dimanche 9 mars 2025

1379-PHOTOGRAPHS OF THE DUKE OF HAMILTON'S FAMILY IN NICE

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


1- Photographe anonyme, Portrait de William Douglas, 11ème duc de Hamilton (env. 45 ans),
daté, Nice, 1856,
 épreuve de 16x19 cm (?),
Archives nationales de Hongrie, P_240_1.-r-23.-10-20.



INTRODUCTION


Cette publication est la suite de deux articles précédents de ce blog, intitulés "Souverains et Photographes à Nice (1850-1860)" (1 et 2), consacrés aux photographies de la Grande-Duchesse Stéphanie de Bade, de sa fille Marie de Bade, de l'époux de cette dernière, le duc William de Hamilton, et de leurs trois enfants.



LA FAMILLE DU DUC DE HAMILTON À NICE


Années 1840

De novembre 1841 à mai 1842, Marie Amélie Elisabeth Caroline princesse de Bade (1817-1888), accompagne à Nice (sarde) sa mère malade, la grande-duchesse Stéphanie de Bade (1789-1860) (veuve du grand-duc Charles II). 

C'est à Nice que Marie fait la rencontre de William Alexander Anthony Archibald, alors Marquis de Douglas et de Clydestale (1811-1863), fils d'Alexander duc de Hamilton et de Brandon, pair d'Ecosse et d'Angleterre (1767-1852) et de Susan Euphemia Beckford (1786-1859).

Après leur mariage à Mannheim (Grand-Duché de Bade), le 23 février 1843, le couple va avoir trois enfants, William Alexander Louis Stephen (1845-1895), Charles George Archibald (1847-1886) et Mary Victoria (1850-1922).


Années 1850

Au tournant des années 1850, la famille alterne des séjours en Grande-Bretagne auprès du père de William, dans le Grand-Duché de Bade auprès de la mère de Marie, et en France auprès du cousin germain de Marie, le Prince Louis-Napoléon Bonaparte, Président de la République puis Empereur des Français.

C'est également à Nice, qu'à partir du milieu des années 1850, les Hamilton prennent l'habitude d'aller rejoindre la grande-duchesse Stéphanie, tout en logeant dans une demeure séparée avec leur suite. 

- Saison 1854-55

Lors de la saison d'hiver 1854-55, la duchesse de Hamilton arrive à Nice mi-décembre 1854 et son époux début janvier 1855. 

Ils participent notamment au dîner organisé par le Consul de France, début février, à l'occasion du passage à Nice du 11ème régiment de dragons (Le Sémaphore de Marseille du 7 décembre 1855 ; Galignani's Messenger du 19 février 1855).

- Saison 1855-56

La saison suivante, les Hamilton séjournent à Nice, de début décembre 1855 à début mai 1856, à la Villa Massingy/Messingy/Massengi/Massengy, située au quartier de Carabacel.

 Le dimanche 23 mars 1856, ils participent à la cérémonie religieuse donnée à l'église Saint-François-de-Paule en l'honneur de la naissance du Prince Impérial (né le 16), avec le chant d'un Te Deum, comme dans toutes les villes de France.

- Saison 1857-58

Deux saisons plus tard, la duchesse de Hamilton revient à Nice, retrouver sa mère, début décembre 1857, rejointe une dizaine de jours plus tard par son époux. Ils séjournent cette fois à l'Hôtel Victoria (Galignani's Messenger des 3 et 10 décembre 1857).

Ils sont notamment présents, le 16 janvier 1858, à la cérémonie religieuse organisée à l'église Saint-François-de-Paule, en l'honneur de L'Empereur et de l'Impératrice, sortis indemnes de l'attentat de l'Opéra du 14 janvier. Ils participent également au bal de Charité donné début avril. 

Ils embarquent ensuite pour Civita-Vecchia afin de passer les Fêtes de Pâques à Rome puis reviennent à Nice fin avril et quittent la ville début mai (Gazette nationale du 20 janvier 1858 ; Le Constitutionnel du 8 avril 1858 ; Journal des Débats politiques et littéraires du du 2 mai 1858 ;  Le Constitutionnel du 6 mai 1858).

- Saison 1859-1860

La grande-duchesse Stéphanie de Bade revient à Nice en octobre 1859 mais y décède, en cours de saison, le 29 janvier 1860. 

Le duc William de Hamilton, sans son épouse (souffrante) est arrivé, en urgence, la veille. Il assiste à la cérémonie funèbre qui se tient à la cathédrale Sainte-Réparate et repart en même temps que le corps, le 2 février (La Presse du 30 janvier 1860 ; L. M. J. E. Hélion de Barrême, Madame La Grande-Duchesse Stéphanie de Bade, 1860, pp 11-13).


Années 1860

William duc de Hamilton et Marie princesse de Bade et duchesse de Hamilton, vont continuer, avec leurs enfants, à fréquenter Nice (désormais française).

- Saison 1861-1862

En octobre 1861, les Hamilton sont annoncés à Nice (Journal de Monaco du 13 octobre 1861) mais c'est à Hyères (Var) qu'ils s'installent, dès le mois de janvier 1862. 

Disposant du yacht impérial, la Reine-Hortense, ils vont cependant passer 3 jours à Nice, du 24 au 26 mars 1862. 

Le 24, ils font des excursions dans les environs de la ville puis le 25, participent au déjeuner et au bal organisés par le préfet Gavini de Campile. Ils repartent à Hyères dès le lendemain mais promettent de venir passer le prochain hiver à Nice (Galignani's Messenger des 18 janvier, 22 et 31 mars 1862 ; Le Messager de Nice du 24 mars 1862).

- Saison 1862-1863

Ils reviennent, en effet, séjourner à Nice de mi-janvier à mi-avril 1863, à nouveau dans la Villa Massengy


2- FERRET Pierre (1815-1875), Portrait du duc William de Hamilton
sans date (probablement début 1863),
Landesarchiv_Baden-Wuerttemberg_Generallandesarchiv_Karlsruhe_
69_Baden-_Sammlung_1995_F_I_Nr._27-_50_Bild_1_(4-1621532-1).




Ils sont notamment invités, le 28 janvier 1863, à un dîner organisé en leur honneur par le préfet puis au bal costumé donné à l'hôtel de la Préfecture le 2 février. Ils passent la journée du 10 février à Monaco puis organisent, le 12 février, une soirée dans leur villa niçoise. 

Ils assistent au Carnaval et sont présents, à la fête de clôture du 17 février (bal costumé), donnée dans cette ville par Lady Brougham (Galignani's Messenger des 15 janvier, 21 février, 20 mars et 17 avril 1863 ; Le Constitutionnel du 2 février 1863 ; Le Messager de Nice des 14 et 20 février 1863).

Le 28 mars, ils se rendent à nouveau à Monaco où ils sont reçus au Palais du Prince (Journal de Monaco des 15 février et 29 mars 1863).


3- FERRET Pierre (1815-1875), Portrait du 11ème duc William de Hamilton, sans date,
 (probablement début 1863 où le duc est âgé de 52 ans ; il porte notamment cette tenue écossaise lors du bal costumé de la Préfecture du 2 février 1863),
carte de visite de 6x10 cm,
Archives nationales de Hongrie, P_240-1.-r-28.-138.



Après leur retour à Paris, le duc de Hamilton décède malheureusement à l'Hôtel Bristol (suite à une chute dans l'escalier du restaurant de la Maison Dorée quelques jours auparavant), le 15 juillet 1863, âgé de 52 ans (Le Constitutionnel du 16 juillet 1863). Son corps va reposer dans le mausolée familial écossais de Hamilton Palace (South Lanarkshire). L'Empereur Napoléon III devient le tuteur de Mary Victoria.

Plusieurs années s'écoulent ensuite sans que Marie ou ses enfants ne reviennent à Nice.

- Saison 1868-1869 

La duchesse est à nouveau signalée à Nice fin 1868-début 1869. Elle occupe, avec sa suite de 34 personnes, la Villa Marie-Louise, au quartier de Carabacel, montée de Cimiers/Cimiès/Cimiez. Elle est notamment reçue à Monaco où sa fille Mary Victoria est fêtée (Létizia Bonaparte-Rattazzi, Les Matinées italiennes, 1868, vol. 4 p 274).  

Son fils aîné William, 12ème duc de Hamilton, assiste à la fête nautique de Nice où il arrive, probablement sur son yacht à vapeur, la Stella, vers le 20 décembre 1868 mais ne semble rester que quelques jours (Le Gaulois du 17 décembre 1868). Il laisse son yacht à Nice car il prévoit de revenir quelques semaines plus tard pour l'inauguration de l'hippodrome de Nice, prévue le 4 février 1869.

Il passe en effet les deux premières semaines de février à Nice, participe aux courses avec trois de ses chevaux et remporte le Prix des Haras et le Prix de l'Empereur. Il profite également des nombreuses festivités qui se déroulent dans la ville et se fait remarquer par quelques excentricités : il se montre un jour de courses dans un poney-chase attelé de quatre petits ânes et réserve entièrement, pour lui et 5 de ses amis, la salle du Théâtre-Français pour une soirée de représentation (Le Sémaphore de Marseille du 2 février 1869 ; Le Gaulois des 8, 10 et 16 février 1869 ; Le Siècle du 9 février 1869).


4- FERRET Pierre (1815-1875), Portraits du 12ème duc William de Hamilton 
et d'un autre homme, identifié comme son ami Mr. Burton 
mais qui pourrait être le frère du duc, Charles comte de Selkrik, sans date,
(probablement fin 1868 ou début 1869),
carte de visite de 6x10 cm, 
Archives nationales de Hongrie, P_240-1.-r-30.-32.




Le 21 septembre 1869, a lieu au Château de Beaumarchais (près de Laon, Aisne), le mariage de la fille de Marie de Bade, Mary Victoria, 18 ans, avec Albert Grimaldi, duc de Valentinois, fils héritier du prince de Monaco, âgé de 20 ans (Journal de Monaco du 24 août au 12 octobre 1869 ; La Liberté du 23 septembre 1869 ; La France du 25 septembre 1869, Létizia Bonaparte-Rattazzi, Les Matinées italiennes, 1869, vol. 2 p 264). 

Cependant, le mariage tourne court, et Mary Victoria, enceinte, quitte son époux dès février ou mars 1870 pour se réfugier à Bade, auprès de sa mère et accouche, le 12 juillet, de Louis Honoré Charles Antoine Grimaldi dont les parrain et marraine ne sont autres que ses grands-parents, le prince Charles III de Monaco et Marie princesse de Bade et duchesse de Hamilton.

- Saison 1869-1870

La duchesse de Hamilton réserve à nouveau, pour la saison d'hiver 1869-70 à Nice, la Villa Marie-Louise (Le Petit Figaro du 3 septembre 1869).

Son fils aîné, William, la précède dans la ville où il arrive début novembre 1869 et embarque le 8 sur la Stella pour se rendre à l'inauguration du canal de Suez, prévue le 17.

La duchesse arrive à Nice fin novembre ou début décembre 1869 et dîne au Palais de Monaco le 5 décembre (Journal de Monaco du 7 décembre 1869 ; Galignani's Messenger du 20 décembre 1869). 

La duchesse participe notamment à une réception à la Préfecture le 3 janvier 1870, assiste à un concert de Charité au Théâtre-Français le 8 janvier 1870 mais semble un peu souffrante en fin de mois. 

La date de fin de son séjour n'est pas connue mais se situe au plus tard fin mars ou début avril (Journal de Monaco du 11 janvier 1870 ; Le Petit Figaro du 12 janvier 1870 ; Le Figaro du 22 janvier 1870 ; Galignani's Messenger du 14 avril 1870).

La relation entre la Famille Hamilton et la ville de Nice va perdurer dans les deux décennies suivantes. William, duc de Hamilton, continuera à fréquenter assidument Nice (et Monaco), avec ses yachts successifs. Ses frère et sœur y viendront moins souvent.

Son frère, Charles Georges Archibald, dit Carlo, comte de Selkrik, y décédera cependant, suite à une maladie de poitrine, le 4 mai 1886, à l'âge de 38 ans.



LES PHOTOGRAPHIES DE PIERRE FERRET


Une quinzaine de photographies de la Famille Hamilton, prises à Nice, sont conservées de nos jours (France, Domaine de Compiègne ; Hongrie, Budapest, Archives nationales et Keszthely, Balatoni Mùzeum ; Allemagne, Karlsruhe, Landesarchiv Baden-Württemberg). 


Années 1850

Certaines de ces photographies, anonymes, sont datées des années 1855 et 1856 et ont été étudiées dans les articles précédents (Image 1). Elles ont probablement été réalisées dans l'atelier du quai Masséna, 3, par le Français Pierre Ferret (1815-1875) car ce dernier devient officiellement, en 1856, "photographe de Son Altesse Impériale la Grande Duchesse Stéphanie de Bade"


Années 1860

D'autres photographies datent manifestement du début des années 1860 car elles présentent désormais, à leur verso, le tampon du photographe Pierre Ferret et affichent le brevet de l'Impératrice de Russie obtenu en juin 1860, celui de l'Empereur Napoléon III obtenu en septembre 1860 ou bien les deux. La nouvelle adresse d'atelier du photographe est parfois précisée, rue Chauvain, 10, dans une maison qu'il a fait ériger en 1859-60, dans une rue officiellement ouverte au printemps 1861.

Ces photographies semblent donc correspondre aux séjours évoqués de la Famille Hamilton et plus probablement à celui de janvier à avril 1863. Elles montrent essentiellement le duc William de Hamilton, âgé de 52 ans, qui a posé lors de plusieurs séances, quelques mois avant son décès de juillet 1863 (Images 2 et 3).

Pierre Ferret fait d'ailleurs paraître la petite annonce suivante, à partir du 26 juillet 1863 : "M. P. Ferret - Photographe de Sa Majesté l'Empereur Napoléon III - Est de retour à Nice - Il profite de cette occasion pour informer sa Clientèle qu'on trouve chez lui, rue Chauvain, 10, des portraits de feu Sa Grâce le Duc d'Hamilton" (Journal de Nice, de juillet à septembre 1863, Archives Départementales des Alpes-Maritimes).

D'autres photographies de la famille portent enfin, au verso, sous les armoiries et les médailles de l'Empereur Napoléon III et de l'Impératrice de Russie, l'adresse de la rue Gioffredo (officiellement ouverte en 1863 et perpendiculaire à la rue Chauvain) et la grande signature oblique de Pierre Ferret qui identifie sa production des années 1868-1870.

Les portraits des enfants Hamilton semblent donc correspondre aux séjours niçois des hivers 1868-69 et 1869-70, sans qu'il soit toujours possible de préciser davantage : Mary Victoria a alors environ 19 ans, William, 24 ans (souvent accompagné d'amis) et Charles, 22 ans (Image 4).




dimanche 2 mars 2025

1378-PHOTOGRAPHS OF THE BARING AND GROSVENOR FAMILIES IN NICE

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


1- FERRET Pierre (1815-1875), Détail du verso d'une carte de visite.


LES FAMILLES BRITANNIQUES 

BARING ET GROSVENOR

PHOTOGRAPHIÉES À NICE

DANS L'ATELIER DE PIERRE FERRET



INTRODUCTION


Les Échos de Nice du 23 novembre 1867 signalent les arrivées dans la ville de la Famille d'Alexander Hugh Baring et de celle d'Hugh Lupus Grosvenor. 



LA FAMILLE BARING (Note 1)


Séjours à Nice antérieurs ?

Alexander Hugh Baring (1835-1889) est le fils de Francis Baring (1800-1868), Britannique, 3ème baron Ashburton, propriétaire, ancien banquier et député, et d'Hortense Eugénie Claire, née Maret (1812-1882), Française, fille du 1er duc de Bassano.

Alexander Hugh Baring et ses frère et sœur ont parfois accompagné leurs parents en France, notamment en 1857 et en 1861 où ils sont signalés à l'Hôtel des Bains de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) mais sans que leurs destinations soit connues (The Boulogne Gazette des 23 décembre 1857 3 février 1858 et 3 juillet 1861). Cependant, Il Vero Amico del Popolo du 29 novembre 1856, signale déjà la présence à Nice de Lord et Lady Ashburton à la Villa Massengy, située au quartier de Carabacel.

La présence de l'oncle et de la tante d'Alexander Hugh Baring, Bingham Baring (1799-1864) et Hariett Mary (1805-1857), née Montagu, fille du 6ème comte de Sandwich, est d'autre part attestée à Nice lorsque cette dernière "was seized with her fatal illness at Nice in 1857, and died at Paris, 4 May, 1857" (The Atheneum du 18 juillet 1885 p 74).

Denzil Hugh Baring (1840-1866), le frère cadet d'Alexander Hugh, ancien officier des Coldstream Guards, est lui signalé à Nice, place du Jardin-Public, 3 (Maison Gilli), le 26 mai 1866. 

Âgé de 26 ans et quatre mois, il y est soudainement décédé, alors qu'il venait de quitter l'Egypte et s'apprêtait à rentrer à Londres (Registre des décès de l'année 1866 à Nice, acte n° 632, vue 160/433, Archives Départementales des Alpes-Maritimes ; The Galignani's Messenger du 3 juin 1866 ; Norfolk Chronicle du 9 juin 1866).


Séjour à Nice de 1867

Le 2 novembre 1867, la Famille d'Alexander Hugh Baring quitte sa propriété familiale londonienne de Bath House (située Bolton-Street, face à Picadilly), pour se rendre à Nice (The Galignani's Messenger du 7 novembre 1867). 

Les Échos de Nice du 23 novembre 1867 signalent sa récente arrivée, dans la 9ème Liste des Étrangers Aux Hôtels : "Baring, the Hon. A. H., villa Marie-Louise, Carabacel [montée de Cimiez], angl."

Ce séjour, annoncé par de nombreux journaux britanniques en novembre 1867 (Sunday Gazette, Norwich Mercury, Bury Free Press, Norfolk Chronicle...), se voit rappelé en janvier 1868 (Morning Post, Glasgow Herald...).

La date précise du retour en Angleterre n'est pas connue mais peut être estimée entre février et avril 1868 car Alexander Hugh Baring est à nouveau signalé à Londres au début du mois de mai. 


Portrait de groupe

La photographie, non datée et non identifiée, réalisée à Nice, dans l'atelier du photographe Pierre Ferret (1815-1875) (Note 2), semble dater de ce séjour de la Famille Baring en 1867-68.

Elle présente sept personnes dont quatre adultes et trois enfants.


2- FERRET Pierre (1815-1875), Portrait de groupe, sans date ni identification,

tirage albuminé de 8,7x5,7 cm sur carton de 10,5x6,3 cm, Collection personnelle.



Au premier plan, deux femmes sont assises, l'une au sol et l'autre sur une chaise. Cette dernière, placée au centre de l'image (dans l'axe de la colonne cannelée), est accostée de ses deux filles, l'une debout et l'autre assise. 

- Cette femme a été difficile a identifier car les arbres généalogiques ne lui prêtent pas de descendance. Il s'agit pourtant de la sœur d'Alexander Hugh Baring, Marie/Mary Anne Louise/Louisa Baring (1833-1928), épouse, depuis le 10 février 1858, de William Henry FitzRoy/Fitz-Roy, 6ème duc de Grafton et membre de la Chambre des Lords, qui est pour sa part absent de la photographie. En novembre 1867, elle vient d'avoir 34 ans. 

- Sa fille aînée, debout, est née au plus tôt en 1858 et semble n'avoir tout au plus que 6 ou 7 ans et sa sœur 2 ou 3 ans de moins. Leurs prénoms restent inconnus.

- Sur la gauche de l'image, la femme assise sur le sol semble une dame de compagnie de la duchesse de Grafton qui pose, une lettre à la main (cette même femme se retrouve sur une autre photographie de Pierre Ferret, assise et lisant à nouveau une lettre mais vêtue différemment ; voir sur eBay, lien éphémère, ici).

Sur la droite de l'image, et en partie au second plan, se trouve un autre groupe, constitué de trois personnes. 

- L'homme debout, accoudé à la colonne, est Alexander Hugh Baring (1835-1889), fils du 3ème baron Ashburton, qui pose à côté de sa sœur.

Il a perdu son bras droit à 19 ans, lors de la guerre de Crimée (le 20 septembre 1854), alors qu'il était officier d'Infanterie au sein des Coldstream Guards. En novembre 1867, il a env. 42 ans, est propriétaire et vient juste de quitter la fonction de député du Parti conservateur qu'il occupait depuis dix ans. 

- A sa droite, la femme debout et tenant un enfant, est Leonora Caroline Baring (1844-1930), fille du 9ème Baron Digby, épouse d'Alexander Hugh Baring depuis le 5 janvier 1864. En novembre 1867, elle a 27 ans et est déjà mère de 2 enfants. 

- L'enfant, assis sur la balustrade, est son aîné, Francis Denzil Edward Baring (1866-1938), né le 20 juillet 1866, ce qui vient confirmer la date de la photographieEn novembre 1867, il est âgé d'1 an et quatre mois. Son petit frère, Frederick Arthur Baring (1867-1961), né le 18 septembre 1867 et âgé seulement de 2 mois, est pour sa part absent de la photographie mais doit être présent à Nice.

La disposition des protagonistes sur la photographie ne semble liée ni à l'âge, ni au sexe mais met en valeur la duchesse de Grafton. La présence à Nice de son époux, absent de la photographie, reste incertaine.

Les journaux citent le séjour de cette famille sous le nom de l'honorable Baring, sans que l'on puisse deviner le nombre et le nom de ses participants, et notamment celui de la duchesse de Grafton.


La carte de visite

La carte de visite présente, au verso, les inscriptions suivantes imprimées à l'encre noire, sous les armoiries du Second Empire français : "Ferret - Photographe - de S.M. L'Impératrice - De Russie - Nice" (sans nom ni numéro de rue) (Image 1 en tête d'article).

Pierre Ferret a obtenu le brevet de l'Impératrice de Russie en juin 1860 et celui de l'Empereur Napoléon III, en septembre de la même année. Ce type d'inscription est cependant étonnant et rare. Il mixe, en effet, d'une manière insolite les armoiries de France et le nom de l'Impératrice de Russie, alors que les cartes de visite de Pierre Ferret affichent habituellement un seul nom de souverain sous les armoiries correspondantes ou bien les noms des deux souverains précédés des armoiries des deux empires. 


Deux portraits individuels

Deux photographies de Pierre Ferret, concernant des membres de la Famille Baring, sont actuellement en vente en ligne (sur eBay). Elles présentent respectivement au sommet du verso de la carte de visite, les inscriptions manuscrites suivantes : 

- "Lord A. Ahsburton (sic)", pour Alexander Hugh Baring, baron Ashburton (voir sur eBay, lien éphémère, ici).

- "Lady A. Ahsburthon (sic)", pour sa femme, Leonora Caroline Baring, née Digby (voir sur eBay, lien éphémère, ici).

En dessous, se trouvent cette fois imprimées, à l'encre rouge, les armoiries de France et de Russie puis les inscriptions suivantes : "Ferret - Photographe - De L.L. M. L’Empereur Napoléon III (texte ondé) - et de (texte convexe) - L’Impératrice (texte concave) - Douairière de Russie - Rue Gioffredo [ouverte en 1863] - Nice (ensemble du texte entouré de fins entrelacs)".

Ces deux cartes de visite sont donc postérieures à 1864 (date du mariage des époux Baring), ce que viennent confirmer les inscriptions imprimées qui, non seulement, se retrouvent sur d'autres cartes de visite de Pierre Ferret datées de 1866 à 1868 mais dont le style se retrouve chez d'autres photographes français de ces mêmes années (comme Pacelli à Nice ou Emile Demay à Aix-les-Bains et Hyères).

Alexander Hugh Baring n'a cependant porté le titre de "Lord" qu'après le décès de son père, le 6 septembre 1868, date à laquelle il est devenu le 4ème baron Ashburton. Ces mentions manuscrites ont donc été portées au verso des cartes de visite après cette date mais sans que l'on puisse savoir le laps de temps écoulé depuis leur réalisation.

Ces portraits individuels en médaillon, montrant les époux Baring en buste, dans d'autres tenues que celles du portrait de groupe, ont probablement été réalisés lors de la même saison 1867-68. 

Si l'hypothèse d'une saison légèrement postérieure (1868-69 ou 1869-70) ne peut totalement être écartée, un tel séjour reste cependant inconnu des journaux français et britanniques. 



LA FAMILLE GROSVENOR (Note 3)


Séjours à Nice antérieurs

Le comte Hugh Lupus Grosvenor (1825-1899) est le fils de Richard Grosvenor (1795-1869), 2ème marquis de Winchester, propriétaire, éleveur de chevaux et ancien député du Parti libéral, et d'Elizabeth Leveson-Gower (1797-1891).

Hugh Grosvenor a les mêmes activités que son père et est député anglais du Parti libéral depuis 1847.

Il a épousé, le 28 avril 1852, sa cousine germaine, Constance Gertrude Levenson-Gower (1834-1880), fille de George Levenson-Gower (1786-1861), 2ème duc de Sutherland et d'Harriet Howard (1806-1868).

Dans l'année suivant leur mariage, le couple a accompli, fin 1852-début 1853, une première saison d'hiver dans le Sud de la France. 

Seule, la fin de ce séjour est évoquée par The Morning Advertiser du 21 mars 1853 : "The Earl and Lady Constance Grosvenor have left Nice their return home"

Constance, alors enceinte, accouchera de leur premier enfant, Victor Alexander Grosvenor (1854-1884), quelques semaines plus tard, le 28 avril 1853.


Séjour à Nice de 1867

Les journaux anglais et français annoncent, dès le 1er novembre 1867, l'intention du comte Hugh Grosvenor de quitter Londres avec sa famille pour passer l'hiver en Italie ; ils signalent leur départ le 12 novembre pour Paris puis Menton (Galignani's Messenger du 1er novembre 1867 ; Express du 12 novembre 1867).

Après Paris, la Famille Grosvenor fait une étape à Nice où elle arrive le 18 novembre. Elle est ensuite citée dans la 9ème Liste des Étrangers Aux Hôtels publiée dans Les Échos de Nice du 23 novembre 1867 : "Grosvenor, Earl [comte], et Lady Constance, et fam., h. de la Grande-Bretagne - ang.".

Ce même numéro de journal précise par ailleurs que "le comte Grosvenor et sa famille sont arrivés à Nice lundi ; descendu à l'hôtel de la Grande-Bretagne, si admirablement réorganisé par Valetta [établissement de premier ordre, en face le Jardin Public], le noble lord, doit sous peu quitter Nice, pour se rendre à Menton où il va passer l'hiver".

Il est possible qu'à cette date, la famille ait déjà quitté la ville car elle est dite, "arrived at Mentone from Paris", dans le Sun du 21 novembre 1867. Si c'est bien le cas, cela signifie que l'étape niçoise n'a duré guère plus de 2 jours (arrivée le 18 et départ le 20).

Leur séjour à Menton va durer plusieurs mois et s'avérer propice à des visites en Italie. Début mars 1868, les journaux britanniques annoncent que ce séjour va durer encore un mois et que le retour se fera début avril (Morinig Post du 7 mars 1868). 

Le retour à Londres a bien lieu, en effet, dans la première semaine d'avril 1868 mais avec tout d'abord le comte seul puis, quelques jours plus tard, le reste de sa famille (Morning Post du 1er avril 1868).


Portrait de groupe

La photographie suivante, non datée et non identifiée, a probablement été prise dans l'atelier niçois de Pierre Ferret, entre fin novembre 1867 et fin mars 1868, la Famille Grosvenor ayant pu revenir une ou plusieurs fois à Nice, au cours de son séjour à Menton. 

Elle présente sept personnes disposées sur deux plans, avec trois hommes et quatre femmes. 


3- FERRET Pierre (1815-1875), Portrait de groupe, sans date ni identification,

tirage albuminé de 8,7x5,7 cm sur carton de 10,5x6,3 cm, Collection personnelle.



- Au premier plan et à gauche de l'image, l'homme assis sur une chaise est la personne la plus âgée du groupe. Il s'agit de Richard Grosvenor (1795-1869), 2ème marquis de Winchester, env. 72 ans, époux d'Elizabeth Leveson-Gower (1797-1891), absente de la photographie, et père d'Hugh Lupus Grosvenor. 

- A l'opposé, l'homme qui est assis sur la colonne cannelée couchée sur le sol (masquant habituellement le raccord entre les deux toiles de fond), son chapeau bowler (melon) posé à ses pieds et une canne à la main, est son fils, Hugh Lupus Grosvenor (1825-1899), env. 42 ans.

- Entre les deux hommes, est assise Constance Gertrude Grosvenor (1834-1880), env. 32 ans, épouse d'Hugh Lupus Grosvenor, fille de George Granville Leveson-Gower, 2ème duc de Sutherland (1786-1861) et de Lady Harriet Elizabeth Georgiana Howard (1806-1868)

En novembre 1867, Hugh et Constance Grosvenor ont 5 enfants, qui sont absents de la photographie. Le couple a été récemment marqué, coup sur coup, par la mort de leurs sixième et septième enfants : Blanche Gertrude Grosvenor (1864-1867), décédée à 2 ans et 5 mois le 4 avril 1867, et Frederick Grosvenor (1867-1867), décédé 4 jours après sa naissance, le 20 avril 1867 (absent des généalogies britanniques).

- Au second plan, sur la gauche de l'image, les deux jeunes femmes placées derrière Richard Grosvenor n'ont pu être identifiées avec assurance mais il est probable que ce soient deux des 9 filles de ce dernier, nées dans les années 1830 et sœurs d'Hugh Grosvenor.

- Sur la droite de l'image, derrière le couple Hugh et Constance Grosvenor, l'homme barbu qui porte un chapeau féminin enrubanné, tend un parapluie et est perché sur le piédestal (délesté de sa colonne cannelée), s'avère être le frère de Constance et le beau-frère d'Hugh Grosvenor, George Granville William Leveson-Gower (1828-1892), 3ème duc de Sutherland, âgé d'env. 39 ans, Lord-Lieutenant, ancien député du Parti libéral.

- Il est probablement accosté de la femme qu'il a épousée le 29 juin 1849, Anne Leveson-Gower (1829-1888), âgée d'env. 39 ans, comtesse de Cromartie, fille de John Hay-Mackenzie (1800-1849) et d'Anne Gibson-Craig (1802-1869). Elle semble amusée des excentricités de son mari, avec lequel elle a cinq enfants, absents de la photographie.

Sur cette photographie, la disposition des protagonistes n'est liée ni à la hiérarchie des titres nobiliaires (baron et comte en avant du duc), ni au sexe (maris et femmes sur le même plan), ni à l'âge (père et fils sur le même plan). Les 5 enfants du comte Hugh Grosvenor et les 5 enfants du duc George de Sutherland sont absents mais également la mère d'Hugh Grosvenor dont la présence à Nice reste incertaine.

Là encore, les journaux citent le séjour de cette famille sous le nom du comte Grosvenor, sans citer le marquis de Westminster ou le duc de Sutherland. Seul le Morning Post du 1er avril 1868 annonce le prochain retour à Londres de "Lady Constance Grosvenor accompanied by Lord Belgrave", son beau-père, Richard Grosvenor, marquis de Westminster, ici désigné par son titre de 3ème vicomte Belgrave.


Remarques

Il est à noter que la Famille Grosvenor est signalée à Nice à la même date que celle de la Famille Baring et qu'elle s'est fait photographier lors de la même saison, dans l'atelier de Pierre Ferret. 

Leur photographie de groupe présente d'ailleurs les mêmes éléments de décor que le photographe utilise depuis le début des années 1860 : balustrade, chaises, colonne cannelée et deux toiles de fond, peintes de paysages offrant de grands arbres et un élément d'architecture. 

De la même façon, les deux cartes de visite portent les mêmes inscriptions à l'encre noire au verso avec, sous les armoiries françaises du Second Empire, le nom de l'Impératrice de Russie (Image 1 en tête d'article).

Il est difficile de savoir pourquoi Pierre Ferret choisit spécifiquement, pour ces portraits de groupes, des cartons-photos qui semblent dater des années 1863-1864 et présenter une erreur d'impression, alors qu'il opte pour des cartons-photos aux inscriptions ondées et imprimées à l'encre rouge, datant de 1866, pour les portraits individuels de ces mêmes familles.

C'est d'ailleurs le cas pour deux autres photographies de la Famille Grosvenor, réalisées à Nice, lors de la même saison, par Pierre Ferret, conservées à The Royal Collection Trust et datées vers 1868 : un Portrait du comte Hugh Grosvenor (ici), et celui de deux de ses filles, Elizabeth Harriet Grosvenor (1856-1928), env. 11 ans et Beatrice Grosvenor (1858-1911), env. 9 ans (ici).

Ces nouvelles cartes de visite, au-delà de montrer deux des cinq enfants Grosvenor absents de la photographie de groupe, présentent à nouveau le comte Hugh Grosvenor mais vêtu d'une veste différente, ce qui implique une autre date de prise de vue.

Dans la même Collection, sont également conservés deux exemplaires (dont l'un est colorisé) d'un Portrait de Constance Grosvenor (ici et ici), réalisé par Grillet et Cie, photographes du Roi, respectivement datés de "1868" et "1869". S'ils datent bien de début 1868, ils peuvent révéler le fait que la Famille Grosvenor a profité de son séjour dans le sud de la France pour se rendre à Naples.



NOTES


(1)- La Famille Baring

Sur l'histoire de cette famille, voir notamment : La Marseillaise du 22 novembre 1890 p 4 ; Landesfamilies.blogspot.com, ici ; ThePeerage, ici.

Voir des portraits photographiques de cette famille au XIX° siècle, réalisés en dehors de Nice par d'autres photographes que Pierre Ferret, dans les Collections suivantes : London, National Portrait Gallery ; Hampshire Cultural Trust ; Paris, Musée d'Orsay.


(2)- Le photographe Pierre Ferret : voir notamment, sur ce blog, sa biographie, ici.


(3)- La Famille Grosvenor

Sur l'histoire de cette famille, voir notamment : ThePeerage, ici ; Grosvenor, ici.

Voir des portraits photographiques de cette famille au XIX° siècle, réalisés en dehors de Nice par d'autres photographes que Pierre Ferret, dans les Collections suivantes : Londres, The Royal Collection Trust ; The National Portrait Gallery ; Los Angeles, The J. Paul Getty Museum et Getty Images.