1913-1919
Sa vie alterne désormais entre Paris et New-York où il réside de 1915 à 1918. Il y rencontre ses mécènes Walter et Louise Arensberg et se lie d'amitié avec Man Ray. Il se consacre à ses "Ready-made" et à son vaste projet du Grand Verre.
Marcel DUCHAMP (1887-1968), Erratum musical pour clavier ou autres instruments nouveaux, 1913,
intitulé également La Mariée mise à nu par ses célibataires même.
En 1913, Marcel Duchamp écrit deux partitions musicales : la première intitulée Erratum musical, pour trois voix, et la deuxième, Erratum musical pour clavier ou autres instruments nouveaux. Il désire, comme pour ses sculptures, faire entrer le hasard dans la composition musicale. Le premier Erratum doit se "répéter 3 fois par 3 personnes, sur 3 partitions différentes composées de notes tirées au hasard dans un chapeau". Le second Erratum fait intervenir le hasard avec un processus plus complexe. Le second Erratum sera intégré dans les notes de la Boîte verte, 1934. La partition, sans être jouée, intéresse l'artiste, comme ses notes pour le Grand Verre.
Marcel DUCHAMP (1887-1968), Trois stoppages étalon et leurs règles à tracer, 1913-1914,
trois fils fixés sur des bandes de toile collées sur verre, rangés dans une boîte de jeu de croquet, 40x130x90 cm, New-York, The Museum of Modern Art.
"Ce n'est pas un tableau. Les trois étroites bandes s'appellent 3 stoppages-étalon. Elles doivent être regardées horizontalement et non verticalement parce que chaque bande propose une ligne courbe faite d'un fil à coudre d'un mètre de long, après qu'il ait été lâché d'une hauteur de 1 mètre, sans que la distorsion du fil pendant la chute soit déterminée. La forme ainsi obtenue fut fixée sur la toile au moyen de gouttes de vernis ... Trois règles... reproduisent les trois formes différentes obtenues par la chute du fil et peuvent être utilisées pour tracer au crayon ces lignes sur papier. Cette expérience fut faite en 1913 pour emprisonner et conserver des formes obtenues par le hasard, par mon hasard. Du même coup, l'unité de longueur: un mètre, était changée d'une ligne droite en une ligne courbe sans perdre effectivement son identité en tant que mètre, mais en jetant néanmoins un doute pataphysique sur le concept selon lequel la droite est le plus court chemin d'un point à un autre."
« Mes trois stoppages-étalon sont donnés par trois expériences, et la forme est un peu différente pour chacune. Je garde la ligne et j'ai un mètre déformé. C'est un mètre en conserve, si vous voulez, c'est du hasard en conserve. »
Marcel DUCHAMP (1887-1968), Roue de bicyclette, 1913,
roue métallique montée sur un tabouret en bois peint, hauteur: 128,5 cm,
New-York, The Museum of Modern Art.
Des répliques, dont celle du Centre G.Pompidou, ont été réalisées en 1964 sous la direction de Marcel Duchamp
par la Galerie Schwarz, Milan, et mesurent 126,5 x 31,5 x 63,5 cm.
« J’ai pensé, moi qui n’avais pas de cheminée, à remplacer ma cheminée par une roue qui tourne [pour imiter le mouvement du feu]. Donc j’ai mis ma roue sur un tabouret et, chaque fois que je passais, je la faisais tourner ».
par la Galerie Schwarz, Milan, et mesurent 126,5 x 31,5 x 63,5 cm.
« J’ai pensé, moi qui n’avais pas de cheminée, à remplacer ma cheminée par une roue qui tourne [pour imiter le mouvement du feu]. Donc j’ai mis ma roue sur un tabouret et, chaque fois que je passais, je la faisais tourner ».
« La Roue de Bicyclette est mon premier readymade, à tel point que ça ne s'appelait même pas un readymade. Voir cette roue tourner était très apaisant, très réconfortant, c'était une ouverture sur autre chose que la vie quotidienne. J'aimais l'idée d'avoir une roue de bicyclette dans mon atelier. J'aimais la regarder comme j'aime regarder le mouvement d'un feu de cheminée ».
LES READY-MADE (terme de 1915): « En 1913 j'eus l'heureuse idée de fixer une roue de bicyclette sur un tabouret de cuisine et de la regarder tourner. Quelques mois plus tard j'ai acheté une reproduction bon marché d'un paysage de soir d'hiver, que j'appelai « Pharmacie » après y avoir ajouté deux petites touches, l'une rouge et l'autre jaune, sur l'horizon. A New York en 1915 j'achetai dans une quincaillerie une pelle à neige sur laquelle j'écrivis « En prévision du bras cassé » (In advance of the broken arm). C'est vers cette époque que le mot « ready-made » me vint à l'esprit pour désigner cette forme de manifestation. Il est un point que je veux établir très clairement, c'est que le choix de ces ready-mades ne me fut jamais dicté par quelque délectation esthétique. Ce choix était fondé sur une réaction d'indifférence visuelle, assortie au même moment à une absence totale de bon ou de mauvais goût… en fait une anesthésie complète. Une caractéristique importante : la courte phrase qu'à l'occasion j'inscrivais sur le ready-made. Cette phrase, au lieu de décrire l'objet comme l'aurait fait un titre, était destinée à emporter l'esprit du spectateur vers d'autres régions plus verbales. Quelques fois j'ajoutais un détail graphique de présentation : j'appelais cela pour satisfaire mon penchant pour les allitérations, « un ready-made aidé » (ready-made aided). Une autre fois, voulant souligner l'antinomie fondamentale qui existe entre l'art et les ready-mades, j'imaginais un « ready-made réciproque » (reciprocal ready-made) : se servir d'un Rembrandt comme table à repasser ! Très tôt je me rendis compte du danger qu'il pouvait y avoir à resservir sans discrimination cette forme d'expression et je décidai de limiter la production des ready-mades à un petit nombre chaque année. Je m'avisai à cette époque que, pour le spectateur plus encore que pour l'artiste, l'art est une drogue à accoutumance et je voulais protéger mes ready-mades contre une contamination de ce genre. Un autre aspect du ready-made est qu'il n'a rien d'unique… La réplique d'un ready-made transmet le même message ; en fait presque tous les ready-mades existant aujourd'hui ne sont pas des originaux au sens reçu du terme. Une dernière remarque pour conclure ce discours d'égomaniaque : comme les tubes de peintures utilisés par l'artiste sont des produits manufacturés et tout faits, nous devons conclure que toutes les toiles du monde sont des ready-mades aidés et des travaux d'assemblage».
VOIR LA VIDEO (15 mn) D'UN ENTRETIEN DE L'ARTISTE (1967)
A PROPOS DES READY-MADE
Marcel DUCHAMP (1887-1968), La boîte de 1914, 1913-1914,
fabriquée en 5 exemplaires avec une boîte en carton de plaques photographiques de 13,5x18,5 cm avec une étiquette sur le couvercle M/Marcel, contenant 16 fac-similés des premières notes manuscrites concernant le Grand Verre, contre-collées sur carton, d'une reproduction des 3 stoppages -étalon et d'un dessin illustrant un poème de Jules Laforgue.
Marcel DUCHAMP (1887-1968), Porte-bouteilles, 1914,
porte-bouteilles en fer galvanisé d'environ 64x42 cm, choisi au Bazar de l'Hôtel de Ville de Paris "sur la base d'une indifférence visuelle", l'artiste n'intervenant que pour choisir et intituler l'objet ; celui-ci prend le nom de Porte-bouteilles, et plus tard Séchoir à bouteilles ou Hérisson.
Marcel DUCHAMP (1887-1968), Broyeuse de chocolat n° 2, 1914,
huile et fil sur toile, 65x54 cm, Philadelphie, The Philadelphia Museum of Art.
« Un jour je vis dans une vitrine une véritable broyeuse de chocolat en action et ce
spectacle me fascina tellement que je pris cette machine comme point de départ ».
Marcel DUCHAMP (1887-1968), Neuf Moules Mâlics, 1914-1915,
oeuvre en trois dimensions, verre, plomb, peinture à l'huile, acier vernis, 66x101,2 cm, Paris, MNAM.
Légendé au verso : 1913-14-15/9 Moules Mâlic, et au dos de chaque figure, de gauche à droite :
Cuirassier, Gendarme, Larbin, Livreur, Chasseur, Prêtre, Croquemort, Policeman, Chef de Gare.
L'oeuvre fut brisée en 1916 et ré-encadrée par l'artiste entre deux panneaux de verre.
Anonyme- Jeu de massacre, La Noce de Nini Patte-en-l’air, vers 1900,
bois peint polychrome, tissu, formats variables Musée des Arts Forains, Paris - Collection Jean-Paul Favand.
bois peint polychrome, tissu, formats variables Musée des Arts Forains, Paris - Collection Jean-Paul Favand.
- DUCHAMP Marcel (1887-1968), Nu descendant un escalier n°3, 1915,
photographie teintée à la main avec crayons de couleur, aquarelle et pastel blanc transparent sur contreplaqué.
Pour consoler son mécène de ne pas posséder le Nu descendant l'escalier n° 2 de 1912, Duchamp en réalise une photographie à l'échelle 1/1 (147x89,2 cm) sur laquelle il intervient avec des outils graphiques et colorés, faisant de cette reproduction photographique une oeuvre unique.
- DUCHAMP Marcel (1887-1968), Pliant de voyage, 1916,
housse souple et brillante de machine à écrire Underwood, cachant de sa matière en skaï l'objet en-dessous, jouant sur la marque et le mot " Underwood "qui peut également renvoyer à la publication Underwood de cartes érotiques de l'époque, signifier "sous-bois"
ou évoquer sa relation à Béatrice Wood, "Sous Wood", avec un objet qui est aussi un siège évoquant l'absence de corps au-dessus.
L'original a disparu, sans photo d'époque. Une réplique est présente dans La Boîte en valise et d'autres seront éditées en 1964, notamment surélevées sur un mât métallique.
Marcel DUCHAMP (1887-1968), La Mariée mise à nu par ses célibataires, même
ou le Grand Verre, 1915-1923 (année où l'artiste considère qu'il est "définitivement inachevé"),
huile, feuille de plomb, fil de plomb, poussière et vernis sur deux plaques de verre (brisées), chacune d'elles montée entre deux autres plaques de verre avec cinq fils de verre très fins, de la feuille d'aluminium et un cadre en bois et acier, 272,5x175,8 cm, Philadelphie, The Philadelphia Museum of Art.
L'oeuvre, brisée accidentellement en 1927 (à la suite de sa première exposition au public de 1926), a été reconstituée par l'artiste en 1936
(fêlures présentes).
« Cela m'intéressait d'introduire le côté exact et précis de la science, cela n'avait pas été souvent fait. Ce n'est pas par amour de la science que je le faisais; au contraire, c'était plutôt pour la décrier, d'une manière douce, légère et sans importance. Mais l'ironie était présente(...). Le thème de la mariée m'avait été inspiré, je crois, par ces baraques foraines qui pullulaient à l'époque, où des mannequins, figurant souvent les personnages d'une noce, s'offraient à être décapités grâce à l'adresse des lanceurs de boules. Ce qui concrétise le mieux l'idée de célibataire est sans doute l'uniforme. Cela fait très mâle. D'où le "cimetière des uniformes et livrées".»
« Elles (les fêlures) ont une forme, une architecture symétrique. Mieux, j'y vois une intention curieuse dont je ne suis pas responsable, une intention readymade en quelque sorte, que je respecte et que j'aime.»
« C'est Roussel qui, fondamentalement, fut responsable de mon Verre. Ce furent ses "Impressions d'Afrique" (représentation théâtrale de 1912) qui m'indiquèrent dans ses grandes lignes la démarche à adopter. Je pensais qu'en tant que peintre, il valait mieux que je sois influencé par un écrivain plutôt que par un autre peintre. Et Roussel me montra le chemin. C’était formidable. Il y avait sur scène un mannequin et un serpent qui bougeait un petit peu, c’était absolument la folie de l’insolite. Je ne me souviens pas beaucoup du texte. On n’écoutait pas tellement."»
Le schéma du mécanisme du Grand Verre, d'après Jean Suquet (1974), avec en bas les Célibataires et en haut, La Mariée.
1 - Broyeuse de chocolat. 2 - Glissière. 2A -Agrafe motrice et chaîne de révolution. 2B -Pédale en sous-sol. 2C -Moulin à eau. 3 - Grands ciseaux. 4 - Célibataires. 5 - Tubes capillaires. 6 - Horizon — vêtements de la Mariée. 7 - Mariée, tête ou yeux. 7A -Anneau de suspension du Pendu femelle. 7B -Guêpe. 7C -Girouelle. 8 - Voie lactée chair. 8A -Allongement météorologique. 8B -Aller-retour des lettres de l'Inscription. 9 - Tamis. 10 -Pentes d'écoulement. 10A-Mobile de l'éclaboussure. 10B-Fracas — éclaboussures. 11 -Canon (?) 11A et 11B-Béliers du combat de boxe. 12 -Tableaux d'oculiste. 13 -Tirés. 14A-"Trépied" du jongleur-manieur-soigneur de gravité. 14B-Ressort du jongleur-manieur-soigneur de gravité. 14C-Plateau et boule noire du soigneur de gravité.
MAN RAY (1890-1976) et MARCEL DUCHAMP (1887-1968), Vue prise en aéroplane par Man Ray ou Elevage de poussière, 1920,
photographie noir et blanc, 11,3x14,6 cm,,
Marcel Duchamp, qui a laissé s’accumuler sur le Grand Verre une certaine épaisseur de poussière, va y tracer, par d’habiles prélèvements et par transparence, le dessin en sur-épaisseur de sa propre œuvre.
Marcel Duchamp devant le "Grand Verre", 1954, Philadelphie, The Philadelphia Museum of Art.
Marcel DUCHAMP (1887-1968), En prévision du bras cassé, 1915,
pelle en bois et fer galvanisé, avec l'inscription du titre en anglais, "In advance of the Broken Arm", hauteur: 121,3 cm, New Haven, Yale Center of British Art.
Marcel DUCHAMP (1887-1968), Readymade aidé (A bruit secret), 1916,
ficelle, cuivre, boulons, 12,9x13x11,4 cm, Philadelphie, The Philadelphia Museum of Art.
Le texte lacunaire gravé (certaines lettres remplacées par des points) est un mélange de français et d'anglais élaboré avec Walter Arensberg et difficile à déchiffrer. Censé révéler le secret, il l'amplifie.
Sur une face : P.G .ECIDES DEBARRASSE. LE. D.SERT. F.URNIS.ENT .AS HOW.V.R COR.ESPONDS ; sur l’autre face : .IR. CAR.E LONGSEA F.NE, HEA., .OSQUE .TE.U S.ARP BAR.AIN
« À bruit secret : tel est le titre de ce readymade aidé: une pelote de ficelle entre deux plaques de cuivre réunies par quatre longs boulons. À l'intérieur de la pelote de ficelle, Walter Arensberg ajouta secrètement un petit objet qui produit un bruit quand on le secoue. Et à ce jour je ne sais pas ce dont il s'agit, pas plus que personne d'ailleurs. Sur les plaques de cuivre, j'inscrivis trois courtes phrases dans lesquelles des lettres manquaient çà et là comme une enseigne au néon lorsqu'une lettre n'est pas allumée et rend le mot inintelligible.»
Richard MUTT (Marcel DUCHAMP-1887-1968), Fontaine (ou Urinoir), 1917,
porcelaine signée et datée, hauteur: 33,5 cm
(photographie d'Albert Stieglitz pour la revue "The Blind Man").
L'original a été perdu et des répliques de faïence blanche recouverte de glaçure céramique
et de peinture de 63x48x35 cm ont été réalisées sous la direction de l'artiste par la Galerie Schwarz, Milan, en 1964.
Fontaine est un ready-made, c'est-à-dire un "objet tout fait", autrement dit, une idée que Marcel Duchamp a eu de "choisir" un urinoir industriel en vue d'une exposition d'art moderne, au lieu de faire une sculpture de ses mains. L'objet original est un simple article de sanitaire, acheté dans un magasin de la société J.L. Mott Iron Works à New-York. L'artiste a ajouté à l'aide de peinture noire l'inscription "R. Mutt/1917". Pour son premier salon qui se tient à New-York à partir du 9 avril 1917, la Society of Independent Artists dont Walter Arensberg est le directeur administratif permet que tout artiste expose l'oeuvre de son choix sans que le jury ne fasse aucune sélection, moyennant un prix de 6 dollars pour exposer. Duchamp envoie ainsi son urinoir sous un pseudonyme mais "son appareil sanitaire" n'est pas exposé sous prétexte que "sa place n'est pas dans une exposition d'art et ce n'est pas une oeuvre d'art selon quelque définition que ce soit". La décision est prise par le Président de la Société et les membres réunis la veille du vernissage, l'objet étant jugé "immoral et vulgaire", "une pièce commerciale ressortissant de l'art du plombier". Walter Arensberg défend l'oeuvre, "une forme séduisante révélée, libérée de sa valeur d'usage" et soutient que l'artiste "a accompli un geste esthétique" et rappelle que l'inscription a été payée. La polémique se déclenche un peu plus tard avec la publication d'un article anonyme paru dans "The Blind Man", une revue satirique fondée par Duchamp et ses amis à l'occasion du Salon. En défense de R.Mutt, il est écrit, "les seules œuvres d'art que l'Amérique ait données sont ses tuyauteries et ses ponts", et l'argumentaire consiste à expliquer que l'important n'est pas que Mutt ait fait ou non la fontaine avec ses mains mais qu'il ait choisi un objet de la vie quotidienne en lui retirant sa valeur d'usage, avec un nouveau titre et un nouveau point de vue, la création consistant en une nouvelle pensée de l'objet.
Marcel DUCHAMP (1887-1968), Trébuchet, 1917,
porte-manteau en bois et métal, environ 100x19x3 cm.
Marcel DUCHAMP (1887-1968), le Petit Verre ou A regarder (l'autre côté du verre) d'un oeil, de près, pendant presque une heure, 1918,
peinture à l'huile, feuille d'argent, fil de plomb et verre, 55,8x41,2x3,7 cm, New York, The Museum of Modern Art.
Marcel DUCHAMP (1887-1968), Tu m', vers 1918,
huile et crayon sur toile, écouvillon, épingles à nourrice, écrou,
69,8x303 cm, New-York, Museum of Modern Art.
« C'est un genre d'inventaire de tous mes précédents travaux, plutôt qu'une peinture en soi. Je ne l'ai jamais aimé parce que c'est trop décoratif; résumer ses travaux dans une peinture n'est pas une activité très plaisante.»On y distingue, aplaties, des ombres de readymades (Roue de bicyclette, Porte-chapeau, Tire-bouchon), on y retrouve les Stoppages-étalon profilés dans le coin inférieur gauche et développés en perspective dans la partie droite du tableau. Une pile d'échantillons de toutes les couleurs (potentiellement tous les tableaux) arrive d'un lointain point de fuite. Il suffit d'un écrou réel semblant fixer le premier échantillon pour que cette pile de couleurs apparaisse comme un trompe-l’œil, tandis que les trois épingles et l'écouvillon (évocation du Porte-bouteilles) sont réels. Enfin, la main à l'index pointé a été peinte par un peintre d'enseignes professionnel qui a signé sa participation, A.Klang.
Marcel DUCHAMP (1887-1968), Sculpture de voyage, New-York, 1918,
installation en caoutchouc coloré aux dimensions variables ; oeuvre disparue.
"C'étaient des morceaux de bonnets de bain, en caoutchouc, que je découpais, que je collais ensemble, qui n'avaient aucune forme spéciale. Au bout de chaque morceau, il y avait une ficelle qu'on attachait aux quatre coins de la pièce ; on pouvait varier la longueur des ficelles, la forme était ad libitum, c'était ça qui m'intéressait. Ce jeu a duré trois ou quatre ans, mais le caoutchouc s'est vulcanisé et il a disparu".
Marcel DUCHAMP (1887-1968), Ready made malheureux, Buenos Aires, 1919,
cadeau de mariage envoyé par courrier à sa soeur avec un protocole à suivre.
“C'était un précis de géométrie qu'il lui fallait attacher avec des ficelles sur le balcon de son appartement de la rue de La Condamine;
le vent devait compulser le livre, choisir lui-même les problèmes, effeuiller les pages et les déchirer.
Suzanne en a fait un petit tableau (en 1920, huile sur toile, 81x60 cm) : Readymade malheureux de Marcel. C'est tout ce qu'il en reste puisque le vent l'a déchiré. Ça m'avait amusé d'introduire l'idée d'heureux et de malheureux dans les readymades,
Suzanne en a fait un petit tableau (en 1920, huile sur toile, 81x60 cm) : Readymade malheureux de Marcel. C'est tout ce qu'il en reste puisque le vent l'a déchiré. Ça m'avait amusé d'introduire l'idée d'heureux et de malheureux dans les readymades,
et puis la pluie, le vent, les pages qui volent, c'est amusant comme idée…».
Marcel DUCHAMP (1887-1968), L.H.O.O.Q., 1919,
crayon (moustache, barbiche, lettres) sur une reproduction du tableau
de La Joconde (vers 1506) de Léonard de Vinci,
19,7x12,4 cm, Collection particulière.
« En 1919, j'étais de nouveau à Paris où le mouvement Dada venait de faire son apparition : Tristan Tzara, qui arrivait de Suisse où le mouvement avait débuté en 1916, s'était joint au groupe autour d'André Breton à Paris. Picabia et moi-même avions déjà manifesté en Amérique notre sympathie pour les Dadas. Cette Joconde à moustache et à bouc est une combinaison readymade/dadaïsme iconoclaste. L'original, je veux dire le readymade original, est un chromo 8 x 5 (pouces) bon marché au dos duquel j'écrivis cinq initiales qui, prononcées en français, composent une plaisanterie très osée sur la Joconde. »
Marcel DUCHAMP (1887-1968), Air de Paris ou 50 cc d'air de Paris, 1919,
ampoule de sérothérapie en verre emplie d'air de Paris, avec l'étiquette "Sérum physiologique", H : 13,3 cm, Philadelphia Museum of Art
(ampoule rapportée de France et offerte comme cadeau original à son ami et mécène Walter Arensberg ; l'ampoule s'est brisée en 1949 et a été restaurée : la même année, l'artiste a fait emplir une nouvelle ampoule chez un pharmacien parisien ; enfin, en 1964, l'oeuvre a été dupliquée en plusieurs exemplaires).