- Photographies de Riccardo Aurili (1864-1943),
à gauche, à 28 ans (Paris, 1892),
à droite, à 71 ans (Villeneuve-Loubet, Alpes-Maritimes, 1935),
à gauche, à 28 ans (Paris, 1892),
à droite, à 71 ans (Villeneuve-Loubet, Alpes-Maritimes, 1935),
détails de photocopies.
LE SCULPTEUR RICCARDO AURILI (1864-1943)
SA VIE
Hier, j'ai reçu par courrier postal des documents qui m'ont été adressés par une descendante de la famille de l'artiste. Je remercie beaucoup cette personne de m'avoir livré des documents personnels qui permettent de préciser et de mettre en lumière la vie et l'oeuvre de Riccardo Aurili.
Il s'agit d'un dossier constitué au départ par Atala (l'une des filles de Riccardo Aurili), composé de quelques photocopies de textes, de photos et d'articles de journaux, relatifs à l'arbre généalogique de la famille et à la carrière du sculpteur.
Ce dossier nous apprend que le sculpteur toscan est lui-même le descendant d'une illustre famille turinoise dont les origines sont attestées dès le Moyen-âge (XII° siècle), avec de nombreux ancêtres chevaliers, prieurs et sénateurs. Leurs armoiries nobiliaires évoquent notamment par quatre étoiles les quatre branches familiales avec tout d'abord Turin, puis Gênes, Venise et la Toscane.
- Les armoiries de la Famille Aurili
(photocopie colorisée).
Aujourd'hui, des membres de la famille Aurili (notamment des descendants de l'oncle du sculpteur, Quintilio Aurili) résident en partie en Italie (Livorno) et en France (Strasbourg, Abbeville).
Riccardo (Marco, Alessandro) Aurili est né le 17 décembre 1864 à Bibbona, près de Pise, de Lorenzo Aurili (frère de Quintilio) et Rosa Pasciatini. Il est l'aîné de six (?) enfants, Gilda, Costantino, Irene, Ernesto (?) et Alberto.
Après des études d'art à Florence, Riccardo est parti au début des années 1880 (avant 1884) à Paris continuer ses études. Il semble que ses frères aient vécu également en France, et notamment à Paris : Alberto (à qui il a servi de professeur en sculpture avant son mariage avec une anglaise et son départ pour l'Angleterre puis la Californie, 1874-1906 ?) et Costantino (photographe, mort après 1942). Riccardo a rejoint en 1915 Ernesto (son frère ou parent ?) à Nice, avant de s'installer vers 1932 à Villeneuve-Loubet (boutique-atelier) et Antibes (maison) où il a fini sa vie.
Riccardo Aurili s'est marié à deux reprises ; de son second mariage vers 1889 à Paris, avec la belge Elise van Humbeeck (1877-1956), il a eu quatre enfants dont Aurelio (1890-1916), mort au combat pendant la Première Guerre Mondiale, et trois filles, Natalia (1891-1973), Atala (1893-1987) et Brunetta (1892-1958) qui sont restées à ses côtés à Bruxelles (vers 1904-1914), Volterra (1914-1915), Nice (1915-1932) et Antibes (1932-1943), jusqu'à sa mort. Atala a fini sa vie chez sa petite cousine de Livorno mais a été enterrée en 1987 auprès de tous les siens au cimetière de Rabiac d'Antibes.
- De droite à gauche : le sculpteur Riccardo Aurili, sa femme Elise, et ses trois filles, Brunetta, Natalia et Atala, 1935,
photo prise dans la cour de sa boutique-atelier de Villeneuve-Loubet
(à moins que ce ne soit dans sa demeure d'Antibes), détail d'une photocopie.
On aperçoit, en arrière-plan le Buste du Roi Albert 1er de Belgique prêt pour le Monument qui sera inauguré, à Antibes, en septembre 1935.
- Photocopie d'une photographie d'Aurelio Aurili (1890-1916), années 1910 (?),
fils du sculpteur.
Aurelio a suivi des études artistiques à Bruxelles, avant de mourir en Italie à 26 ans.
Une lettre adressée par Riccardo à sa soeur Irene, en juillet 1942, nous informe du mauvais état de santé et de l'hospitalisation du sculpteur qui décédera quelques mois plus tard, le 21 août 1943.
SON OEUVRE
Une photo du dossier nous dévoile les traits de Riccardo Aurili, prise pendant ses jeunes années parisiennes. Il y assiste le sculpteur Jean-Léon Gérôme (1824-1904) dans sa réalisation d'une oeuvre qui s'avère être une représentation de Bellone (déesse romaine de la guerre), en 1892. Le lieu est l'atelier de Gérôme (une pièce consacrée à la sculpture accostant une pièce davantage consacrée à la peinture), dans son hôtel particulier, situé 6 rue de Bruxelles près de la place Clichy.
- Photocopie d'une photographie de l'Atelier de Gérôme, collection particulière.
Riccardo est à la tâche, grimpé sur un escabeau et semble s'occuper de la tête de la déesse cruelle (furieuse et sanguinaire), bouche hurlante. Riccardo est alors âgé de 28 ans ; il porte les cheveux et la moustache courts et châtains. Jean-Léon Gérôme apparaît pour sa part de trois-quarts-dos, reconnaissable par sa chevelure épaisse et sa longue moustache blanches, âgé de 68 ans.
Un autre assistant intervient à droite sur le corps du cobra dressé qui accoste la déesse (armée d'un poignard et d'un bouclier). Il peut s'agir de Clovis Delacour (1859-1929) à qui Gérôme confia d'ailleurs l'exécution "en ivoire des morceaux nus de la statue" (masque et bras de Bellone ; cf. Augustin-Jean Moreau-Gauthier, Gérôme, peintre et sculpteur, 1906, pp 267-268).
La sculpture polychrome définitive aux yeux verts, en bronze, ivoire et pierres précieuses fut exposée au Salon de Paris en 1892 et à la Royal Academy de Londres en 1893 et y fit polémique. Des bustes furent également édités.
- GÉRÔME Jean-Léon (1824-1904), Bellone, 1892,
bronze, ivoire et pierres précieuses, la sculpture ayant été délestée de ses pierres précieuses et décapitée, a été restaurée,
Art Gallery of Hamilton (Ontario).
- GÉRÔME Jean-Léon (1824-1904), Buste de Bellone, vers 1892,
bronze, bronze doré, plâtre peint, bois polychrome, porcelaine, verre, paillon, 87x47x25,4 cm,
Vesoul, musée Georges Garret.
- GÉRÔME Jean-Léon (1824-1904), Buste de Bellone, vers 1892,
sculpture en bronze à patine dorée et brune reposant sur une base carrée moulurée en marbre vert veiné blanc signée «JL Gerome»,
numérotée et marque du fondeur «Siot Paris», H : 47 cm (avec socle), Collection particulière.
Cette photocopie de photo est très intéressante car elle révèle notamment le travail de Riccardo Aurili pour le grand artiste pompier Gérôme. Or, cette collaboration était inconnue et le mystère régnait sur la période parisienne de Riccardo précédant l'exposition de sa première oeuvre au Salon de 1893.
Riccardo a donc eu pour professeur, à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris, le sculpteur Auguste Dumont (1801-1884) mais peut-être également, après le décès de ce dernier, le peintre et sculpteur Jean-Léon Gérôme (chef d'atelier de peinture de 1864 à 1904). Repéré pour son talent, Riccardo s'est vu proposer de collaborer avec lui à la réalisation de certaines de ses œuvres sculptées. L'influence de Gérôme sur Riccardo peut peut-être se discerner dans certains des thèmes qu'il adoptera (portraits de Phryné, Séléné ou de Gladiateur), dans son intérêt pour le mélange de matières (bronze et marbre) et pour la sculpture d'édition (qui fera son succès).
La découverte des traits de Riccardo m'a poussé à rechercher sa présence dans d'autres photographies de l'atelier de Gérôme (BnF). Seul problème, l'apparence physique des élèves de l'époque est assez semblable et ces jeunes artistes apparaissent en groupe, avec des photos de petites dimensions peu propices à l'identification.
J'ai cependant repéré une figure proche dans les tableaux du peintre Edouard-Joseph Dantan (1848-1897). Ce peintre, marqué par les carrières de sculpteur de son grand-père, de son père (Prix de Rome en 1828) et de son oncle, a réalisé, entre 1880 et 1897, de très nombreux tableaux consacrés aux ateliers de sculpture, et notamment celui de la maison paternelle où il revient vivre dès 1881. Sept d'entre eux montrent un jeune homme élancé portant ou non la moustache. Si les dates et le physique peuvent correspondre, il est bien entendu impossible d'affirmer qu'il s'agit bien de Riccardo. Je dépose cependant ci-dessous deux reproductions troublantes montrant ce personnage en train de fabriquer des plâtres et moulages à destination des Ecoles d'Art.
- DANTAN Edouard-Joseph (1848-1897), Un atelier de moulage, détail, 1884,
huile sur toile, 97x130 cm, Limoges, musée municipal.
- DANTAN Edouard-Joseph (1848-1897), Un moulage sur nature, détail, 1887,
huile sur toile, 165x131 cm, Göteborg, musée des Beaux-Arts.
S'il s'agit bien de Riccardo Aurili, cela pourrait signifier que pendant et après ses études à l'Académie des Beaux-Arts, il s'est notamment consacré à la fabrication de plâtres et a gagné sa vie comme mouleur dans l'atelier d'Edouard-Joseph Dantan, à Saint-Cloud (banlieue ouest de Paris) puis dans celui parisien de Jean-Léon Gérôme, jusqu'au moment où ses modèles personnels ont été exposés, ont obtenu du succès et ont été édités (à la fin des années 1890).
Les autres documents reçus concernent essentiellement le Monument élevé à Antibes en l'Honneur du Roi Albert 1er de Belgique, inauguré en septembre 1935, et proviennent majoritairement des Archives municipales de la ville d'Antibes. Deux photos personnelles de 1935 montrent cependant toute la famille du sculpteur posant devant les éléments du Monument, le Buste du Roi d'une part (cf. photo ci-dessus) et les Lions couchés d'autre part (cf. photo ci-dessous).
- De gauche à droite : Natalia, Elise, Riccardo, Atala et Brunetta, 1935,
photo prise dans la cour de la boutique-atelier de Villeneuve-Loubet
(à moins que ce ne soit dans sa demeure d'Antibes), détail d'une photocopie.
On aperçoit de chaque côté du groupe, les Lions couchés sculptés pour le Monument en l'Honneur du Roi Albert 1er de Belgique
qui sera inauguré en septembre 1935.