lundi 23 mars 2020

1107- LES DELTON, UNE DYNASTIE DE PHOTOGRAPHES




- Portrait de trois générations de Delton, prénommés Jean,
extrait de l'ouvrage, Le Monde du Cheval 1864-1914, Paris, 1917.
A ce portrait de famille, il manque cependant Georges Delton.





- Jean Louis DELTON Père (1807-1891)

Jean Louis Delton, est le fondateur d'une dynastie de photographes sur trois générations notamment spécialisés dans la "Photographie hippique" (voir des photos, ENSBA Paris, ici).




Jean Louis Delton est né à Paris (3ème arrondissement) le 20 ou 22 avril 1807. Il est le fils d'Etienne Louis Delton (1774-1853), horloger et d'Elisabeth Albertine Caverois (c.1780-1845) et a pour sœur aînée Marie Albertine Delton (1801-1851, épouse Rosier).

Après avoir été sous-officier de cavalerie (12ème régiment de dragons vers 1825-1830 et coureur hors-pair), Jean Louis Delton  est depuis le milieu des années 1830, actionnaire des chasses à courre de La Morlaye et membre du jockey-club organisateur des courses hippiques au Champ-de-Mars (puis à Longchamp, à l'ouest du Bois de Boulogne, dès 1857). Il monte lui-même dans les premières courses qui ont lieu en France avec le baron Auguste Lupin (1807-1895) et voyage en Angleterre et en Pologne où il suit les chasses à courre.

A la fin des années 1840, il est rentier et vit à Passy où il est propriétaire de terrains dans cette commune. 

En 1851, est-ce lui qui est signalé dans un jugement de faillite en tant que "Delton (Louis-Jean), directeur du Cercle et estaminet du passage de l'Opéra, y demeurant, galerie du baromètre" (Le Droit du 12 février 1851 p 4 et du 24 mai 1851 p 4) ? 

Vers 1853, il commence à acheter et revendre des terrains aux limites entre Passy (commune rattachée à Paris en 1860), Paris et Neuilly, près de l'avenue de l'Impératrice, ouverte en 1854 (emprunts, hypothèques, reventes - voir notamment sur France Archives) et s'y installe à l'époque de son mariage en 1856. 

Il épouse en effet en 1856, à 49 ans, Marie Alexandrine Bertin, 24 ans (1832-1889) et reconnaît avec elle leur fils naturel, Louis Jean Delton, né à Passy (au 2, rue des Bouchers) le 11 août 1850, leur autre fils Jules, étant malheureusement décédé à 1 mois et demi en 1851 (21 septembre 1851-11 novembre 1851). Ils ont ensuite Georges Frédéric Delton qui naît à Paris (16ème arrondissement) le 19 octobre 1859.

Le 9 février 1861, Louis Jean Delton demeurant à Paris au 83, avenue de l'Impératrice (près de la Porte Dauphine), crée une association sous l'égide de Nadar pour ouvrir en avril 1861, près du bois de Boulogne (aménagé entre 1853 et 1857), un studio de photographie au 6, avenue de la Faisanderie (16ème arrondissement), dénommé "Photographie hippique" (Le Moniteur Universel du 12 février 1861 p 4 et du 15 février p 4). 



- Publicité pour l'atelier parue dans La Presse du 15 mars au 13 avril 1861.


L'association est stoppée la même année et Louis Jean Delton continue seul (Le Moniteur Universel du 11 octobre 1861 p 4 ; Le Sport Universel Illustré de janvier 1936 pp 20-22). 



Annuaire-almanach du Commerce et de l'Industrie, 1862 p 1005 (voir sur Gallica).


- Article paru dans Le Constitutionnel du 9 décembre 1862 p 2 (voir sur Retronews).



Louis Jean Delton, guidé par sa passion des chevaux, semble être un profane en photographie qui sait s'entourer d'excellents opérateurs pour mener son projet à bien.

Il participe à l'Exposition Universelle de Londres en 1862.

Une annonce pour l'établissement hippique est diffusée dans quatre journaux parisiens en avril-mai 1864 et un article et une vue lui sont consacrés dans Le Monde Illustré du 18 juin 1864 (voir ci-dessous).



- Annonce publiée dans quatre journaux dont La Presse du 2 avril au 4 mai 1864.

- Estampe publiée dans Le Monde Illustré du 18 juin 1864 p 400.



Henry Lauzac consacre à Jean Louis Delton une notice dès 1863 dans sa Galerie historique et critique du Dix-Neuvième siècle dont voici quelques passages (extraits du premier volume de l'édition de 1865 pp 285-288) : "Assurément, c'est une heureuse idée à laquelle on doit applaudir, que celle de la création d'une photographie hippique, située près de la plus belle promenade de Paris (avenue de l'Impératrice), continuellement sillonnée par les brillants équipages de l'aristocratie (...) Avec son vaste jardin, ou champ de pose, où peuvent circuler à l'aise les attelages de quatre chevaux, avec ses élégantes et spacieuses galeries, ses ateliers inondés de lumière, l'établissement de M. Delton, on le conçoit aisément, n'a pu que prospérer depuis sa fondation (...) M. Delton a plusiers fois reçu la proposition d'aller à Londres monter une photographie hippique (...) Les capitaux nécessaires ont été réalisés pour cette nouvelle entreprise mais elle n'a pu encore être exécutée, faute de l'emplacement convenable".

Il ne semble pas que ce projet de création d'atelier hippique à Londres ait été réalisé.

Il a deux nouveaux enfants (il signe "Delton"), au 83, avenue de l'Impératrice (16ème arrondissement), Jeanne Berthe Delton (née le 16 novembre 1863) et Paul Delton (né le 5 mai 1867).

Rapidement célèbre, il réalise des portraits équestres de personnalités politiques, financières et artistiques mais également des chevaux et jockeys vainqueurs des courses en France et à l'étranger (Portrait équestre du Prince Impérial en 1864, Photographies de l'écurie du roi Victor-Emmanuel à Turin en 1864, Portraits d'Abd-el-Kader en 1865, Portrait équestre du roi de Prusse et de son état-major à Berlin en 1866...).

L'atelier fournit des photographies aux revues, journaux (dont Le Monde Illustré entre 1863 et 1867) et ouvrages hippiques puis édite des Albums hippiques dès 1867 (voir des albums sur Gallica - six albums Delton en 1870). 

Spécialisé dans la photographie hippique, l'atelier réalise cependant tout aussi bien des portraits à pied dont des portraits d'enfants mais également des photographies animalières et des photographies d'objets.

Entre novembre 1866 et avril 1867, Jean Louis Delton est convoqué au Tribunal de la Seine pour jugement de faillite (Le Moniteur Universel du 18 novembre 1866 au 6 avril 1867). 

Il participe à l'Exposition Universelle de Paris en 1867, à l'âge de 60 ans.

En juin 1868, l'atelier expose, dans une rotonde récemment édifiée, la grande toile peinte par MM. Rubé et Chaperon intitulée Panorama des travaux du Canal de Suez et présentée en 1867 à l'Exposition Universelle de Paris (Le Siècle du 16 mai 1868 p 3 ; Le Figaro du 9 juin 1968 ; Le Moniteur Universel du 10 juin 1868 p 9).

Les cartons-photos de l'atelier Delton affichent notamment :
- un recto nu, avec au verso, "Photographie Hippique - J. Delton & Cie - 6, Avenue de la Faisanderie, 6 - à côté de la Station du Chemin de fer - de l'Avenue de l'Impératrice " (1861),

- un recto nu, avec au verso, "J. Delton & Cie - 83, Avenue de l'Impératrice, 83" (1861 ?),

- un recto nu puis à liseré simple noir ou rouge puis à liseré double rouge avec "Delton, Phot.", et au verso, "Photographie Hippique - J. Delton - 83, Avenue de l'Impératrice, 83" (dès fin 1861 ?).

L'atelier est détruit par l'artillerie prussienne en janvier 1871. Un autre atelier fonctionne à proximité. L'atelier est  reconstruit en 1872/73 sur un terrain concédé par la Ville de Paris dans le Bois de Boulogne, près du premier lac, entre le Grand Lac et l'allée cavalière dite de Saint-Denis.



- Louis Jean DELTON Fils (1850-1931) et Jean DELTON Petit-Fils (1890-1914)

Jean Louis Delton (père) semble laisser son fils aîné Louis Jean Delton diriger l'affaire dès 1871 (après ses trois ans d'armée puis de guerre), secondé par son frère Georges, quelques années plus tard. 

Les deux frères, "MM. Delton fils, de la Photographie hippique du Bois de Boulogne" sont signalés pour avoir sauvé un homme de la noyade dans le lac de Boulogne, en avril 1877 (Le Constitutionnel du 10 avril 1877 p 3).

Jean Delton (fils) remporte une médaille d'argent à l'Exposition Universelle de Paris en 1878. Il édite à son tour des albums hippiques dont Chevaux et équipages à Paris en 1878 et Tour du bois en 1882-1886 (voir des albums sur Gallica). A partir de 1881/1882, les chevaux sont photographiés en mouvement. Un Bureau-Exposition-Vente des collections est ouvert dans Paris en 1883 au 260, boulevard Saint-Germain.

Des projections photographiques des habitués du Bois sont organisées à la Salle Beethoven de Paris en janvier et février 1888.

Marie Alexandrine Delton, née Bertin, épouse de Louis Jean Delton et mère de Jean et Georges Delton décède "en son domicile de Neuilly-sur-Seine, Bois de Boulogne, près le grand Lac", le 3 février 1889, âgée de 56 ans. Son fils Louis Jean Delton, "âgé de 38 ans, photographe", domicilié à la même adresse, est témoin de l'acte de décès.

Jean Delton (fils) crée, en 1889, une revue illustrée intitulée, Photographie Hippique qui dès septembre 1895 fusionnera avec le journal Le Sport Illustré, créé en janvier 1895. 

Les cartons-photos de l'atelier Delton affichent notamment :
- recto avec un titre, et verso avec, "Delton - Photographie Hippique - 3, rue Montrosier, 3 - Neuilly" (années 1870, adresse signalée dans Le Figaro du 30 mai 1873 p 3),

- recto à fond gris avec, "Photographie Hippique - J. Delton - - Au Bois De Boulogne", verso nu (années 1880-1890 ?).

Jean et Georges succèdent officiellement à leur père en mars 1890 (Archives commerciales de la France du 12 mars 1890 p 338). 

Leur père, "l'alerte vieillard que tout Paris connaît" (Le Figaro du 21 août 1887 p 1) décède à Neuilly, à son domicile du 23, boulevard Bineau, le 2 janvier 1891, à l'âge de 83 ans (ses obsèques sont notamment signalées par Le Figaro du 6 janvier 1891 p 1). "Louis Jean Delton, âgé de 40 ans, artiste photographe" est l'un des signataires de l'acte de décès de son père "Jean Louis Delton, artiste photographe, ancien architecte" (!?).

Cette dernière mention est plus qu'étonnante. Certes le cousin de Jean Louis Delton, Etienne Albert Delton (1806-1862) a été  l'architecte renommé de la famille mais Jean Louis Delton s'est pour sa part engagé dans l'armée à 18 ans environ. A-t-il fait auparavant des études de Beaux-Arts comme son cousin ? A-t-il travaillé après ses cinq ans d'armée comme architecte ?



- Publicité pour l'atelier Delton publiée dans l'Almanach des foires chevalines, 1890.




Jean Delton (fils), à l'âge de 39 ans, a un fils hors mariage, avec Arthémise Talima, cuisinière de 18 ans employée à la Photographie hippique. Ce dernier naît à l'hôpital Beaujon de Paris (8ème arrondissement) le 13 janvier 1890 et est déclaré sous le nom de Jean Carpentier (nom de famille emprunté du côté maternel). 
Cet enfant est reconnu, lors du mariage de ses parents l'année suivante à Neuilly, le 5 mai 1891 où "Louis Jean Delton, domicilié à Neuilly-sur-Seine, Bois de Boulogne, photographe" (aux parents décédés) épouse Arthémise Aglaé Lucie Talima, sans profession (née le 27 décembre 1871 à Hénu, Pas-de-Calais).

De nombreux sites situent le décès de Louis Jean Delton (fils) à l'âge de 50 ans environ, en 1901 mais plusieurs documents attestent cependant de son activité après cette date.

C'est notamment lui qui reçoit la décoration du Mérite Agricole en 1903 et la rosette d'Académie en 1909, lui qui perd son épouse en octobre 1910 (La Presse du 24 octobre 1910 p 2 - acte de décès non retrouvé), lui qui perd son fils en octobre 1914, lui qui fournit en 1917 les cent photographies pour l'ouvrage, Le Monde du Cheval 1864-1914 (lettre d'introduction de l'ouvrage paru en 1917) et dirige l'atelier de Photographie Hippique, chemin de ceinture du Lac, côté droit, au Bois de Boulogne jusqu'en 1927, avant de céder la place à Louis Goy.

Jean Delton semble décéder en 1931, à l'âge de 80 ans environ (acte de décès non retrouvé). 

Jean Delton (petit-fils), domicilié à Neuilly, s'engage à 18 ans dans l'armée pour trois ans, de septembre 1908 à septembre 1911 (18ème régiment de dragons). Il sera ensuite photographe de 1911 à 1914.

Maréchal des logis chef (13ème régiment de dragons), il sera tué en Belgique, à West-Roosboere, dès le début de la Première Guerre Mondiale, le 19 octobre 1914.



- Georges Frédéric DELTON (1859-1930)

La vie et la carrière de Georges Delton semblent moins connues que celles de son père et de son frère Jean.  

Georges Frédéric Delton est né à Paris le 19 octobre 1859. Il est l'un des cinq enfants de Louis Jean Delton (1807-1891) et de Marie Alexandrine Bertin (1832-1889), son épouse.

Il semble associé à l'atelier de Photographie Hippique paternel dès la seconde moitié des années 1870. Peu de choses concernant son activité sont cependant connues avant 1890, date à laquelle il succède à son père, avec son frère Jean.

Georges Frédéric Delton, "photographe, domicilié au Bois de Boulogne, commune de Neuilly (Seine)", âgé de 33 ans (il signe "Georges Delton"), se marie à Paris (16ème arrondissement), le 27 avril 1893, avec Adélaïde Cléantie (dite Lucie ou Lucy) Bonfils, sans profession, 31 ans (née à Lyon le 15 novembre 1861). L'un de ses témoins de mariage est son frère Louis Jean Delton, "âgé de 43 ans, photographe, domicilié au Bois de Boulogne, commune de Neuilly (Seine)" (il signe "J. Delton").

Georges Delton s'installe avec son épouse à Paris au 16, rue Bois-le-Vent (16ème arrondissement). Ils n'auront pas d'enfant.

Georges cède le 4 décembre 1894, à son frère Jean, ses droits sur la l'atelier du Bois de Boulogne (Archives Commerciales de la France du 8 décembre 1894 p 1499) et se retrouve avec une fortune conséquente. 

Début janvier 1895, il quitte Paris pour Nice et, accompagné de sa femme Lucy, fait le voyage à bicyclette en plein hiver (Gil Blas du 14 janvier 1895 p 1 et Le Vélo du 16 janvier 1895 p 1). Cela montre l'intérêt pour tous les sports qu'a développé le photographe.

A Nice, il reprend dès 1895 l'atelier d'Italo Colombi (ancien atelier de Disdéri et avant lui de Numa-Blanc). Cet atelier est signalé dans les annuaires niçois sous le nom de "Delton (Hippique)" au 15, Promenade des Anglais, dès 1896. 

"Diton (sic) Georges, âgé de 36 ans, photographe" est cité avec son épouse "Lucie Bonfils, 30 ans" (34 ans en fait) dans le recensement de la Ville de 1896, résidant au 3, rue du Congrès (la propriété est située à l'angle de la Promenade des Anglais et de la rue des Congrès).

Georges Delton alterne la saison d'hiver à Nice avec des séjours à Paris et des voyages en France et à l'étranger. Fin 1898, il édite un ouvrage intitulé, Chevaux d’Algérie et de Tunisie (L’Echo de Paris du 31 octobre 1898). Il devient photographe de la revue des sports, La Vie au grand air, dès sa création en 1898.

Il pratique notamment le tir aux pigeons (Monte-Carlo, Spa) et crée un prix qui porte son nom à Monte-Carlo de 1897 à 1899.

Son atelier niçois semble ne durer que 5 ans car il disparaît des annuaires après 1899, comme le nom de Delton. Je n'ai, à ce jour, connaissance d'aucune photographie prise dans cet atelier.

Cette année-là, Georges Delton a 40 ans. Il rentre sur Paris et continue à fournir des photographies de sport pour La Vie au grand air (jusqu'en 1906), alors que son épouse fait des conférences sur les poètes anciens. Il reçoit, comme son frère, la décoration du Mérite agricole en 1903. Il continue à fréquenter la Côte d'Azur et notamment le Tir aux pigeons de Monte-Carlo (Journal de Monaco du 5 mars 1907).

"Mme Lucie-Georges Delton, âgée de 35 ans (49 ans en fait), artiste lyrique", fait une tentative de suicide avec un revolver en juin 1910, à leur domicile du 23, rue de Rémusat (Paris, 16ème arrondissement) (Le Petit Journal du 15 juin 1910 p 3). Il semble qu'elle survit mais parvient, quelques années plus tard à se donner la mort (s'il s'agit bien de la même personne), à Garches (commune voisine de Neuilly), en se suicidant au gaz en décembre 1917, à l'âge de 56 ans (L'Intransigeant du 14 décembre 1917 p 2 - acte de décès non retrouvé sur Garches, Neuilly et Paris).

Georges Delton travaille, dans les années 1920, à Neuilly-sur-Seine, où il est commissionnaire en marchandises au 37, rue de Chézy mais fait faillite en 1923 (voir notamment Archives Commerciales de la France du 20 juin 1923 p 945 et Le Droit du 23 juin 1923 p 172). Il est alors signalé à Garches au 1, rue des Renaudières.

 "Reporter", veuf et âgé de 71 ans, il décède à Garches le 7 décembre 1930, à son domicile du 1, rue Frédéric-Clément. L'acte de décès est signé par sa sœur Jeanne Berthe Delton, veuve Cheale, sans profession, alors âgée de 67 ans.