jeudi 12 octobre 2023

1316-NICE, L'ANCIEN HÔTEL DES ÎLES-BRITANNIQUES-4

 

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DERNIÈRE MISE À JOUR DE CET ARTICLE : 12/10/2023


CET ARTICLE A ÉTÉ ÉCRIT EN COLLABORATION AVEC PATRICK WILD


NICE - L’ANCIEN HÔTEL DES ÎLES BRITANNIQUES



LA GÉRANCE DE BAEBLER & BUCHLI (1910-1920)


Les nouveaux gérants de l'Hôtel des Îles-Britanniques de Nice, "Baebler & Buchli", sont signalés dès mars 1910 (The Swiss & Nice Times du 24 mars 1910).

Leur première publicité prend la suite de celle d'Andréa Zambail et paraît dans The Swiss & Nice Times à partir du 6 juin 1910.


- Publicité pour l'Hôtel des Îles-Britanniques parue dans The Swiss & Nice Times
de juin 1906 à avril 1913,
Paris, BnF, Gallica. 


Ernst Johannes Bäbler/Baebler est né le 28 février 1872 à Zurich (7). Il est l'un des enfants de Johann Paulus Bäbler, rédacteur (Schwanden, Glaris Sud, Suisse, 13 mars 1839 - Zurich-Neumünster, Suisse, 30 juillet 1907) et de la première de ses deux épouses, Elisabeth(a) Guggenbühl (Zurich 10 novembre 1842 - Zurich-Neumünster 23 mai 1876), qui se sont mariés le 31 mai 1866 à Zurich.

Rien n’est connu de la jeunesse puis des débuts de la carrière d’Ernst Johannes Bäbler à Zurich dans les années 1860-1880. Il est probable qu’il ait fait l’Ecole hôtelière, travaillé à Zurich pendant la saison hivernale et dans des hôtels de stations thermales des Alpes suisses pendant la saison estivale.

Âgé de 29 ans, Ernst Johannes Bäbler se marie le 25 avril 1891 (lieu inconnu) avec Anna Maria Fritsche (née le 8 juin 1871 à Appenzell, Suisse). 

Le couple va avoir sept enfants entre 1892 et 1902. Ces naissances, notamment effectuées dans les villes suisses de Coir/Chur, Lucerne/Luzern, Saint-Gall/St. Gallen, Davos et enfin Zurich, semblent impliquer la mobilité professionnelle de leur père à cette époque (7). 

Son épouse décède malheureusement le 25 septembre 1906, âgée de 35 ans (lieu inconnu). 

Ernst Johannes Bäbler se remarie le 22 octobre 1908 (à Zurich ?), avec sa cousine, Mathilda Sophie Maria Bäbler (née le 6 juillet 1883 à Brescia, Italie). Une fille naît de cette nouvelle union l'année suivante, à Zurich (7).

En 1907, Ernst Johannes Bäbler se fixe pour quelques années à Saint-Maurice-les-Bains (St. Moritz-Bad, Suisse), pour y diriger l'Hôtel du Lac (Fögl d'Engiadina du 22 juin 1907 ; Fémina, 1907 p 281 et p 341). 

Il s'y associe ensuite à "Buchli" entre 1908 et 1910 (évocation dans, Guide Through Europe, 1912 p 676).

En 1910, il prend la direction de l'Hôtel des Îles-Britanniques de Nice avec son associé et y emménage avec ses enfants et sa deuxième épouse.

Au début de la recherche, peu de renseignements ont pu être trouvés concernant M. Buchli/Büchli, sinon l'initiale de son prénom, "F.". 

Son nom n'apparaît pas à l'adresse de l'hôtel dans le recensement de la Ville de Nice de 1911 mais il faut probablement le deviner dans la liste des membres de la famille "Baebler", sous le prénom de "Frédéric, né en 1880, à Coire, Suisse, frère [!]qui semble célibataire.

Ces éléments ont permis de retrouver un individu nommé Friedrich/Fritz Buchli. Il est le fils de Johannes Buchli (?-?) et de Magdalena Hermann (?-?) qui se sont mariés à Braunau (Suisse).

Friedrich Buchli a fait l'Ecole hôtelière en Suisse et est ensuite parti travailler en Angleterre, en France (dans les Pyrénées) puis à St-Moritz-Bad (Haute-Engadine, Suisse), vers 1908-1910 et enfin, à Nice, dès 1910.

Dans les années 1910, les publicités de l'Hôtel des Îles-Britanniques précisent que l'établissement offre jusqu'à 200 lits. Dès 1913, son numéro de Téléphone devient le 26-97.


- Publicité pour l'Hôtel des Îles-Britanniques parue dans Bradshaw's Through Routes to the Chief Cities and Bathing and Health Resorts of the World, 1913 (GooglebBooks).



La Première Guerre Mondiale frappe notamment de plein fouet l'hôtellerie niçoise. 

Âgé de 35 ans, Friedrich Buchli se marie à Balgach (près de Saint-Gall/St. Gallen, Suisse), le 21 septembre 1915, avec Frieda Sonderegger (née le 23 novembre 1893, lieu inconnu). Ils vont avoir plusieurs enfants dont un fils prénommé Fredy et probablement trois filles, Beatrice, Elaine et Ruth (?).

Pendant la Guerre, de nombreux hôtels niçois servent d'hôpitaux et de maison de repos aux blessés et de pension aux réfugiés. Le restaurant de l'Hôtel des Îles-Britanniques sert notamment, dès 1916, de réfectoire à plusieurs centaines d'enfants réfugiés serbes.

Avec l'Armistice de novembre 1918, l'avenue de la Gare est rebaptisée, "avenue de la Victoire". 

Il est probable que la Guerre ait mis à mal les finances de Baebler et Buchli et que ces derniers aient souhaité arrêter la gérance de l'Hôtel des Îles-Britanniques après la saison d'hiver 1919-1920. 

Leurs deux noms ont généralement été présents de 1911 à 1920 dans les Annuaires niçois (listes des habitants par rues, par noms et par professions) mais dans un ordre et une orthographe qui ont parfois varié : "Baebler et Buchli" (le plus souvent), "Bucchi (sic) et Baebler" (1914), voire "Baëbler (sic)" tout seul (1918).

Au printemps 1920, les membres de la Famille Brun, propriétaires des murs de l'Hôtel des Îles-Britanniques, vendent les bâtiments à la Banque Nationale de Crédit.

Ernst Johannes Bäbler quitte Nice avec sa famille et prend, en 1921, la direction du Palace-Hôtel de Pontresina (Suisse) (La Rezia du 11 juin 1921).

"Ernest Jean Baebler", naturalisé français, domicilié au 43, rue Rossini (au Real Palace ?), décédera cependant à Nice, à l'Ecole de Commerce, le 24 janvier 1934, âgé de 61 ans (il n'a été inhumé au Cimetière niçois de Sainte-Marguerite qu'en 2010). 

Son nom reste absent des Annuaires des Alpes-Maritimes des années 1930. En 1933, l'adresse de son épouse est signalée à Menton mais son nom n'apparaît pas non plus dans les Annuaires. Mathilda Sophie Maria Baebler décédera, elle aussi, à Nice, le 11 mai 1959, à l'âge de 75 ans.

Fiedrich/Fritz Buchli, après Nice, travaille à Davos. Il dirige ensuite à Arosa (Schanfigg, Suisse), le Kulm Hotel puis le Grand Hotel Tschuggen. A partir de 1924, il cumule la direction de ce dernier avec celle du Grand Hotel Kurhaus de Tarasp (Scuol-Tarasp, Suisse). Il travaille avec son fils Fredy Buchli qui va lui succéder vers 1947. 

Friedrich Buchli, âgé de 67 ans à cette date, conserve cependant l'administration des Bains de Tarasp. Il décédera à Coire/Chur (Suisse) début avril 1959, à l'âge de 79 ans (Neue Zürcher Zeitung du 14 avril 1959). 

Son épouse Frieda/Frida, née Sonderegger, décédera à la fin du XX° siècle (probablement à Coire, après 1985). Leur fils Fredy (marié à Anita Osterwalder) décédera à Coire/Chur, début juillet 1985 (Neue Zürcher Zeitung du 6 juillet 1985).



ÉPILOGUE


L'Hôtel des Îles-Britanniques de Nice a existé de 1868 à 1920. Il a accueilli de nombreux touristes français et étrangers (notamment anglais et américains), des souverains et des personnalités (notamment du sport).

Les maitres d'hôtel, tour à tour Français (Maurice Rosnoblet et Antoine Chassepot), Autrichien (Joseph Lavit) et Suisses (Andréa Zambail puis Jean Baebler et Friedrich Buchli) s'y sont succédés, en moyenne tous les dix ans (ce qui interroge).

Dans les publicités, l'adresse de l'hôtel qui a été mise en avant a été celle de l'avenue du Prince-Impérial (plutôt que celle de l'avenue de Longchamp) puis celle du boulevard Victor-Hugo (plutôt que celle de l'avenue de la Gare) et enfin celle de l'avenue de la Victoire (plutôt que celle de l'avenue Victor-Hugo). 

Le nom de l'Hôtel a cependant été le plus souvent classé dans les annuaires à "Îles Britanniques" et très rarement à "Grand Hôtel". Il est à noter que l'annuaire de 1920 affiche à l'adresse de l'hôtel, le "Princess Restaurant".

La vente de la Maison Brun va entraîner la disparition de l'Hôtel des Îles-Britanniques et du Restaurant mais également celle des commerces qui y avaient élu domicile.

Citons notamment, côté avenue de la Victoire, la "Taverne Gothique", ouverte vers 1883 par Albert Khün (au 15 bis avenue de la Gare) et reprise depuis 1893 par Jean-Baptiste Rebaudo (désormais au 21 avenue de la Victoire) et, côté avenue Victor-Hugo, le Cinéma ouvert depuis 1906 ou 1907 ("Artistic Cinéma", "Odéon Cinéma", "Gaieté-Cinéma" puis "American Cinéma" ; ce dernier sera remplacé par le "Cabaret du Geai qui parle" et le "Bar Améric").

Achetés le 4 juin 1920 par la Banque Nationale de Crédit de Paris pour y créer une succursale niçoise, les bâtiments de l'Hôtel des Îles-Britanniques se voient transformés sous la direction des architectes Dalmas Père et Fils, Charles Dalmas (Nice 11 mars 1863 - Nice 18 octobre 1938) et Marcel Dalmas (Paris, 14ème, 25 mai 1892 - Nice 16 juillet 1950).

De la même façon que la construction de ces bâtiments et l'ouverture de l'Hôtel avaient participé à la naissance et au développement du quartier dans les années 1860, la transformation de l'hôtel en Banque participe à la mutation du quartier dans les années 1920, lors de la reprise économique d'après Guerre. 

Dès 1920 en effet, de nombreux immeubles du quartier sont achetés et transformés ; trois banques s'installent notamment avenue de la Victoire : la "Société Générale", la "Banca Commerciale Italiana" et la "Banque Nationale de Crédit".

La réalisation de la Banque Nationale de Crédit ne va être qu'évoquée ici car elle sort du cadre de cet article (voir notamment sur ce bâtiment, le dossier publié dans, La Construction Moderne, avril-juin 1929, sur Gallica).

Il est cependant nécessaire de répondre à la question posée dès l'Introduction de cet article : le bâtiment conservé de nos jours (actuelle Banque BNP Paribas, à l'angle de l'avenue Jean-Médecin - depuis 1966 - et du boulevard Victor-Hugo) est-il le fruit d'une transformation des bâtiments de l'ancien hôtel ou une reconstruction totale après leur démolition ?

L'Eclaireur du Dimanche du 21 novembre 1920 répond à cette question (Gallica) : "De l'immeuble existant, il ne doit rester debout que la carcasse, c'est-à-dire à peine les murailles des quatre faces qui seront elles-mêmes percées d'ouvertures géantes. De l'intérieur, rien ne doit subsister, ni escaliers, ni étages ; seule la toiture sera conservée".

Les travaux ont débuté en juin 1920 et ont été menés jour et nuit par plus de 100 maçons, 40 terrassiers et 80 cimenteurs, pendant une année environ, les bâtiments étant totalement masqués par une palissade de très grande hauteur.

Une ouverture partielle des bureaux de la Banque a été envisagée pour fin janvier 1921 et tous les travaux semblent avoir été terminés l'été suivant (bureaux de la Banque et bureaux industriels des deux derniers étages dont l'un réservé aux architectes du projet).


- ETABLISSEMENT DE PHOTOGRAPHIE GILETTA, NICE, Carte postale,
Banque Nationale de Crédit.- Nice. - Vue d'ensemble, vers 1921-1922.
L'une des quatre vues de la banque prises par Giletta. 
Les plus anciennes cartes postales connues ont circulé dès la fin de l'année 1922,
Fonds Geneanet.

Les nouvelles façades (bâtiment de plus de 60 m de long et de 30 m de large) ont gagné en prestige, avec un rez-de-chaussée surélevé, rythmé de grandes arcades et de baies plein cintre, surmonté d'un décor néo-classique de grands supports qui, sur trois niveaux, ont réduit le nombre de baies, allégé les angles et accentué la verticalité de l'ensemble. 

Le tout est désormais couronné, au-dessus d'une corniche imposante, par un attique dominé par une succession de frontons. L'axe central de la façade du boulevard Victor-Hugo est particulièrement soigné, avec une entrée surmontée d'un décor tripartite majestueux en légère saillie, dominé par un grand fronton triangulaire sculpté. 

L'entrée principale est cependant située sur l'avenue de la Victoire, et se fait par six portes placées sous un vaste porche dont cinq donnent accès à un hall immense qui traverse tout le bâtiment.



NOTES


(7) Famille Bäbler

Les renseignements généalogiques ci-dessous croisent les recherches effectuées par Patrick Wild - que je remercie de nos échanges - et celles que j'ai effectuées. Patrick Wild est un descendant de cette famille. Il a posté ses recherches sur Geneanet mais également sur glarusfamilytree.

Ces résultats ont notamment été confirmés par :

- le relevé des naissances londoniens de 1892, pour sa fille Maria Anna Bäbler, 

- les décrets de naturalisation de son fils Jean Ernest Bäbler (1931), de sa deuxième épouse Mathilda Sophie Maria Bäbler et de leur fille Maria Elisabeth Bäbler (1933) (Journal Officiel de la République Française du 25 octobre 1931 p 11258 et du 22 janvier 1933 pp 661 et 665), 

- l'acte de décès d'Ernst Johannes Bäbler à Nice en 1934. 

Ernst Johannes Bäbler (né le 28 février 1872 à Zurich, Suisse) et son épouse Anna Maria Fritsche (née le 8 juin 1871 à Appenzell, Suisse) ont eu trois filles et quatre garçons :

- Maria Anna Bâbler, née le 18 février 1892 à Londres (Angleterre) ;

- Ernst Johann Bäbler, né le 15 avril 1894 mais malheureusement décédé le 29 mars 1895 (lieu inconnu) ;

- Emil Ernst Bäbler, né le 17 février 1896 (lieu inconnu) ;

- Maria Emma Bäbler, née le 19 mai 1897 (à Coire/Chur ou Lucerne/Luzern [?], Suisse) ;

- Walter Johann Bäbler, né le 12 septembre 1898 (lieu inconnu) ;

- Theresia Margaretha Bäbler, née le 7 janvier 1900 (à Saint-Gall/St. Gallen, Suisse) ;

- Johann Ernst Bäbler, né le 21 février 1902 (à Davos, Suisse).

Ernst Johannes Bäbler et sa deuxième épouse, Mathilda Sophie Maria Bäbler (née le 6 juillet 1883 à Brescia, Italie), ont eu une enfant :

-  Maria Elisabeth Bäbler née le 25 avril 1909, à Zurich (Suisse).


- Nice, Banque BNP Paribas, photographie numérique, octobre 2023.