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LES FORMATS PAPIER
Dans les ateliers niçois des années 1860, le format roi est celui de la Carte de visite, avec des tirages sur papier albuminé de 5 à 6,3 cm de large sur 8,3 à 10,7 cm de long, sur carton de 5,9 à 6,5 cm de large sur 9 à 11 cm de long. Ce format est utilisé par tous les ateliers pour les portraits mais également pour les paysages.
Le format Cabinet, avec des tirages de 9 à 10 cm de large sur 14 à 15 cm de long, sur carton de 10,5 à 10,8 cm de large sur 16 à 16,5 cm de long, se répand peu à peu pour les deux types de sujets dès la fin des années 1860 (portraits de Pierre Ferret et de Wilhelm Bienmüller ; paysages de Miguel Aleo et de Jean Walburg de Bray).
Plus spécifiques aux vues de paysages, les vues stéréoscopiques d'environ deux fois 7x7,3 cm sur carton de 8,5x17,5 cm (Joseph Silli ; Miguel Aleo/Alphonse Davanne ; Jean Walburg de Bray ; Albert Pacelli ; Eugène Degand ; Léonard-de-Saint-Germain) et les vues panoramiques d'environ 8x22 cm sur carton de 12x27 cm (Jean Walburg de Bray) restent utilisées par peu de photographes, de même que les grands et très grands formats, notamment destinés à la constitution d'albums (Louis Crette, Pierre Ferret et Joseph Silli depuis la fin des années 1850 puis Miguel Aleo, Charles Nègre, Jean Walburg de Bray et Léonard-de-Saint-Germain).
Cet état des lieux, déduit des seules vues connues, n'est probablement pas conforme à la réalité : un tarif de l'atelier de Louis Crette, daté de novembre 1858, atteste déjà des portraits de 12x15 cm et de 21x27 cm, et Louis-Joseph Ghémar expose à Nice, en 1865, des "portraits grandeur nature".
Les prises de vue des photographes voyageurs ne sont pas étudiées ici (photographes français ou étrangers et photographes régionaux ayant leur atelier à Cannes, Menton ou Monaco) mais il faut cependant rappeler les séries importantes de vues de Nice réalisées par les ateliers parisiens de Furne & Tournier en 1860 (vues stéréoscopiques), Hippolyte Jouvin en 1860-61 et 1866 (vues stéréoscopiques), Jean Andrieu en 1863 puis 1865 (vues stéréoscopiques et Cartes de visite) et Etienne Neurdein en 1869 (vues stéréoscopiques)
LE REVERS DES CARTES DE VISITE
Afin d'éviter des explications longues et répétitives, seules les Cartes de visite vont être étudiées ici et seules les indications portées au verso et faisant référence aux photographes vont être analysées.
Les indications imprimées faisant référence aux distributeurs (nom voire prénom et adresse du libraire) et les indications manuscrites portées par les propriétaires successifs de la photographie vont donc être laissées de côté (nom, voire prénom, dédicace et signature de la personne photographiée, date de la réalisation du portrait ou de la dédicace, date d'achat de cette vue, indications postérieures portées par les familles, les collectionneurs et revendeurs).
Les inscriptions au verso peuvent être :
- absentes, réservées au seul recto (Charles Nègre) ou non (cartons anonymes),
- être manuscrites (encre ou crayon), précisant parfois les seuls nom et adresse du photographe (Félix Trajan ; Charles Passeronny ; François Rosselli) mais plus souvent le titre donné aux vues de paysage, voire le numéro attribué (numéro d'une série de vues ou numéro de cliché du portrait),
- dues à la pression d'un timbre sec, quelques mots apparaissant en creux et inversés droite-gauche ("Ferret - Nice", avant 1860 ? ; "A. Meurisse.Phot. - .Nice.", vers 1864-65) ou à l'application d'un tampon manuel humide bleu ou mauve ("W. De Bray" ; "Fx Trajan - 3 Rue Chauvain - Nice" ou "F. Trajan - Nice - Photographie" ; "J. Vaglio Phot. Nice") ;
- être parfois imprimées sur une étiquette collée (Ernst Neubauer ; Léon Puget ; Aristide Montel) mais généralement imprimées directement sur le carton.
Il reste parfois difficile de distinguer les Cartes de visite niçoises qui datent de la fin d'une décennie de celles qui datent du début de la décennie suivante (vers 1857-62 : Louis Crette, Joseph Silli ; vers 1868-71 : Pierre Ferret, Félix Trajan).
Les indications imprimées au dos des paysages :
Lorsque le photographe est tout à la fois portraitiste et paysagiste, ses cartes de visite de paysages portent les mêmes indications que ses portraits (voir plus bas).
Il semble que certains photographes aient stoppé, dans le cours des années 1860, la prise de vue de paysages pour se consacrer aux seuls portraits de studio (Joseph Silli vers 1863 et Pierre Ferret vers 1865 ?). Cependant, la mise en vente récente d'un album de vues de Nice (format Cdv) datant de 1869 ou 1870, signé de "Pierre Ferret Photographe de l'Empereur" et intitulé "Nice en Miniature" est venue contredire cette hypothèse émise en fonction des seules vues connues.
Lorsque le photographe est uniquement paysagiste, les indications portées au verso sont :
- inexistantes, restreintes au recto ou même totalement absentes de la Carte de visite (cartons anonymes de Miguel Aleo, Jean Walburg de Bray ou parfois même d'Eugène Degand),
- consacrées uniquement à son distributeur (nom et adresse du libraire), le nom du photographe n'étant pas cité (Jean Walburg de Bray),
- consacrées en partie à son distributeur (au bas du carton) et en partie au photographe (au centre), nom voire prénom (mais pas son adresse), accompagnés des dénominations de ses séries, "Collection de Vues pour Album" (Miguel Aleo, Eugène Degand), ou bien seulement son monogramme réunissant l'initiale de son nom et de son prénom ("MA" pour Miguel Aleo) ou les initiales des noms des deux associés ("AD", pour Alphonse Davanne et Miguel Aleo),
Les cartons des vues de paysages de Gabriel Delahaye précisent l'existence de "Portraits", alors qu'à ce jour, un seul portrait de lui est connu.
Les inscriptions imprimées au dos des portraits :
Le texte minimum est constitué de peu d'éléments et occupe de 2 à 5 lignes : NOM et plus rarement prénom - PHOTOGRAPHE - ADRESSE plus ou moins détaillée - NICE.
Certains photographes affichent cependant un texte plus conséquent, notamment ceux qui ont un associé (8 photographes), possèdent des brevets et armoiries (9 photographes), un ou plusieurs autres ateliers (7 photographes) ou sont portraitistes et paysagistes (8 photographes). Le texte peut alors comporter 8 lignes ou plus (Image 1) :
- ARMOIRIES, MÉDAILLES et MENTIONS, dessinées ou inscrites au-dessus ou en dessous du ou des noms -
- DÉNOMINATION DE L'ATELIER, "Photographie Artistique" ou un autre nom plus spécifique "Photographie des Deux-Mondes" (Pierre Petit), "Photographie du Progrès" (Sérène Lemière) -
- NOM(S) du ou des photographes ("Pierre Petit - Riollet - Elève et Successeur" ; "Ghémar & Ferret" ; "Fx Trajan & Cie" ; "A. Pacelli Successeur de Schemboche & Pacelli"), le plus souvent sans prénom mais parfois précédé(s) du PRENOM entier ou réduit à son initiale ou à quelques lettres ; le nom est parfois complété ou, plus rarement, remplacé par un MONOGRAMME ("VJ" de Vaglio Jean ; "VE" de Victor Emmanuel" ; "PA" de "Pacelli Albert") ou une SIGNATURE, souvent oblique ("Silli" ; "Chardonnet") -
- PHOTOGRAPHE ou exceptionnellement PEINTRE ET PHOTOGRAPHE, deux seulement des treize peintres-photographes affichant leurs deux fonctions (Antoine Rossi et Léon Puget) -
- BREVET(S) obtenus auprès des familles royales et impériales (Pierre Ferret ; Louis Crette ; Pierre Petit ; Joseph Silli ; Ernst Neubauer ; Peter Moosbrugger ; Emile Messy ; Jean Vaglio ; Numa Blanc Père) ; il est à noter que Jean Walburg de Bray, photographe officiel du Prince Charles III de Monaco, n'affiche ni le brevet ni les armoiries correspondantes mais il est vrai que la plupart des ses photographies sont anonymes -
- ADRESSE, nom de la voie, généralement suivi du nom de la Maison ou de son numéro et, plus rarement, de précisions complémentaires telles que l'étage ou d'autres repères, "en face de", "près de", "derrière le" -
- NICE, nom de la ville, généralement inscrit sur une ligne séparée et exceptionnellement situé au-dessus de l'adresse (Joseph Silli) -
- AUTRE(S) ATELIER(S), adresses possédées dans d'autres villes en France (Cannes, Vichy, Paris, Besançon) ou à l'étranger (Bade, Kissingen, Würzburg) ; il est à noter que la plupart des Cartes de visite de Louis Crette ne mentionnent aucune adresse, pas plus celle de Nice que celle de Turin -
- SPÉCIFICITÉS, précisées par les portraitistes-paysagistes, "Portraits et Stéréoscopes" ou "Portraits et Vues" (Joseph Silli ; Albert Pacelli ; Gabriel Delahaye) -
- SIGNATURE, souvent oblique, à cet emplacement ("Ferret"), quand elle n'est pas située à la place du nom tout en haut du texte -
- N°, précédant l'inscription manuscrite du nombre attribué au portrait, parfois suivi d'une phrase d'accompagnement précisant que les clichés sont conservés et que pour avoir d'autres épreuves semblables, il suffit de rappeler ce numéro.
Analyse
Les éléments répertoriés ci-dessus, uniquement tirés des cartons niçois des années 1860, sont bien évidemment les mêmes que ceux des cartons utilisés ailleurs en France et dans de nombreux pays d'Europe, d'autant qu'ils appartiennent à des photographes provenant de régions et pays différents.
Ce parallèle rend ces cartons niçois encore plus intéressants à mes yeux car ils traduisent non seulement des modes et tendances mais fournissent également des éléments précieux permettant de dater ces dernières : dates d'activité dans la ville, date d'occupation d'une adresse particulière, date d'obtention des brevets affichés, dates d'ouverture des succursales citées, dates de construction des architectures représentées, dates manuscrites portées sur le carton.
Chaque caractéristique d'un carton renvoie donc à des questionnements (date de l'usage de ce motif, de l'écriture néo-gothique...). Par exemple, la présence de quelques lignes à l'écriture ondée sur certains cartons niçois de Pierre Ferret utilisés vers 1866 (Image 1) se retrouve sur les cartons d'Emile Demay affichant ses ateliers saisonniers d'Hyères (Var) et d'Aix-les-Bains (Savoie), accompagnés du brevet obtenu suite au séjour de la Reine Emma d'Hawaï à Hyères, lors de l'hiver 1865-66.
Dans cette décennie où le nom et la ville des cartonniers ne figurent pas encore au verso des Cartes de visite, il est probable que les photographes de province se fournissent à Paris, Lyon ou Marseille ou bien font copier des cartons de cette provenance par des imprimeries locales.
Chaque caractéristique des cartons niçois des années 1860 mériterait ainsi une étude détaillée et des rapprochements avec des cartons contemporains d'autres villes, afin de dater avec plus de précision certaines photographies.
Vers 1860, les indications sont imprimées à l'encre noire sur fond ivoire, au centre du verso, avec de petits caractères et une police fine, formant généralement un ensemble sobre et compact. Quelques lignes en gras, incurvées ou ondées, entourées ou soulignées de fins entrelacs, mais également la présence de dessins d'armoiries, de plus rares phylactères et motifs décoratifs apportent un peu de variété.
Cette sobriété perdure sur de nombreux cartons-photos jusqu'à la fin des années 1860 mais l'ajout d'indications complémentaires et l'usage d'une taille plus importante de caractères entraînent cependant une occupation croissante de l'espace du verso.
Trois éléments nouveaux, et de grand avenir, méritent d'emblée une attention particulière :
- la présence de dessins d'armoiries qui viennent redoubler la mention des brevets obtenus,
- l'usage d'encre de couleur (rouge ou mauve le plus souvent mais parfois verte ou bleue) alternant avec celui de l'encre noire,
- la présence de la signature du photographe.
Il semble que l'apparition de ces trois éléments peut être datée avec précision sur les cartons-photos niçois, même si cette datation reste hypothétique et demande à être confirmée par l'étude d'un plus grand nombre de cartons d'autres villes et les constatations effectuées par d'autres chercheurs et collectionneurs (mail : patin.camus@gmail.com).
Vers 1860, les photographes présents à Nice affichent les brevets qu'ils ont obtenus antérieurement (Pierre Ferret ; Louis Crette) mais pas les armoiries correspondantes. Par contre, lorsque Joseph Silli obtient en 1862 le brevet du Prince Oscar de Suède et de Norvège, il affiche d'emblée ce dernier avec les armoiries correspondantes. Il est donc possible que cet usage ne date que de 1861 ou 1862.
L'utilisation d'encres de couleur ne semble pour sa part apparaître à Nice qu'à partir de 1864.
C'est vers 1865 que semble dater l'apparition de la signature du photographe, cette dernière devenant d'ailleurs parfois, dans les dernières années de la décennie, le seul élément présent du verso ("Ferret" ; "F. Trajan").