mardi 2 février 2021

1176-NICE-PETITE HISTOIRE DU CIMETIÈRE DU CHÂTEAU AU XIX° s.




- Photographe non identifié, Nice, Vue du Paillon, détail, vers 1860,
 la Colline du Château avec les murs d'enceinte du cimetière chrétien
 et au centre la chapelle Sainte-Madeleine,
tirage albuminé, Nice, Bibliothèque du Chevalier de Cessole.


DERNIÈRE MODIFICATION DE CET ARTICLE : 03/11/2024




LE CIMETIÈRE DU CHÂTEAU


Par décret du 20 mai 1782, Victor Amédée III, roi de Sardaigne, prince de Piémont et duc de Savoie, acte la nécessité d'établir un nouveau cimetière en dehors de la Ville de Nice et, par lettres patentes du 24 juin 1783, interdit désormais toute inhumation dans l'ensemble des églises (édit du 10 juillet 1783). 

Dès le 30 juin 1783, l'évêque de Nice, Charles Eugène Valperga de Maglione, répercute l'interdiction. 
L'emplacement du nouveau cimetière a été choisi à l’écart des habitations, sur la Colline du Château, rocher de près de 100 m de haut qui domine la ville.

Ce rocher est l’ancien site de la ville médiévale qui a laissé place au XVI° siècle à une grande forteresse, démolie en 1706. A la fin du XVIII° siècle, la Colline du Château est un champ de ruines et un terrain vague mal fréquenté, avec les vestiges du Château au sud et de la citadelle défensive au nord.

C’est dans l’enceinte de cette citadelle (achevée en 1580), à l’extrémité nord de la colline qu’est aménagé le Cimetière du Château entouré de hauts murs. Un cimetière militaire y était déjà présent en 1761, ce qui peut expliquer le choix de cet emplacement précis. 

L’évêque bénit le Campo Santo le 2 juillet 1783 (une grande Croix y est installée), une première inhumation a lieu le 9 juillet et l’ouverture officielle se fait le lendemain. L’emplacement originel correspond en grande partie au Plateau d’Entrée du Cimetière actuel.

Les travaux semblent cependant continuer dans les mois suivants. Le cimetière catholique doit en effet s’adapter à la configuration vallonnée du terrain, avec d’importants travaux de terrassement et de destruction de rochers. 

C’est sur le flanc nord de la butte centrale qu’est érigée la chapelle Sainte-Madeleine, afin d’être un lieu de prière pour les morts et un lieu de sépulture pour les ecclésiastiques. La date exacte de construction de la chapelle reste inconnue mais cette dernière a dû s’élever dans les mois suivants l’ouverture du cimetière. Elle est présente sur un plan de la ville daté de 1793 (Service Historique de l'Armée de Terre, Vincennes, Val-de-Marne). 

Cet édifice aujourd’hui disparu (démoli en 1932) était de petites dimensions et d’aspect modeste. Peu visible sur les vues de Nice des XIX° et XX° siècles (estampes et photographies), il était orienté est-ouest et constitué d’une simple abside reliée à un courte nef unique (éclairée par une baie à l'est et au nord), dominée par un petit clocheton. Son entrée ouvrait sur l’allée extérieure du cimetière (une impasse, jusqu'en 1934), avec une porte qui semblait surmontée de deux niches à statue latérales puis d'une petite baie jumelée (voir le détail photographique ci-dessus). Les sépultures ecclésiastiques étaient situées sous l’abside.

La création de la partie israélite du cimetière, située plus au sud, date de la fin de l’année 1783. Elle entraîne, dès janvier 1784 puis en 1788, le transfert contraint des sépultures de l’ancien cimetière juif (créé en 1578), situé en contrebas de la colline du Château, côté nord, au lieu-dit Camas soutran (Champ de Mars Inférieur par opposition au Camas soubran, ou Champ de Mars supérieur, site du cimetière du Château) et contigu au cimetière des Visitandines (emplacement de l’actuel Collège Ségurane). Des anciens cimetières catholiques de la ville vont subir le même sort. Tout d’abord interdits de nouvelles sépultures, ils sont ensuite supprimés. 

Il ne faut cependant pas imaginer la partie nord de la Colline du Château de la fin du XVIII° siècle comme un ensemble d’un seul tenant mais plutôt comme un agrégat de parcelles en friches aux rochers affleurants et de jardins et cimetières enclos de murs. 

Ces terrains appartiennent en partie à l’Etat (ancienne citadelle, terrains militaires, cimetière militaire, enceinte nord-est du dépôt de la Guerre), à la municipalité (cimetières catholique et israélite, terrains en friches), aux Hospices réunis (cimetière) et aux congrégations religieuses qui occupent les flancs ouest et nord de la Colline du Château (jardins et cimetières des couvents de Sainte-Claire de la Visitation et des Cessolines).


 Nice, Plan simplifié du Cimetière municipal du Château, vers 1800. 
En couleur, les zones d’inhumation. 
Les zones grises sont pour la plupart des terrains en pente. 
La zone comprise entre les deux cimetières est qualifiée de "Jardin" sur le plan de 1793.



Suite à l’occupation de Nice par les troupes révolutionnaires françaises puis sa réunion à la France (fin 1792-début 1793), le Cimetière du Château se voit désormais géré par la règlementation française. En l’An IV (1796), un officier de santé signale la nécessité de réparations et son état d’insalubrité, trop peu de terre recouvrant les cadavres (L’Eclaireur du Dimanche du 30 octobre 1921 p 4). Une partie du cimetière est dévolue aux soldats de la Garnison, comme l’indique un plan de la ville daté de l'An VI (1798).

Un projet d’agrandissement du cimetière catholique est envisagé dès janvier 1800 (AM, M8-1). La parcelle située au sud de la chapelle Sainte-Madeleine est alors aménagée, constituant le "Nouveau cimetière", alors que le cimetière nord originel prend la dénomination "d’Ancien cimetière". Les deux cimetières sont répartis de chaque côté de la chapelle mais séparés par un terrain intermédiaire.

Suite au Décret impérial du 23 prairial An XII (12 juin 1804), un choix s’impose entre réaménager et agrandir encore le cimetière existant ou trouver un nouveau site répondant à toutes les exigences de salubrité et d’étendue. 

Une expertise médicale est demandée en appui en 1807 et le médecin militaire Revolat qui la rédige, préconise de conserver le Cimetière du Château, aucun site connu, distant des habitations, n’offrant une élévation et une exposition plus favorables. 

Il propose cependant de résoudre les problèmes d’étendue et de salubrité avec les mesures suivantes : ériger un nouveau local d’inhumation (dépositoire), étendre les zones d’inhumation aux terrains plus à l’est et réunir l’ensemble des deux cimetières catholiques avec le terrain intermédiaire, abattre leurs séparations intérieures et entourer le tout de nouveaux murs plus élevés, faire disparaître les rochers existants, répartir la terre abondante des parties supérieures orientales pour obtenir une profondeur d’inhumation de 3m, assainir la terre à la chaux, planter des arbres intérieurs et améliorer le chemin d’accès extérieur. Les propositions sont approuvées par le Préfet le 21 octobre 1807 (AD06, CEO 0159/009).

Si des plantations d’ormeaux et de cyprès sont réalisées du côté ouest dès l’été 1808, le reste du projet est cependant fortement retardé par la cession du terrain intermédiaire qui semble, pour une part, appartenir au génie militaire et pour une autre part, aux Hospices réunis (le terrain leur a été cédé par le roi sarde en septembre 1791). L’achat de ce dernier terrain n’a lieu que le 25 novembre 1812 (AM, M8-1) mais la plupart des travaux prévus semblent engagés dès le mois suivant.


- Nice, Plan simplifié du Cimetière municipal du Château, vers 1812. 
En couleur, les zones d’inhumation.
Les limites orientales du Nouveau Cimetière catholique ne sont pas connues avec précision.
 


Suite à la restauration sarde (avril 1814) puis aux lettres patentes du roi Charles-Félix du 3 mai 1822, la Ville acquiert la jouissance de la Colline du Château et aménage progressivement sa partie sud. L’espace sauvage et nu du rocher, parsemé de décombres, va devenir une promenade arborée et fleurie accueillant les étrangers. La proximité de cette promenade avec le Cimetière du Château va cependant se révéler de plus en plus problématique.


²
Nice, Plan simplifié du Cimetière municipal du Château, vers 1830. 
En couleur, les zones d’inhumation.
Les limites orientales du Cimetière intermédiaire ne sont pas connues avec précision.


- Dessin du Chevalier Paul Emile BARBERI (1775-1847), lithographié par Emilien Desmaisons (?-?), 
Vue des Quais et du Pont-Neuf à Nice, vers 1834,
détail du Cimetière du Château (murs, entrée et chapelle Sainte-Madeleine),
estampe extraite de l'Album, ou Souvenir de la ville de Nice maritime et de ses environs, 1834,
Amsterdam, Rijksmuseum.
L'entrée du Cimetière, au nord-ouest (visible sur la gauche de l'estampe), sera transformée dix ans plus tard.


Plan de la Ville de Nice (Maritime), détail, 1834,
 dessiné et lithographié par Paul Emile Barberi (1775-1847), 
d'après les originaux du cadastre de L. Escoffier, Ingénieur en Chef, 
Imprimerie lithographie de Villain, Nice, 1834,
Nice, Bibliothèque Municipale de Cessole.
Des numéros identifient, du nord au sud :
16 : Cimetière des Chrétiens Romains [Ancien Cimetière catholique ; 
la Chapelle Sainte-Madeleine et le Cimetière intermédiaire ne sont pas identifiés]
16 : Cimetière des Chrétiens Romains [Nouveau Cimetière catholique]
17 : Cimetière des Juifs [dominé par le Jardin Public]
18 : Donjon [et ruines du Château].



A partir de 1829, la Ville autorise les concessions perpétuelles et la possibilité d'y ériger des monuments funéraires. Dès lors, les familles peuvent demander l'attribution d'une concession (de 2 ou 4m2) dont l'emplacement est désigné par l'Architecte de la Ville contre le paiement d'une indemnité prescrite. Le nombre de concessions demandées reste faible dans les décennies 1830 et 1840 (de 2 à 13 par an ; Nice, Archives municipales, Registre des concessions 1829-1867, AM, 3N1).

Une nouvelle extension des lieux de sépultures a lieu dès les années 1830, vers l’est, dans le Cimetière intermédiaire (AM, M8-1). Une estampe du graveur Sergent-Marceau, éditée en 1837, montre notamment la tombe de son épouse située, depuis mai 1834, dans le cimetière intermédiaire (côté est), le long du mur de séparation d'avec l'Ancien Cimetière (tombe conservée de nos jours mais mur démoli). L’extension se poursuit également sur le versant occidental de la butte du cimetière supérieur, de la base au sommet du Nouveau Cimetière Catholique.


- SERGENT-MARCEAU Antoine Louis François (1751-1847), 6 Mai 1834, vue est-ouest, 1837,
Fragment de mon Album Nigrum, écrit en 1811, augmenté en 1836, édité en 1837,
estampe placée en fin d'ouvrage,
Paris, BnF (Gallica).



Des travaux sont encore effectués en 1844 et 1845. L’Ancien Cimetière catholique voit une nouvelle Croix de bénédiction placée en son centre et une large entrée, dotée d’une nouvelle porte, réalisée au milieu de son mur ouest (surmontée de l'inscription Cenotafio, effacée à la demande d'Henri Sappia en 1899).

Le Cimetière des non-catholiques est créé aux mêmes dates (demande officielle du 5 février 1845), au pied du versant oriental de la butte centrale, comme nous le révèlent des plans techniques datés du 30 avril 1844 (AM, D43-216et du 17 avril 1845  (AM, D44-164 recto et verso), un Plan général de la Colline du Château daté du 20 novembre 1845 (AM, 1Fi 2/24) et une estampe datée de 1849 (BM de Cessole).

Le Cimetière des non-catholiques est subdivisé en trois parties : Cimiterio dei suicida au nord-est, cimetière des suicidés, privés de sépulture ecclésiastique ; Cimiterio degli ac(c)atolici au sud-est, cimetière des schismatiques (protestants et orthodoxes) ; Cimiterio dei bambini à l’ouest, cimetière des enfants morts sans le baptême.

Des concessions perpétuelles sont dès lors demandées pour le "cimiterio degli acatolici", nommé aussi "cimetiero cristiano Evangelico" ou "cimetière vaudois".


Nizza Marittima, Pianta générale del Promontorio, 20 novembre 1845,
Nice, Archives Municipales, 1Fi 2/24.
Le Cimetière des non-catholiques affiche ses subdivisions.


- GUESDON Alfred (dessinateur, 1808-1876) et ARNOUT Jules (graveur, 1814-1868),
 Nice, Vue prise au-dessus de Montalban, vue 6, détail, 1849,
lithographie extraite de l'ouvrage de, ETIENNEZ Hippolyte (1813-1871), L'Italie à vol d'oiseau ou Histoire et description sommaires des principales villes de cette contrée, accompagnée de 40 grandes vues générales dessinées d'après nature par A. Guesdon, Paris, A.Hauser éditeur, Paris, Imprimerie Lemercier, 1849 (et 1852), lithographie de 290x435 mm sur fond de 400x540 mm, Collection privée.
Une estampe semblable, extraite de, La France à vol d'oiseau, vers 1860, est conservée à Nice, à la Bibliothèque du Chevalier de Cessole (ICO1304).

Sur la partie gauche de la lithographie ci-dessus, on peut avoir un état des cimetières vus de l'est, du Fort Montalban, en 1848 (date du dessin original) : au sud-est (à gauche de l’image), les murs de séparation du flanc oriental de la butte, dont ceux du Cimetière des non-catholiques ; plus à l’ouest, les murs de séparation du Cimetière catholique (Ancien Cimetière Catholique et Cimetière intermédiaire) et la chapelle Sainte-Madeleine. La ligne de cyprès, visible au nord, est située dans une parcelle extérieure au cimetière municipal (Cimetière des Cessolines, La Providence). A l’opposé, le Cimetière israélite, situé sur le versant sud-ouest de la butte, n'est pas visible ici.



Dans les années 1850, les travaux se multiplient : aménagement du chemin d’accès extérieur, agrandissement des zones d’inhumations, remise en état du cimetière des non-catholiques laissé à l’abandon, réalisation d’escaliers reliant les différentes parties (AM, M8-1, Plan régulateur du Cimetière du 10 décembre 1851, Cimitiero degli accattolici du 18 décembre 1854, Riparazione e Sistemazione di questo publico Cimiterio du 21 mai 1856, Calcolo per la formazione di un Casotto per ricoverare il guardiano del Cimiterio du 12 mars 1859). 

Le plan détaillé du 10 décembre 1851 présente les projets de construction d’un ossuaire catholique à l’extrémité nord-est du Cimetière intermédiaire, d’une chambre de dissection accolée au dépositoire au sud de la chapelle Sainte-Madeleine, et d’une loge de gardien de cimetière située dans le chemin d’accès extérieur, contre le mur occidental du cimetière (à la jonction du dépositoire et du Nouveau Cimetière) mais la plupart de ces travaux ne semblent pas avoir été réalisés (malgré le projet de budget 1853 ; L'Avenir de Nice du 10 décembre 1852).

Déjà en 1843, Louis Roubaudi évoquait les émotions opposées ressenties par le voyageur sur la colline du Château : "cet enthousiasme que l'âme éprouve à l'aspect de la belle nature [dû au panorama et au spectacle de la mer immense], cesse tout-à-coup, pour faire place à des émotions, à des sentiments plus sérieux et plus graves [à la vue du cimetière et des tombeaux] (Nice et ses environs, 1843 pp 51-52)

En 1853, le baron de Bazancourt insiste sur la succession des rires et des pleurs offerts au voyageur : "Mais que veulent dire ces têtes nues et tristement penchées là-bas, au pied du rocher ? que veut dire cette longue procession qui s'arrête sur le seuil du chemin tortueux ? (...) c'est le cercueil d'une jeune fille que l'on porte à sa dernière demeure, et ces voix qui montent lentement dans les airs, sont les chants funèbres, précurseurs de l'éternel silence. - Car tout près de toi, voyageur, immobile et plongé dans la contemplation, ne vois-tu pas ces pierres blanches, les unes couchées sur l'herbe, les autres à demi relevées, et au milieu desquelles s'élève une croix ? c'est le cimetière (...). Le funèbre cortège a disparu ; - la terre a recouvert le cercueil" (Nice et Ses Souvenirs, 1853 pp 21-22).

En 1854, Marie de Solms (fille de la princesse Laetitia Bonaparte) raconte de même, que lors de l’une de ses promenades au Château, elle est tirée de son admiration du panorama et de sa rêverie sous les arbres par des plaintes et sanglots émanant d’un convoi funèbre : "Je me mis à suivre machinalement un chemin creux, bordé de cyprès, du côté de l’ouest et je me trouvai bientôt en face du cimetière ; la porte en était ouverte et donnait entrée à un convoi funèbre, composé surtout de femmes et de jeunes filles, vêtues de blanc. C’était le corps d’un enfant que le cortège pieux allait confier à la terre" (Nice ancienne et moderne, 1854, p 139).

En 1856, Auguste Burnel constate que "très rarement les parents et amis (à moins qu'il ne s'agisse d'une confrérie) accompagnent le mort au cimetière (...) ; le clergé n'accompagne point le corps" (A. Burnel, Nice, janvier 1857 p 165 ; voir aussi, A. Mazon, Le Messager de Nice du 12 mai 1861 p 1).

Le poste de gardien est créé en 1856 et la loge est construite au début de l'année 1859 dans le chemin qui mène à l’entrée du cimetière catholique mais, côté ville, du côté opposé à l’emplacement prévu en 1851. Le poste fixe permet, dés février 1859, des horaires d'ouverture réguliers et quotidiens (de 9h à 11h et de 3h au coucher du soleil pour le Cimetière catholique et de 1h à 3h pour le Cimetière protestant ; L'Avenir de Nice du 25 février 1859).

Le Conseil municipal du 23 septembre 1859 examine la "proposition d'augmenter de deux tiers le prix des concessions de terrain dans le cimetière du Château" (L'Avenir de Nice du 24 septembre 1859 p 3).

Suite à l’Annexion française de 1860, le règlement et tarif des concessions est voté par le Conseil municipal du 27 mars 1861 (suivant les prescriptions de l'ordonnance du 6 décembre 1843).

Un service de pompes funèbres est instauré pour remplacer la Confrérie de la Miséricorde, jusque-là chargée du service des sépultures par le décret du Sénat de Nice du 3 juillet 1831. Le règlement sur la police des cimetières est élaboré par le maire de Nice au cours de cette même année 1861

L'Arrêté sur la police des Cimetières et des Inhumations est publié dans Le Messager de Nice du 11 juillet 1861. Il fixe la profondeur des fosses de 1,50 à 2 m et les espace de 40 cm, fixe le prix des concessions (de 1 à 10 m2) et leur durée (à perpétuité, pour trente ans renouvelables et 15 ans non renouvelables), règlemente les formalités des demandes de concession et inscriptions ainsi que les ouvertures et exhumations des fosses.

En mai 1862, des ossements présents dans les combles de l'église cathédrale de Sainte-Réparate sont transportés au Cimetière du Château (Le Messager de Nice du 11 mai 1862).

L'ensemble du Cimetière du Château est réaménagé entre 1861 et 1863 : organisation d'allées, réparation et construction de murs de soutènement des terrasses, réaménagement du dépositoire, agrandissement du cimetière catholique avec appropriation du plateau supérieur puis du terrain nord avec coupe des cyprès, agrandissement du cimetière protestant avec construction d'un mur occidental. 

Du fait de l'augmentation dangereuse du stock de poudre au Port de Nice, un projet de nouvelle poudrière au nord-est du Cimetière du Château, "près du magasin appartenant actuellement au dépôt de la guerre", est envisagé dès le début de l'année 1862 et réalisé en 1863 (Le Messager de Nice du 22 février 1862 et du 12 janvier 1863 p 3).

Il semble que "deux grands squelettes, peints à la détrempe, [qui] font sentinelle à la porte" (Le Constitutionnel du 8 avril 1858 p 3 ; Journal de Monaco du 16 septembre 1860 p 2), "deux personnages de la danse Macabre", présents sur les hauts murs du cimetière, aient été recouverts lors de la réfection de ces murs en 1867 (Emile Négrin, Les Promenades de Nice, 5ème édition de 1867, p 55 et note).

Quatre chemins, à forte pente, conduisent au Cimetière (voir le plan de 1845 ci-dessus). A l’ouest (côté ville), deux accès piétonniers (escaliers), avec une montée, côté nord (actuelle montée Rondelly) et la montée du Château, côté sud. 

A l’est (côté port), deux accès pour piétons et voitures, avec au nord la montée Éberlé (parfois qualifiée de promenade ou d’avenue), proche de la place Napoléon (actuelle place Garibaldi) et généralement empruntée par les convois funèbres, et au sud la montée Monfort. 

Ces deux montées fusionnent à flanc de colline en une seule et même voie qui serpente en haut du rocher, passe devant l’entrée (actuellement disparue) du Cimetière protestant, contourne le Cimetière israélite par le sud et arrive au chemin (rue puis avenue ; actuelle allée Aragon) qui dessert l’entrée du Cimetière israélite, celle de la chapelle Sainte-Madeleine puis celle du Cimetière catholique située tout au bout de l’impasse (rue percée seulement en 1934).

Albin Mazon dans son ouvrage de 1861, Nice, Guide de l'Etranger, écrit, "La Promenade du Château est peu fréquentée par les habitants de Nice, ce qui peut être attribué à deux choses : la pente rapide du chemin par lequel on arrive au sommet et la présence du cimetière central sur son versant occidental. Nous devons ajouter que l'autorité municipale a déjà songé à transporter cette propriété funèbre dans un autre endroit. L'entrée principale du cimetière est placée du côté de la vieille ville" (même texte dans, Guide des Etrangers à Nice, 1858-59, octobre 1858, 1ère partie p 41 ; voir également, Emile Négrin, Les Promenades de Nice, 5ème édition de 1867, pp 50-51).

Dès cette époque, la municipalité étudie en effet le projet d’un nouveau et grand cimetière catholique général qui ne verra le jour qu’en 1869-1872, au lieu-dit Caucada/Caucade, situé à l’ouest de la ville et ne recevra en définitive que les défunts de la rive droite du Paillon, pérennisant ainsi le Cimetière du Château.

Dès fin 1871, le tarif des concessions du Cimetière du Château se voit fortement augmenté afin de diriger les demandes vers le Cimetière de Caucada, aux tarifs très abordables (Conseil municipal du 24 novembre 1871, Journal de Nice du 3 février 1872).

En 1872, la Municipalité édite le texte du Service Général des Inhumations et des Pompes Funèbres, Cahier des Charges de l’Entreprise (Archives Municipales de la Ville de Nice, 13C42), détaillant notamment les tarifs des cercueils, des droits d’inhumation et des transports, offrant la gratuité aux indigents et un échelonnement de classes. 

L’offre va du simple brancard au cercueil en bois blanc recouvert d’un drap mortuaire en serge, galons en coton et croix en galons de laine, au plus prestigieux corbillard ; ce dernier est surmonté d’un baldaquin de velours noir étoilé d’argent avec quatre panaches de plumes noires aux angles, porte un cercueil en chêne ou noyer massif vernis recouvert d’un drap mortuaire en velours de soie, étoilé d’argent et timbré d’une croix centrale en drap d’argent ; il est tiré par quatre chevaux noirs empanachés et recouverts de draperies en velours noir bordées en galons d’argent et est accompagné de cochers et porteurs, chapeautés et costumés de noir mais portant cravate et gants blancs.

Le manque d'espace ne permettant plus le renouvellement quinquennal des fosses destinées aux sépultures dans le Cimetière du Château (et ceux de Saint-Pierre d'Arène et de Saint-Etienne), la Mairie y interdit, le 2 février 1872, de nouvelles inhumations et les reporte au Cimetière de Caucade (Conseil municipal du 2 février 1872, Journal de Nice du 12 février 1872). 

Cette décision n’est pas sans poser problème, impliquant la traversée de toute la ville par les convois funèbres, entraînant des frais supplémentaires aux familles et surtout inscrivant les tombes familiales dans un lieu éloigné des domiciles. 

Cette interdiction semble levée au plus tard vers 1875-1876 mais les seules concessions autorisées au Cimetière du Château sont désormais des concessions à perpétuité. La suppression, en 1883, du Cimetière de Saint-Etienne, entraînera cependant le transfert d’une partie des tombes de ce dernier au Cimetière du Château. Le transfert d'ossements humains, découverts lors de travaux en centre ville, continuera de se faire également au Cimetière du Château.

Sur un plan de la ville de Nice, datant de 1865, le cimetière protestant n'occupe pas son emplacement originel et actuel mais celui du Cimetière inférieur. C’est une erreur et cette dernière s’est d’ailleurs répétée sur des plans de 1870 et 1876. Il faut attendre un plan de 1878 pour voir cette erreur corrigée et découvrir l’étendue du cimetière catholique qui regroupe les cimetières inférieur, intermédiaire et supérieur.

Sur les différents plans de la ville de Nice, le tracé des cimetières reste d'ailleurs assez sommaire avec parfois un périmètre, des dimensions et séparations fantaisistes et un positionnement approximatif des bâtiments. Certains éléments peuvent ne pas être représentés, comme la chapelle Sainte-Madeleine, le dépositoire refait en 1862 et l'ossuaire accolé au mur sud de ce dernier en 1872, la loge du concierge implantée en 1859 (visible uniquement sur un plan daté du 12 septembre 1860) ou encore le bâtiment d’entrée du Cimetière israélite (visible sur le plan de 1845 ci-dessus).

Le dépôt de poudre du Château, "cause de terreur et de danger", n’est supprimé qu’en 1878, transféré dans une nouvelle construction à Montboron (Conseils municipaux des 26 avril et 28 août 1878). En 1887, "l’ancienne poudrière du Château sise à l’Est du cimetière" sera transformée en logement municipal du concierge du cimetière (Conseil municipal du 21 janvier 1887) et ce n’est qu’en 1903-1904, que l’actuel bâtiment (bureau et logement) sera construit du côté opposé, face à l’entrée occidentale du cimetière.


- Nice, Plan simplifié du Cimetière municipal du Château, vers 1890. 
Entre 1830 et 1860, les zones d’inhumation ont progressivement gagné l’espace oriental ; les toutes dernières zones (notamment les Plateaux supérieurs dits Protestants) ont été investies entre 1860 et 1890.





QUELQUES VUES DE LA FIN DU XIX° SIÈCLE











- WALBURG DE BRAY Jean (1839-1901), Vue Panoramique de Nice, détail, vers ou avant 1876,
vue sur le Paillon et la ville, prise depuis la terrasse de l'Hôtel des Anglais 
(hôtel situé à l’angle de la Promenade des Anglais et du Jardin Public),
image extraite du recueil intitulé, Souvenir de Voyage, Cannes, Nice, Menton, daté de 1876
tirage albuminé, Paris, BnF (voir sur Gallica).
Une photographie semblable intitulée, Nice , Panorama des Quais, a été faite par Eugène Degand du même point de vue et éditée dans les années 1870-1876.



A gauche de la photo de 1876 ci-dessus, on remarque que la plupart des cyprès des Cessolines a disparu, que le portail, repérable à la pointe des deux cyprès qui l'accostent, n'est plus visible du fait d'un bâtiment extérieur qui lui fait face, et que la chapelle est désormais précédée au sud d'un bâtiment extérieur. A droite, un grand édicule blanc en forme de chapelle domine le cimetière catholique à son extrémité sud, au sommet du Plateau supérieur (actuel Plateau Gambetta), et le bâtiment d'entrée est bien visible tout au bout du cimetière juif.

Il existe quelques estampes montrant l'intérieur du cimetière catholique. Deux d'entre elles ont été réalisées lors de l'enterrement de Léon Gambetta (1838-1882), le 13 janvier 1883. Celle ci-dessous donne une vision de la partie nord-est du Plateau d'entrée. 


- MEYER Henri (1844-1899), Cimetière du Château (Plateau d'entrée) : Les obsèques de Léon Gambetta à Nice (le 13 janvier 1883),
illustration, Le Journal Illustré n° 5 du 28 janvier 1883 p 40 (Collection personnelle).
L'image montre les tombes et le mur nord du Plateau d'entrée du Cimetière et l'absence, à cette date, de statues ou de chapelles.
Le mur de séparation entre le cimetière inférieur (actuel Plateau d'Entrée) et le cimetière intermédiaire (actuel Petit Cimetière) est encore présent à cette date (mais est davantage visible sur une autre estampe - voir ici).
L'image montre, au nord du cimetière, une ligne de cyprès qui n'apparaît pas sur les photographies du dernier tiers du XIX° siècle.



L’estampe suivante montre l'escalier sud du cimetière catholique permettant de gravir les terrasses occidentales de la butte. Elle offre une vision des tombes de l'Allée Robiony, située en léger contrebas et au sud du Plateau Supérieur.


- MARIE Adrien (1848-1891), The Funeral of the Late M. Gambetta at Nice,
détail extrait du magazine hebdomadaire illustré britannique, The Graphic, 27 Janvier 1883 p 85 (Collection personnelle).



Il existe quelques photographies de Jean Giletta (1856-1933), prises de la terrasse de l'Hôtel des Anglais puis du nouveau Casino de la Jetée-Promenade, qui montrent les cimetières dans les années 1880 et le début des années 1890. Sur ces photographies, on peut repérer un grand nombre de monuments qui existent toujours. La confrontation de la photo ci-dessous avec les photos antérieures montre la multiplication progressive des sépultures (1860-1876) puis des hautes chapelles de marbre blanc (1876-1892). Les sculptures vont se multiplier, pour leur part, dès le milieu des années 1890.


- GILETTA Jean (1856-1933), 792 - Nice, Vue prise de la Jetée, détail, vers 1890-1892,
tirage albuminé, 21x27 cm, Nice, Bibliothèque du Chevalier de Cessole (ALB-GIL8-51).



Cependant cette butte recouverte de monuments funéraires visibles depuis la promenade du Château et même depuis la ville basse est loin d'être appréciée. Même Henri Sappia, dans un article du Petit Niçois paru le 17 novembre 1897 réagit vivement : 

"Il faut tout de même reconnaître qu'on aurait dû choisir un autre emplacement pour le premier cimetière de notre ville. Cette exposition de tombeaux très peu artistiques, agglomérés les uns sur les autres, sans goût, n'est pas certainement un coup d'œil agréable dans une ville de plaisirs"

Il se reprend un peu dans un article de l'année suivante : 

"A cette époque, on ne pouvait faire un meilleur choix pour l'emplacement du cimetière (...). Le cimetière était très bien situé à côté du Château, amas de ruines et de débris (...). Il faut pourtant convenir qu'il est tôt ou tard condamné à disparaître pour donner toute sa beauté à la promenade du Château, pas assez fréquentée aujourd'hui à cause de ce voisinage" (Le Petit Niçois du 1er novembre 1898).

Il semble que l'estampe montrant le Cimetière du Château dans l'ouvrage de Stephen Liégeard intitulé La Côte d'Azur (1887 p195), présente l'entrée (actuellement murée) de l'ancien Cimetière protestant et orthodoxe, située sur le flanc nord-est de la colline. 


Nice, Le Cimetière,
Stéphen Liégeard, La Côte d'Azur,
estampe de l'édition de 1894 p 301.



Une illustration parue dans Le Petit Niçois du 2 novembre 1902, nous révèle pour sa part la partie occidentale du Cimetière du Château. Le dessin panoramique montre, notamment au tout premier plan (Plateau d’Entrée), la grande Croix de Bénédiction du Cimetière catholique de 1845, encore en place en 1902 malgré la loi du 14 novembre 1881 sur la neutralité des cimetières, et, à l'extrême droite, la Pyramide élevée aux victimes de l'Incendie du Théâtre Municipal du 23 mars 1881 (1882).



- Journal Le Petit NiçoisVue du Cimetière du Château depuis le Plateau d'entréenovembre 1902,
 vue nord-sud, illustration parue dans Le Petit Niçois du 2 novembre 1902 page 2.
- On peut voir du haut de l'image au bas de l'image et de gauche à droite :
la chapelle à pots à feu de la Famille Paul C. (Plateau Gambetta, vers 1897), 
la chapelle avec dôme couronné d'un vase de la Famille B. (allée Lenval, 1892), 
la flèche néo-gothique de la Famille de Nicolas de F. (Allée Pacôme, vers 1864), 
la chapelle à baldaquin de la Tombe P. (Plateau Gambetta, 1901), 
la Pyramide de Gambetta (Plateau Gambetta, créée dès 1883
 et déplacée là vers 1892 puis supprimée en 1909), 
la Chapelle Tarani (Plateau Gambetta, 1900) ;
- en dessous, l'Allée Lenval avec tout à droite, la Chapelle du Baron de Lenval (vers 1884) puis l'Allée Brunel, avec tout à droite, la Chapelle à baldaquin de la Famille Brunel (avec la figure de l'Ange, 1894) ;
- en bas, sur le Plateau d'Entrée, les tombes accostant le mur sud (restaurées en 1890 du fait de l'écroulement du mur) et tout à droite, la chapelle Sainte-Madeleine accostée du double escalier de 1901 et, au tout premier plan, la grande Croix de Bénédiction catholique avec tout à droite, l'angle de la Pyramide des Victimes de l'Incendie de l'Opéra (1881-1882).


Nice, Plan simplifié du Cimetière municipal du Château actuel (2021).
En vert, les extensions réalisées dans la première moitié du XX° siècle.