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), comme d'autres photographes parisiens avant lui, que "Simonet" décide de s'y établir ? Est-ce parce qu'aucun photographe n'y est encore installé à l'année ? Est-ce pour y vivre plus librement son amour avec une femme de 32 ans plus jeune ? 

Toujours est-il qu'il est cité, avec sa nouvelle compagne, dans le recensement de la ville du printemps 1851, à l'adresse de la rue Neuve Chaussée, 16 : "Simonet Constant, Daguerréotypeur, marié [oui], 50 ans [non, 55 ans] ; Dausquet [Dosquet] Emma, sa femme, mariée [probablement pas], 28 ans [24 ans]"

Marguerite Emma Dosquet est née le 14 mars 1827 à Sarreguemines (Moselle). Elle est la fille de Joseph (dit Victor) Dosquet, tailleur d'habits (1792-1849) et de Charlotte Baumgarten (1798-1873), qui se sont mariés dans cette ville le 2 mai 1826 (Archives Municipales de Sarreguemines, Registres d'état civil).

Entre le printemps 1851 et l'été 1853, "Simonet" déménage ses atelier et domicile, rue de l'Écu, 46. 

Un passage du journal La Lumière du 15 août 1853 le cite ensuite dans la liste des meilleurs auteurs de travaux au Daguerréotype : "... M. Simonet, de Boulogne, pour la plaque".

À la date de parution de cet article, "Simonet" est de nouveau papa depuis peu. L'acte de naissance précise que "Marie Constance Simonet de Changy, fille de Charles Constant Simonet de Changy, ancien négociant, 52 ans [58 ans], et de Emma Marguerite Dosquet, sans profession, 27 ans ", est née le 1er août 1853, rue de l'Écu, 46.

Le 30 mai 1854, il est cette fois évoqué dans un extrait de The Boulogne Gazette : "Nous avons déjà remarqué la splendide collection de M. Simonet [sans plus de détail], qui mérite amplement d'être visitée".

En 1855, le couple attend un nouvel enfant. C'est une fille, Marguerite Simonet de Changy, qui naît le 30 juillet 1855, rue de l'Écu, 32. Ce nouveau numéro d'immeuble implique un déménagement du n° 46 au n° 32 (au seul étage du bâtiment), effectué entre l'été 1851 et l'été 1855. 

Malheureusement, quelques mois plus tard, leur première fille, Marie Constance, décède à cette adresse, le 18 octobre 1855, âgée de 2 ans et 2 mois.

Lors du recensement du printemps 1856, sont listés au 32, rue de l'Écu : "Simonet Charles Constant, Photographe, marié, 60 ans [oui, bientôt 61 ans] ; Dosquet Emma, sa femme, mariée, 30 ans [29 ans] ; Simonet Marguerite, leur fille, 10 mois ; Duna Augustine, domestique, célibataire, 24 ans"

Le 23 août 1856, c'est une nouvelle enfant qui voit le jour : "Marie Blanche Simonet de Changy, fille de Charles Constant, ancien négociant, âgé de soixante-et-un ans, demeurant en cette ville, rue de l'Écu (...) et d'Emma Marguerite Dosquet, âgée de trente ans [29 ans]".

"Simonet" est signalé dans la liste des "Photographe (Artistes)" de Boulogne-sur-Mer dans les Annuaires-Almanachs Firmin-Didot de 1858 et 1859.

Le 1er décembre 1859, Charles Constant Simonet de Changy fait déposer par l'avocat parisien Ch. Perpigna, un nouveau dossier de brevet d'invention pour 15 ans, concernant des "Perfectionnements apportés à la panification et susceptibles d'autres applications" (validé le 28 février 1860)".

"Le principe de mon invention consiste à introduire dans la confection de la pâte un agent qui opère la dissolution de la plus grande partie du gluten et autres éléments nutritifs contenus dans la farine (la diastase que j'obtiens en infusant dans l'eau l'orge maltée), et qui assure, par ce moyen, un plus grand rendement d'un pain plus nourrissant pour une quantité de farine donnée".

Il fait également valider son brevet en Belgique en décembre 1859 (représenté par A. Anoul à Ixelles) puis au Royaume-Uni, avec un dépôt auprès du Consul britannique de Boulogne-sur-Mer, le 29 mai 1860.

Cependant, le photographe quitte, avec sa famille, la ville de Boulogne-sur-Mer avant l'été 1860, cédant son local de la rue de l'Écu, 32 et probablement son fonds, au photographe "Verneuil" qui y déménage son atelier.


Arras

Charles Constant Simonet de Changy s'installe à Arras (Pas-de-Calais), sans que la raison de ce choix ne soit connue. 

Y exerce-t-il ses activités de photographe ? Rien ne permet de l'affirmer. Il va avoir 65 ans au cours de l'été 1860.

Il continue cependant de perfectionner l'invention de son pétrin et dépose, lors d'un séjour à Paris où il se dit domicilié chez M. Boucher, boulanger, boulevard de Strasbourg, 65, un dossier de brevet d'un "Système d'agitateur-pétrisseur mécanique", le 29 avril 1863 (certifié le 22 juin 1863). L'été 1863, il fait reconnaître ce dernier brevet en Belgique et au Royaume-Uni.

Charles Simonet de Changy, "ex-sapeur de l'armée, âgé de soixante-huit ans, domicilié à Arras, rue de Beaufort, n° 25", décède à son domicile le 1er mai 1864.

Il laisse une compagne de 38 ans et deux filles, Marguerite et Marie Blanche, respectivement âgées de 8 et 7 ans. 

Son ex-femme, Elisabeth Goutelly, décèdera la même année, âgée d'environ 70 ans

Leur fils, François Charles Simonet de Changy (1817-1897), ingénieur électricien, âgé de 45 ans, se mariera à Bruxelles le 11 janvier 1865, avec Jeanne Joséphine de Deyn, 21 ans (née le 13 juillet 1843, à Bruxelles), et perpétuera le nom.



ÉPILOGUE


La vie et la carrière de Charles Constant Simonet de Changy ou "Simonet" reste mal connue. Il semble avoir eu une vie relativement aisée, avoir possédé des propriétés, avoir été sapeur dans l'armée puis négociant, inventeur et photographe.

Sa production artistique reste ignorée, du fait de l'absence d'images conservées et du peu de renseignements collectés. Il semble s'être intéressé à la photographie dès les années 1840 et avoir été reconnu pour son talent. Il ne semble pas avoir exposé à Paris.

Il a officié au minimum une douzaine d'années (années 1849-1860 attestées), d'abord à Paris puis à Boulogne-sur-Mer, comme "daguerréotypeur" (terme cité dans le recensement boulonnais de 1851 et induit dans l'article de La Lumière de 1853) puis également comme "photographe" (terme cité dans son annonce lilloise de 1850 puis dans le recensement boulonnais de 1856). Il est probablement devenu l'un des membres de la Société Boulonnaise de Photographie, fondée au printemps 1856.

Si son activité de portraitiste est avérée (annonce lilloise), il n'en va pas de même de celle de paysagiste. Cependant, il est probablement l'un des auteurs de vues de Boulogne-sur-Mer sur papier, exposées rue de l'Écu en 1853.