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1 - SILLI Joseph (1826-1886), Portrait de femme, recto, vers 1857-1862,
avec pour décor, un grand rideau et une toile peinte représentant une loggia
ouvrant sur la plage des Ponchettes et la Colline du Château,
tirage albuminé de 9x5,9 cm sur un carton de 9,3x6,2 cm, Collection personnelle.
PORTRAITISTES ET PAYSAGISTES
La vision de la production des photographes à Nice dans les années 1860 est largement faussée par le nombre de photographies connues (conservées et accessibles).
Sur les noms des 49 photographes répertoriés :
- 10 n'apparaissent sur aucune photographie connue de cette période niçoise (par ordre alphabétique) : Anfossi, Boisson, Boutet R., Cartié, Chiapella, Deydier, Lejeune, Raphaelli, Roche, Solaris,
- 27 noms apparaissent uniquement sur des portraits, le plus souvent conservés en petit nombre : Bannicke, Bienmüller, Blanc d'Aubigny, Bonnet, Chardonnet, Dubreuil, Ghémar, Guigoni, Lemière, Meurisse, Michel P.C., Montel, Mouë, Neubauer, Numa Blanc (Père), Passeronny, Petit, Poullan, Puget, Riollet, Rossi Ant., Rosselli, Schemboche, Thierry de Ville d'Avray, Trajan, Vaglio, Victor,
- 8 sur des portraits et des vues de paysages urbains et naturels de Nice et ses environs : Cottalorda, Crette, Delahaye G., Ferret (Père), Messy (Père), Nègre, Pacelli, Silli,
- et 4 uniquement sur des vues de paysages : Aleo, De Bray, Degand, Léonard-de-Saint-Germain.
Cette présentation doit cependant être nuancée :
- par l'existence de nombreuses photographies anonymes, des portraits dont l'atelier et même la ville reste inconnus, et des vues de Nice dont beaucoup sont l'œuvre de Jean Walburg de Bray ou de Miguel Aleo,
- par les documents contemporains qui prouvent notamment la réalisation de portraits par Jean Walburg de Bray et Léonard-de-Saint-Germain ou de vues de paysages par Michel Schemboche, Peter Moosbrugger et François Chiapella,
- par les photographies conservées de décennies postérieures qui prouvent notamment la réalisation de portraits par Eugène Degand (à Nice) et de vues de paysages par Emile Poullan (hors de Nice).
De nombreux photographes sont des peintres (Bannicke, Blanc d'Aubigny, Crette, Degand, Delahaye, Ghémar, Lejeune, Michel, Nègre, Neubauer, Numa Blanc Père, Puget, Rossi, Thierry de Ville d'Avray), d'autres se disent peintres (Ferret Père) ou ont un employé peintre (Bienmüller).
La production graphique et picturale de la plupart de ces artistes, attestée par les documents, reste inconnue de nos jours. Certes quelques peintures de Charles Nègre et d'Eugène Degand et quelques aquarelles d'Hugo Bannicke sont connues mais aucune ne semble avoir été exécutée à Nice. Que sont devenus leurs portraits et paysages (dessins, aquarelles, miniatures, tableaux) ?
Eugène Degand et Antoine Rossi possèdent des ateliers de peinture et de photographie séparés, ainsi probablement que Charles Nègre, Pierre Constant Michel ou Lionel Thierry de Ville d'Avray mais d'autres affichent une seule et même adresse.
S'inspirent-ils de photographies pour leurs réalisations picturales ? Retouchent-ils eux-mêmes leurs plaques de verre ? Sont-ils les auteurs des toiles de fond de leur atelier de pose ?
Enfin que sont devenus leurs "portraits coloriés" (Ferret), leurs épreuves papier de portraits et de paysages photographiques colorisés à l'aquarelle mais aussi à la peinture à l'huile ?
A ce jour, je ne connais l'existence d'aucune photographie peinte à Nice dans les années 1860. Je n'ai connaissance que d'un portrait photographique colorisé par Joseph Contini à Cannes en 1856 et de moins d'une dizaine de paysages photographiques colorisés par Eugène Degand à Nice dans les années 1870 et 1880.
LES STUDIOS DE PORTRAITS
Dans la rue (arrêtés de voirie), des "montres" (vitrines d'exposition de photographies), des écussons, des inscriptions murales, des plaques en marbre ou des enseignes en bois annoncent l'atelier et l'étage concernés, les noms des photographes, leurs médailles d'expositions et leurs brevets prestigieux, accordés par les familles royales et impériales qu'ils ont photographiées (il est cependant nécessaire de préciser que quelques commerçants et artisans, voire des dentistes, affichent des écussons et brevets semblables).
Les descriptions d'ateliers niçois des années 1860 sont absentes des articles de journaux comme des ouvrages. Les ateliers sont, au mieux, connus par de rares vues extérieures du bâtiment ou bien au travers des portraits réalisés qui ne révèlent qu'un angle restreint de l'atelier de pose.
Quelques inventaires d'ateliers sont connus (successions, faillites, procès) mais un seul date de la décennie étudiée, celui qui concerne l'atelier de Pierre Petit/Hippolyte Mouë (1866) situé sur la Promenade des Anglais, les autres datant au plus tôt des années 1870 et 1880.
Le niveau occupé par les ateliers dans les bâtiments n'est pas toujours cité. Quelques-uns semblent occuper :
- un rez-de-chaussée ou un pavillon de plain-pied : ateliers de Petit/Riollet/Mouë ; Lemière/Cartié/Boutet/Poullan ; Guigoni ; Degand ;
- un rez-de-chaussée et un 1er étage : ateliers de Ferret/Ghémar ;
- un 1er étage : ateliers de Ferret, Vaglio, Victor, Michel, Schemboche/Pacelli/Guigoni ;
- un 1er et un 2ème étage : Bienmüller ;
- un 2ème étage : ateliers de Rossi, Raphaelli ;
- un 5ème étage : atelier de Puget.
Les ateliers situés au seul ou dernier niveau (Pavillon Petit, Promenade des Anglais, Image 2) profitent d'une lumière naturelle zénithale et ceux situés entre deux étages transforment leur terrasse en salon de pose, l'orientation idéale plein nord n'étant pas toujours possible (atelier Ferret rue Gioffredo, transformé fin 1865 ; atelier Chiapella, rue du Canal, aménagé fin 1868, Image 3).
2 - Plan et élévation du Pavillon de l'Atelier des Deux-Mondes de Pierre Petit, Promenade des Anglais, 5,
déposés avec la demande d'autorisation de construction (H: 4 m)
à la date du 7 octobre 1861 (arrêté du 10 suivant),
Nice, Archives Municipales, 2T9-289.
Voir une photographie de l'atelier avec sa verrière zénithale nord, ici.
3 - Plan et élévation du Salon de pose de l'Atelier de François Chiapella,
composé d'une verrière (L: 3 m x H: 4 m) à élever sur la terrasse sud
du 1er étage de la Maison Curtil, située rue du Canal,
déposés avec la demande d'autorisation de construction
à la date du 24 septembre 1868 (arrêté du 9 octobre suivant),
Nice, Archives Municipales, 2T29-408.
L'atelier et le domicile du photographe sont parfois situés dans le même bâtiment, sans qu'il soit possible de préciser s'il s'agit du même appartement ou de locaux séparés.
Les ateliers sont constitués, avec un luxe et des dimensions variables, d'une entrée avec accueil, d'un salon d'attente avec photographies (exposition, albums), d'un atelier de pose avec appareils et accessoires, d'un ou plusieurs laboratoires (préparation et traitement des plaques et des épreuves) et d'un local de stockage.
L'atelier de pose comporte une grande source de lumière naturelle (fenêtres, verrière) avec des rideaux permettant de la doser (forte lumière méditerranéenne) et des appareils photographiques tournés vers le mur du fond auprès duquel vont s'installer les clients.
Ces derniers (adultes, enfants, bébés), seuls, en couple ou en groupe (familles, amis, étudiants, soldats) posent pour un portrait en buste, à mi-corps ou en pied (le visage de face ou de trois-quarts et plus exceptionnellement de profil), parfois accompagnés d'un animal de compagnie (un chien ou plus rarement un chat).
Les poses sont convenues et répétitives, destinées à mettre en avant la prestance et les costumes des hommes et des femmes (capes et manteaux, costumes et robes, chapeaux et coiffures, ombrelles et cannes, montres et bijoux, éventails), révélant leur rang social ou leur profession (tenues militaires et habits religieux notamment). La pose de personnages déguisés découle cependant de la célébration du Carnaval de Nice.
Force est de constater que les portraits des personnes successivement photographiées dans plusieurs ateliers niçois, n'affirment pas une qualité ou un style particuliers, quelle que soit la réputation ou la nationalité du photographe.
Les éléments de base d'un atelier de pose sont :
- des tapis, souvent à gros motifs,
- des toiles de fond unies,
- des toiles peintes représentant un intérieur de villa, une fenêtre ou une terrasse ouverte sur un paysage, un parc boisé ou la Baie des Anges (Pierre Ferret, Louis Crette, Joseph Silli, Emmanuel Victor mais également, vers 1870, Wilhelm Bienmüller, Joseph Blanc d'Aubigny et Antoine Rossi) (Image 1),
- un grand rideau drapé,
- des petits meubles : fauteuils, chaises, tabourets, repose-pieds, balustrades, tables avec ou sans nappe, guéridons, consoles, piédestaux, colonnes, psychés,
- des objets divers : livres, albums, horloges, vases de fleurs, jardinières, jouets,
- de faux rochers de premier plan (en liège ou carton)
- et de quelques appuie-tête invisibles.
Les natures mortes photographiques de même que les portraits animaliers en studio restent des sujets extrêmement rares.
Les photographes quittent parfois leur studio pour se rendre dans un bâtiment administratif ou au domicile de particuliers pour des portraits de célébrités, des portraits de groupes (Charles Nègre), des portraits de prisonniers (Pierre Ferret) ou des portraits mortuaires (Ferret & Ghémar).
Les portraits en extérieur restent rares à cette époque, avec des familles posant parfois devant leur propriété, dans la rue (Louis Crette) ou au cimetière, devant la tombe de la personne regrettée (Messy Père).
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