mercredi 21 juin 2023

1303-NICE, DEUX LITHOGRAPHIES IMPROBABLES DES ANNÉES 1860


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1- ASSELINEAU Léon Auguste (1808-1889), Panorama De La Ville De Nice - (n°2), sans date, 
lithographie en couleurs, 21x75 cm, Paris, F. Sinnett Editeur, 17, rue d'Argenteuil, 
 Imprimerie Frick frères, rue de la Vieille Estrapade, 17, Paris,
Nice, Archives Municipales.



INTRODUCTION


Cet article s'inscrit dans une recherche tendant à répertorier toutes les modifications urbaines (constructions, aménagements, mobilier urbain, plantations) opérées à Nice entre 1850 et 1900, près de l'embouchure du Paillon.



PANORAMA N° 2


Présentation

Les Archives Municipales de Nice conservent deux lithographies non datées (acquises en 2018) des villes de Nice (21 Fi 1, ici) et de Marseille (21 Fi 2, ici).

Celle de Nice, en couleurs, mesure 21x75 cm et est intitulée, "Panorama De La Ville de Nice - (n°2)". 

Le titre est accompagné des indications suivantes, "Asselineau lith." (au-dessus du titre), "Paris, F. Sinnett Editeur, 17, rue d'Argenteuil" (en bas à gauche) et "Imp. Frick fres, rue de la Vlle Estrapade, 17, Paris" (en bas à droite). Un exemplaire identique est conservé à Nice à la Bibliothèque Municipale de Cessole (Académia Nissarda, ici).

La vue aérienne, prise depuis le sud-ouest (depuis un emplacement en hauteur qui n'existe pas), montre la ville et son environnement (avec une grande place accordée à la mer) et plus particulièrement l'embouchure et les quais du Paillon, vus depuis sa rive droite, avec au tout premier plan le Jardin Public.


2- ASSELINEAU Léon Auguste (1808-1889), Panorama De La Ville De Nice - (n°2), sans date, 
lithographie en couleurs, 21x75 cm, Paris, F. Sinnett Editeur, 17, rue d'Argenteuil, 
 Imprimerie Frick frères, rue de la Vieille Estrapade, 17, Paris,
Nice, Archives Municipales.



La vue

Certains éléments de l'image impliquent une date :

- postérieure à fin 1863, du fait de l'agrandissement du Jardin public effectué sur le lit du Paillon, 

- postérieure à 1864, du fait de l'aménagement de la partie du Jardin gagnée sur le Paillon et de la présence de palmiers sur le quai Masséna (ou quai des Palmiers, printemps 1864) et de la présence du Pont des Anges ou Pont Napoléon III à l'embouchure du Paillon (décembre 1863-décembre 1864),

- postérieure à 1865, du fait de la présence du grand escalier descendant à la mer (octobre 1864-janvier 1865) près du Pont Napoléon III, à l'extrémité orientale de la Promenade des Anglais, de la présence du Cosmographe de Joseph Ouvière (été 1865) près de cet escalier, et de la disparition du grand bâtiment de la Gare provisoire, implanté sur la place des Phocéens (de janvier 1863 à septembre 1865),

- postérieure à 1866, du fait de la disparition des vieilles bâtisses du quai Saint-Jean-Baptiste (démolies entre mars et juillet 1866), et de la présence du restaurant (érigé d'octobre à décembre 1866) attenant à l'Hôtel de la Pension Suisse qui comprend la Tour Bellanda aux Ponchettes,

- postérieure à 1867, du fait de la présence du Grand-Hôtel sur le quai Saint-Jean-Baptiste (érigé entre février et septembre 1867 à l'emplacement des vieilles bâtisses démolies), et du Kiosque à musique du Jardin public (installé de septembre à décembre 1867),

- postérieure à 1868, du fait de la présence de l'Hôtel de la Paix sur le quai Saint-Jean-Baptiste (érigé au sud du Grand-Hôtel de janvier à septembre 1868), et de la présence du pont-square Masséna (érigé sur le cours du Paillon, face au Grand-Hôtel entre mars 1867 et août 1868), déjà pourvu de ses plantations (février 1869).


3- ASSELINEAU Léon Auguste (1808-1889), Panorama De La Ville De Nice - (n°2), détail, 
lithographie en couleurs, 21x75 cm, Paris, F. Sinnett Editeur, 17, rue d'Argenteuil, 
 Imprimerie Frick frères, rue de la Vieille Estrapade, 17, Paris,
Nice, Archives Municipales.



Cette vue semble donc au plus tôt dater de début 1869 mais plusieurs éléments posent cependant problème, tels que :

- l'absence de l'escalier à double rampe situé boulevard du Midi, face à la rue Bréa, et permettant d'accéder à la plage (milieu des années 1830) (Image 3 ci-dessus),

- l'absence des deux séries de trois balcons de la longue façade occidentale de la Maison Gauthier-Donaudy, bâtie à l'angle de la place des Phocéens et du boulevard du Midi (milieu des années 1830) (Image 3 ci-dessus),

- l'absence des eucalyptus et des arbustes intercalés avec les palmiers le long du Jardin Public et du quai Masséna (1864-1866) (Image 3 ci-dessus et Image 4 ci-dessous),

- l'absence de la remise qui accoste le restaurant de l'Hôtel de la Pension Suisse (premier semestre 1867) et l'absence de la baraque en bois située dans l'angle sud-ouest du bastion du boulevard du Midi (décembre 1867) (Image 3 ci-dessus),

- l'absence de la transformation de la place des Phocéens en square, avec notamment la plantation du grand palmier de juillet 1867 puis des arbres et arbustes accompagnés de la Fontaine des Tritons au printemps 1868 (Images 3 ci-dessus et Image 4 ci-dessous),

- l'absence dans le Kiosque à musique (Jardin public) des plantations effectuées à sa base en mars 1868 et des luminaires au gaz installés sur les colonnettes de son pavillon en mai 1868 (Image 4 ci-dessous),

- la présence d'un grand escalier à l'extrémité occidentale du quai du Midi qui n'a jamais existé à cet emplacement (Image 3 ci-dessus), 

- la présence de deux lignes de grands palmiers bordant la Promenade des Anglais, alors que seulement quelques palmiers de deux tailles différentes ont été intégrés dans la partie occidentale d'une seule des deux lignes d'arbustes et de haies (entre 1862 et 1869) (Image 4 ci-dessous),

- la présence de palmiers le long du quai Saint-Jean-Baptiste, alors que des plantations ne vont été effectuées à cet emplacement qu'au début de l'année 1870 et avec d'autres essences d'arbres (Image 4 ci-dessous).


4- ASSELINEAU Léon Auguste (1808-1889), Panorama De La Ville De Nice - (n°2), détail, 
lithographie en couleurs, 21x75 cm, Paris, F. Sinnett Editeur, 17, rue d'Argenteuil, 
 Imprimerie Frick frères, rue de la Vieille Estrapade, 17, Paris,
Nice, Archives Municipales.



Contrairement au "Panorama du Port et de la Ville de Marseille", cette image n'a pas été dessinée d'après nature par Asselineau mais seulement lithographiée par lui et on peut s'interroger sur le ou les modèle(s) dessiné(s) ou photographié(s) dont il s'est inspiré.


La légende

Les textes imprimés fournissent également des repères chronologiques :

- l'éditeur anglais F. Sinnett, tout d'abord signalé, Galerie ou Passage Colbert (Rotonde), 11 puis 9 et 10, dans les ouvrages des années 1840 et 1850, n'a occupé le 17, rue d'Argenteuil qu'à partir de 1860,

- l'Imprimerie Frick frères (dont Louis Edouard Frick né en 1814) n'a occupé l'adresse du 17, rue Vieille de l'Estrapade, que de 1859 à 1874 (Dictionnaire en ligne des Imprimeurs-Lithographes élaboré par l'Ecole nationale des chartes, ici),

- le lithographe, Léon Auguste Asselineau (1808-1889) est notamment l'auteur d'un "Panorama de la Ville de Nice" (sans indication de numéro) et d'un "Panorama du Port et de la Ville de Marseille" édités en 1869 (Bibliographie de la France, 1869, respectivement du 9 janvier p 24, n° 37 et du 5 juin, p 278 n° 716 - GoogleBooks). 

Le Panorama de Nice édité en janvier 1869 a été logiquement réalisé fin 1868 et correspond peut-être au Panorama n°1. Le Panorama n°2 peut être contemporain ou légèrement postérieur mais la mention de son édition n'a pu être retrouvée.


5- ASSELINEAU Léon Auguste (1808-1889), Panorama De La Ville De Nice - (n°1), sans date, 
lithographie en couleurs, 34,5x75 cm, Paris, F. Sinnett Editeur, 17, rue d'Argenteuil, 
Imprimerie Frick frères, rue de la Vieille Estrapade, 17, Paris,
Collection privée.



PANORAMA N° 1


Un exemplaire du "Panorama de la Ville de Nice - (n° 1)" (34,5x75 cm) est cependant conservé dans une Collection privée et présente les mêmes indications imprimées que le Panorama n°2 (Image 5 ci-dessus). 

C'est une vue aérienne plus claire et lumineuse des mêmes lieux mais prise cette fois depuis le sud-est (d'un emplacement en hauteur qui n'existe pas) (Image 6 ci-dessous). 


6- ASSELINEAU Léon Auguste (1808-1889), Panorama De La Ville De Nice - (n°1), sans date, 
lithographie en couleurs, 34,5x75 cm, Paris, F. Sinnett Editeur, 17, rue d'Argenteuil, 
Imprimerie Frick frères, rue de la Vieille Estrapade, 17, Paris,
Collection privée.



Le Panorama montre, côté sud, l'étendue de la Promenade des Anglais (avec une plus grande part accordée à la mer que dans le Panorama n° 2) mais ne dépasse pas, côté nord, le Pont-Neuf même s'il révèle l'intérieur de la place Masséna (Image 6 ci-dessus).

Il révèle au tout premier plan une partie de la rive gauche du Paillon. Le square des Phocéens apparaît d'une ampleur inhabituelle, pourvu de ses plantations et de la Fontaine des Tritons de 1868 mais avec un plus grand nombre de palmiers que dans la réalité.

Le bastion (belvédère ou batterie) de l'embouchure, côté quai du Midi, apparaît planté de haies, précédé d'une ligne de palmiers et pourvu d'un grand escalier occidental, tous éléments qui n'ont jamais existé (Image 7 ci-dessous).


7- ASSELINEAU Léon Auguste (1808-1889), Panorama De La Ville De Nice - (n°1), détail, 
lithographie en couleurs, 34,5x75 cm, Paris, F. Sinnett Editeur, 17, rue d'Argenteuil, 
Imprimerie Frick frères, rue de la Vieille Estrapade, 17, Paris,
Collection privée.



LES DEUX PANORAMAS


Les deux panoramas de Nice présentent des aspects très fidèles à la réalité mais quelques détails inventés. Ils semblent inspirés de projets niçois, d'estampes ou de photographies. 

Les éléments architecturaux sont globalement fidèles aux photographies contemporaines, même si certains détails ont été :

- omis : remise de l'Hôtel de la Pension Suisse, double escalier du boulevard du Midi, série de balcons de la Maison Gauthier, baraque en bois du bastion du Midi, 

- agrandis : Cosmographe d'Ouvière

- ou ajoutés : grand escalier du bastion du Midi qui a probablement été projeté car il se retrouve dans d'autres lithographies mais n'a jamais été réalisé. 

Ce sont surtout les plantations représentées qui s'avèrent fantaisistes, avec notamment le nombre, l'emplacement et la hauteur des palmiers. 

Le Panorama n°2 peut paraître antérieur au Panorama n°1 par l'absence des plantations du square des Phocéens faites en 1868 mais il montre les plantations du pont-square Masséna réalisées au début de l'année 1869 et celles du quai Saint-Jean-Baptiste effectuées au début de l'année 1870, même si ces dernières ont pu être anticipées.

Les deux lithographies n'ont pas pu être conçues avant 1867 (réalisations du Grand-Hôtel, du pont-square Masséna et du Kiosque à musique ; projets du square des Phocéens et de l'Hôtel de la Paix), sont antérieures à 1874 (changement d'adresse de l'Imprimerie Frick frères) et semblent toutes les deux dater de l'année 1869. La présence d'une numérotation sur chacun des deux panoramas plaide également en faveur de leur contemporanéité.

Il semble cependant que ces deux panoramas soient des rééditions de vues de 1867, en partie inspirées des projets niçois en cours de réalisation. La Bibliographie de la France du 21 décembre 1867 (p 592, n° 1922) signale en effet l'édition suivante : "Panorama de Nice : Vue prise au-dessus du Jardin anglais - Vue prise au-dessus de la place des Phocéens. Paris, imp. Monrocq".