jeudi 28 septembre 2023

1314-NICE, L'ANCIEN HÔTEL DES ÎLES-BRITANNIQUES-2

 

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DERNIÈRE MISE À JOUR DE CET ARTICLE : 27/07/2024



NICE - L’ANCIEN HÔTEL DES ÎLES BRITANNIQUES



LA GÉRANCE DE MAURICE ROSNOBLET ET ANTOINE CHASSEPOT (1869-1879)


A Nice, Maurice Rosnoblet semble s'associer avec Antoine Alphonse Chassepot dès juin 1869 : "M. Chassepot des chassepots, va, en personne - s'il faut en croire "Le Phare du Littoral", - exploiter l'hôtel des Îles-Britanniques à Nice : il rêve même de procurer aux voyageurs la plus grande somme de "confort" (La France du 26 juin 1869 p 3).

Il faut cependant attendre l'Annuaire niçois de 1873 pour trouver mention du nom de ce dernier : "Hôtel des Îles-Britanniques, Rosnoblet et Chassepot, avenue de la Gare".

Antoine Alphonse Chassepot est né le 4 mars 1833 à Mutzig, Bas-Rhin. Il est le fils de Jean Baptiste Chassepot (Liège, Belgique, 8 mai 1805 - Mutzig 10 juin 1894) et d’Hélène Bruder (Mutzig 27 juillet 1808 - Châtellerault, Vienne, 29 août 1887) qui se sont mariés à Mutzig le 20 mai 1829. 

Contrôleur d'armes, âgé de 26 ans, il épouse le 10 mai 1859, à Châtellerault (Vienne), sa cousine Pauline Augustine Chassepot, sans profession, âgée de 18 ans (née le 27 février 1840 à Mutzig). 

Le couple va avoir deux enfants, Marie Alphonsine Hélène Chassepot (née le 29 juin 1860 à Saint-Etienne, Loire) et Auguste Alphonse Achille Chassepot (né le 16 janvier 1862 à Saint-Etienne). 

Armurier à Châtellerault, Paris puis Saint-Etienne, Antoine Alphonse Chassepot est l’inventeur du célèbre fusil qui porte son nom (modèle de 1866). Il est fait chevalier de la Légion d'Honneur le 30 août 1866 puis officier par décret du 12 mars 1870. Cette année marque cependant la fin de la carrière d'armurier qui a fait sa renommée et sa fortune (il a 37 ans).


- Portrait d'Antoine Chassepot,
estampe non datée.




Le fait de retrouver Antoine Chassepot en tant qu’hôtelier à Nice dès 1869, s’explique par ses liens de parenté (côté maternel) avec l'épouse de Maurice Rosnoblet qui est née, à un an d'écart, dans la même ville de Mutzig.

Lors du mariage à Nice de la première fille de Maurice Rosnoblet, le 17 mai 1875, "Antoine Alphonse Chassepot, 42 ans, rentier, domicilié à Paris", est cité parmi les témoins comme, "cousin germain de l'épouse".

Marie Félix Antoinette Rosnoblet, âgée de 17 ans, sans profession, se marie à cette date, avec Emile Thomas Prével, maître d’hôtel, âgé de 29 ans (né le 29 décembre 1845 à Tronquay, Calvados) qui gère alors à Nice l'Hôtel de la Paix (15 et 17, quai Saint-Jean-Baptiste).


- FERRET Pierre (1815-1875), Grand Hôtel des Îles Britanniques à Nice, détail, fin 1872-début 1873,
 vue panoramique, tirage albuminé de 15,9x38 cm, sur carton fort de 26,6x46,7 cm, Collection personnelle.

La vue montre, devant et sur le côté de l'hôtel, le muret surmonté d'une grille installé à la demande de Maurice Rosnoblet fin 1869 (AM, 2T 32-401). Elle montre ensuite les trottoirs de l'avenue de la Gare avec des bancs installés au début de l'année 1871 (mars-avril), et des arbres plantés à la même période, qui apparaissent dépourvus de feuilles (vers décembre-janvier).

 Lorsque l'on zoome fortement dans l'image on aperçoit, dans l'immeuble qui accoste l'hôtel du côté de l'avenue de la Gare, le bureau de Tabac de Louis Montanari et de son épouse Véronique (née Mullot), ouvert au n° 17 au cours de l'année 1872 (Annuaire de 1873).

La prise de vue peut donc être datée au plus tôt de décembre 1872, et au plus tard d'avril 1875 (date de cession de l'atelier et du décès du photographe). 

Cependant, la photographie entière montre, dans l'avenue de la Gare, l'achèvement en cours d'un bâtiment dont la construction a débuté au printemps 1872, ce qui laisse penser que la vue peut dater de la fin de l'année 1872 ou du tout début de l'année 1873.



Le bâtiment visible sur la photographie ci-dessus ne correspond pas tout à fait au projet initial (élévation de 1867 ; voir la première partie de cet article). Un cinquième étage en retrait (sixième niveau) a été ajouté au-dessus de la corniche des deux façades, précédé d'une terrasse bordée d'un balcon filant. 

Il est probable que ce nouveau parti-pris date de 1867-1868, avant même l'ouverture de l'hôtel, même si la possibilité d'un changement ultérieur (vers 1869-1872) ne peut être totalement évacuée (demande d'exhaussement non conservée). L'ajout d'un niveau supplémentaire au cours de la construction se retrouve d'ailleurs sur d'autres bâtiments de l'avenue du Prince-Impérial. 

Les façades de l'Hôtel des Îles-Britanniques ont également subi d'autres modifications. Les baies rectangulaires dévoilent des variations dans leur forme (deuxième et cinquième étages) et leur décor (petits frontons rectangulaires placés au-dessus des baies du troisième étage), absentes du projet initial. 

Les balcons latéraux symétriques n'ont été placés qu'au-dessous des baies du deuxième étage sur les deux façades (alors qu'ils étaient également prévus au troisième étage) et ils affichent désormais les enseignes de l'établissement, "Gd Hôtel des Îles", "Britanniques". 

Un petit balcon a cependant été placé sous la baie centrale du premier étage (au-dessus de la seule porte d'entrée du boulevard de Ceinture/Longchamp) et du troisième étage (sur les deux façades).

Enfin, une longue devanture percée d'une porte centrale (magasins) a été installée au rez-de-chaussée de l'avenue du Prince-Impérial/de la Gare (Journal de Nice du 15 octobre 1869).


- Annonce pour les Hôtels des Îles-Britanniques de Nice et Menton
parue dans La Vie Mondaine à Nice du 19 octobre 1876 (Paris, BnF, Gallica).




A partir du 23 novembre 1878, les publicités qui paraissent dans The American Register présentent désormais l'Hôtel des Îles-Britanniques de Nice comme une succursale de celui de Menton, avec Maurice Rosnoblet, propriétaire.

L'association entre Maurice Rosnoblet et Antoine Chassepot semble cependant prendre fin le 4 août 1879, Antoine Alphonse Chassepot restant dès lors le seul directeur de l’hôtel niçois (Affaires Commerciales de la France du 14 septembre 1879 p 1202 ; Le Messager de Paris du 16 septembre 1879 p 4). 

Les publicités qui paraissent dans The American Register n'en continuent pas moins de citer l'Hôtel des Îles-Britanniques de Nice en tant que succursale de l'hôtel éponyme de Menton jusqu'au 15 mai 1880.

Maurice Rosnoblet est cité pour les dernières fois à Nice en 1878 au 10, rue Adélaïde, rue située à l’arrière de l’Hôtel des Îles-Britanniques (fiche matricule de son fils Charles Maurice Achille Rosnoblet) puis en 1879 au 2, boulevard Lonchamp, à l'adresse de l'hôtel (Annuaire niçois de 1879 ; annuaires absents de 1880 à 1883).

Il est possible qu'il conserve cependant une adresse niçoise après cette date (à l'Hôtel de la Paix chez sa fille et son gendre ou à l'Hôtel des Îles-Britanniques ?), son nom apparaissant dans la liste du Comité Républicain Indépendant, lors des élections municipales niçoises de janvier 1881. Il sera, par la suite, Conseiller municipal à Menton (de 1884 à 1896). 

Après Nice, Maurice Rosnoblet se concentre sur l’exploitation de son hôtel mentonnais avec les membres de sa famille. Dès le milieu des années 1870, il a fait construire un bâtiment à une nouvelle adresse de centre-ville (près de la gare) où il a ensuite déménagé le Grand Hôtel des Îles-Britanniques (chemin puis rue Piet(t)ra-Scritta). 

De nombreux membres de sa famille et de celle de sa femme, souvent originaires de Haute-Savoie et du Bas-Rhin (beaux-fils, beaux-frères, neveux et petits-enfants) sont et seront maîtres d'hôtels dans des villes la Riviera mais également dans d'autres villes françaises et étrangères : familles Rosnoblet, Beck, Prével, Brunetti, Jungbluth, Ritz, Mohler... 

Une partie de ces familles constituera, dans les années 1890, la "Société de l'Hôtel des Îles-Britanniques Mohler-Rosnoblet".

Maurice Rosnoblet, rentier, décédera à Menton, Villa Minerve, Val du Carei, le 27 juin 1898, à l’âge de 82 ans. 

La Société de l'Hôtel des Îles-Britanniques fera ensuite construire à Menton le Winter-Palace en 1901-1903 et gérera cet hôtel. 

Hélène Antoinette Beck, veuve de Maurice Rosnoblet, décédera à la Villa Minerve, le 29 décembre 1916, à l'âge de 82 ans.


- Nice, Plan du boulevard de la Buffa, décembre 1879, 
avec ajout d'un point jaune désignant le Grand Hôtel des Îles-Britanniques,
Archives Municipales de Nice, 2T67-115.

Le boulevard Longchamp est également désigné sous le nom de "boulevard de la Buffa" 
au tournant des années 1880, du nom du boulevard qui le précède à l'ouest.
La maison (Brun) qui accoste l'hôtel et empiète sur le boulevard va bientôt disparaître.



LA GÉRANCE D'ANTOINE CHASSEPOT (1879-1889)


Dès 1880, Antoine Chassepot fait appel à Geoffroy Roubeau-Place, 60 ans (né le 4 août 1821 à Vichy, Allier) (3), propriétaire du Grand Hôtel des Ambassadeurs de Vichy, pour diriger le Grand Hôtel des Îles-Britanniques pendant la saison d'hiver 1880-1881 puis à Emile Ott, 31 ans (né le 2 août 1850 à Strasbourg, Bas-Rhin) (4), pour la saison suivante (American Register du 16 octobre 1880 et du 1er octobre 1881).

C'est à cette époque (1881-1882), qu'en accord avec les propriétaires, le bâtiment de l'hôtel se voit fortement agrandi côté sud-ouest, sur le terrain voisinLa maison qui accostait ce terrain et empiétait sur le boulevard (de) Longchamp(s) a été démolie (1881) et remplacée par un bâtiment parfaitement aligné. 


- Plan de la Ville de Nice, dressé par l'architecte François Aune, détail, 1882, 
Paris, BnF (Gallica).




Une publicité parue dans The American Register à partir du 30 septembre 1882 précise que l'hôtel a été récemment agrandi et pourvu de toutes les améliorations modernes. Cette même publicité se voit ajouter la mention d'un ascenseur dès le 20 octobre 1883.


Publicité pour le Grand Hôtel des Îles Britanniques 
parue dans the American Register du 20 octobre 1883 (Paris, BnF, Gallica), 
précisant son récent agrandissement ("Newly enlarged").



L'hôtel a été prolongé d'une façade haute de 6 niveaux et large de 12 baies, calquée sur l'existant. La façade qui longe le boulevard Longchamp forme désormais un alignement de 21 baies. Un attique marque le nouveau centre de la façade, l'entrée a été recentrée et balcons et enseignes ont été redistribués. 

L'hôtel est désormais cité aux 2 et 4, boulevard Longchamp, parfois appelé boulevard de la Buffa au début des années 1880, et enfin boulevard Victor-Hugo à partir de juin 1885.

L'un des magasins du rez-de-chaussée de l'hôtel, côté avenue de la Gare, est occupé en 1882 par une boutique de photographie et d'objets d'art, tenue par le photographe Albert Courret (1856-1928) (annonce publiée de février à août 1882 dans La Vie Mondaine à Nice). D'autres photographes lui succéderont à cet emplacement.

Antoine Chassepot conserve l’Hôtel des Îles-Britanniques jusqu’en 1889, date à laquelle il le cède à Joseph Lavit. 

Antoine Chassepot semble quitter Nice la même année (il a 66 ans) pour Paris. Il s’établit ensuite, à l'est de Paris, à Gagny (Seine-et-Oise ; actuellement Seine-Saint-Denis) au 18 et 20, rue de Villemomble, dans la propriété qu'il possède depuis les années 1860.

Il y mourra le 5 février 1905, âgé de 71 ans. Son épouse Pauline Augustine Chassepot, signalée en 1906 à Paris (19ème arrondissement), décédera le 28 juillet 1924, à l'âge de 84 ans au 287, rue de Vaugirard (Paris, 15ème arrondissement). Les corps des époux reposent ensemble dans une tombe du cimetière de Gagny.


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NOTES


(3) Famille Roubeau

Geoffroy Roubeau est l'un des enfants de Louis Roubeau, cultivateur puis propriétaire (Vichy 3 février 1787 - Vichy après 1850) et de son épouse Anne Sornin (Vichy 27 février 1790-?), qui se sont mariés, à Vichy, le 1er mars 1813. Il est né à Vichy (Allier) le 4 août 1821.

Âgé de 28 ans, ébéniste, Geoffroy Roubeau épouse le 11 février 1850, à Cusset (Allier), Marguerite Adèle Place (née à Cusset le 16 octobre 1831). Ils vont avoir (au moins) trois enfants, Marguerite Roubeau (née le 8 avril 1852 à Cusset), Gilbert Roubeau (né le 7 février 1856 à Vichy) et Antoinette Marguerite Roubeau (née le 29 septembre 1864 à Vichy).

Vers 1858, Geoffroy Roubeau fait construire l'Hôtel des Ambassadeurs à Vichy (angle actuel de la rue du Parc et de la place Joseph-Aletti) dont il est devient le maître d'hôtel, sous le nom de Roubeau-Place. 

Il fait agrandir cet hôtel vers 1866 puis le rénove et le rebaptise vers 1886, Hôtel des Ambassadeurs et Continental, en association avec Mathieu Louis Collet (né le 6 juin 1853 à Lyon) qui a épousé sa fille aînée (le 20 novembre 1876 à Vichy).

Geoffroy Roubeau, propriétaire, décédera à Vichy, avenue de l'Hôtel-de-Ville, le 8 octobre 1895, âgé de 74 ans et son épouse le 11 janvier 1902, âgée de 70 ans.


(4) Famille Ott

Emile Frédéric Ott est l'un des enfants de Frédéric Ott (? - Strasbourg avant 1881) et de son épouse Marie Emilie Hausser (? - Strasbourg avant 1881). Il est né à Strasbourg le 2 août 1850.

Emile Frédéric Ott, qui a opté pour la nationalité française exerce la profession de cuisinier. Il est présent à Nice au plus tard en 1872. Il y fréquente Suzanne Micheline dite Césarine Mignon, repasseuse (née le 22 mars 1852 à Nice). 

Ils vont avoir quatre enfants , sans être mariés : 

- Charles Mignon, né le 6 avril 1873 à Nice, 7 quai Masséna (reconnu par son père le 26 avril 1888) ;

- Ernestine Jeanne Mignon, née le 1er décembre 1872 à Nice, 7, quai Masséna (reconnue par son père le 15 septembre 1881) ; 

- Frédéric César Ott, né le 29 décembre 1878 à Nice, 7, rue Foncet mais décédé le 2 janvier 1879, âgé de 5 jours, à Moulinet, Alpes-Maritimes ; 

- Elise Emilie Ott, née le 3 février 1880 à Nice, 7, rue Foncet.

Le couple se marie à Nice le 15 septembre 1881 et légitime à cette occasion leur fille Ernestine. Emile Ott, 31 ans, est dit alors "chef de cuisine".

Emile Ott devient le directeur-gérant de l'Hôtel des Îles-Britanniques de Nice pendant la saison  d'hiver 1881-1882. 

A partir de 1884, il semble (si ce n'est pas un homonyme) alterner entre Nice et Strasbourg (sa ville natale) où il devient le directeur de l'Hôtel de la Ville de Paris pendant dix ans.

Son épouse décède malheureusement à Nice, le 4 novembre 1890, à l'âge de 38 ans.

Emile Ott, 41 ans, cuisinier, domicilié à Nice, 15, rue Notre-Dame, se remarie l'année suivante, à Lyon (2ème arrondissement), le 12 novembre 1891, avec Claudine Marie Laporte, veuve elle aussi, sans profession (née le 13 février 1855 à Saint-Pantaléon, Saône-et-Loire).

Emile Ott décédera à Nice le 22 mars 1899, âgé de 48 ans.