dimanche 3 juillet 2016

537-L'OEUVRE D'AUGUSTE RODIN (1840-1917)-2-LA PORTE DE L'ENFER


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- ELBORNE William (1858-1952), Rodin devant La Porte de l’Enfer se reflétant dans un miroir, 1887.
papier albuminé.


LA PORTE DE L'ENFER - LE PROJET D'UNE VIE, RESTÉ INACHEVÉ (1880-1917)
Le scandale de L'Âge d'airain attire l'attention sur Rodin et lui vaut en août 1880 la commande par l'Etat (pour la somme de 8.000 francs) de la Porte d'entrée monumentale du futur Musée des Arts Décoratifs, prévu pour être élevé sur les ruines incendiées (Commune de 1871) de la Cour des Comptes. Un atelier du Dépôt des marbres lui est alloué (au 182, rue de l'Université à Paris, atelier qu'il conservera jusqu'à sa mort). Très vite, Rodin dessine les huit cycles (ou cercles) de l'Enfer puis modèle des sujets tirés de la "Divine Comédie" (début du XIV° siècle ; ouvrage traduit en français au XVIII° siècle) de Dante Alighieri (vers 1265-1321) pour La Porte de l'Enfer : Le Poète (Le Penseur), Ugolin dévorant ses enfants (Ugolino della Gherardesca, comte de Donoratico, vers 1220-1289, tyran de Pise enfermé et condamné à mourir de faim avec sa descendance, enfants et petits-enfants), et les amours maudites de Paolo et Francesca (Francesca da Rimini, née Francesca da Polenta, vers 1255-vers 1285, et Malatesta Paolo, vers 1246-vers 1285, Francesca et son beau-frère amants, surpris et assassinés par le mari).


- RODIN Auguste (1840-1917), La Porte de l'Enfer, projet de porte à huit panneaux, 1880/81,
dessin au fusain, lavis d'encre et gouache, sur papier beige, 55.7x44.7 xm,
annoté à la plume en haut, à droite : "traverse saillantes", Paris, Musée Rodin.


Il conçoit une première maquette (1880) inspirée notamment de la Porte du Paradis créée par Lorenzo Ghilberti (1378-1455) pour le Baptistère de Florence (1425-1452 dont une reproduction est visible dans l'Ecole des Beaux-Arts de Paris), avec deux vantaux ornés chacun de cinq caissons cernés d'un encadrement décoratif. Dans une seconde maquette (1880), il s'attache à un détail de la Porte avec de nombreuses figures floues.

- GHIBERTI Lorenzo (1378-1455), La Porte du Paradis, vers 1425/26-1452,
porte orientale du baptistère San Giovanni de Florence, déposée au Musée de l'Oeuvre de la cathédrale,
bronze doré, 520x310x11 cm,
la porte est divisée en dix cadres à l'intérieur desquels sont représentées des scènes tirées de l'Ancien Testament. Ces dix cadres sont eux-mêmes entourés d'une frise composée de 48 éléments représentant des têtes et des figures entières de prophètes et sibylles dont un autoportrait de l'artiste. Les deux battants de la porte furent coulés d'un seul tenant, et Ghiberti, assisté de collaborateurs du calibre de Donatello, Luca della Robbia ou encore Benozzo Gozzoli, y apposa ensuite 58 panneaux coulés un à un avant d'être dorés à l'or fin.

- GHIBERTI Lorenzo (1378-1455), détail de La Porte du Paradis, panneau de La Rencontre du Roi Salomon et de la reine de Saba, vers 1440-1450,
bas-relief en bronze doré, 80x80 cm,
Ghiberti renouvela la technique du bas-relief par le traitement des paysages et des édifices selon les règles de la perspective, par l'échelonnement réaliste des personnages, isolés ou regroupés dans une foule, par la maîtrise des effets de lumière et par la sensibilité des expressions et des attitudes.


Dès 1881, Rodin réduit le nombre de panneaux de dix à huit avant de renoncer définitivement vers 1882-1883 à ce compartimentage, en relation à la fresque du Jugement Dernier de Michel-Ange.
Sa troisième maquette (1881) montre la composition retenue, avec l'influence de la Renaissance italienne (lignes orthogonales, pilastres ornés, entablement à modillons) mais également de l'art gothique (trumeau couronné d'un chapiteau surmonté de la figure en méditation de Dante assis, Le Poète - figure réintitulée Le Penseur en 1889 - évoquant la figure du tombeau de Laurent de Médicis par Michel-Ange, vers 1520-1534). Les figures du Baiser (Paolo et Francesca, à gauche, qui disparaîtront en 1886 dans la version finale) et d'Ugolin et ses fils (à droite) se discernent sur les vantaux. Il envisage de positionner de grandes figures d'Adam et Ève, avant d'y renoncer.
Les figures, dont beaucoup connaîtront une existence indépendante (Le Penseur, Adam et Eve, Le Baiser, Ugolin, Les Trois Ombres, Faunesse à genoux), sont modelées séparément du cadre architectural.

"Rodin laisse les personnages se multiplier et envahir la porte jusqu’à en cacher la structure. Il modèle les corps d’hommes, de femmes et d’enfants. Il les dispose sans ordre apparent pour exprimer la violence des châtiments subis et la détresse psychologique. Rodin apparaît marqué par le thème chrétien du Jugement dernier, très répandu au Moyen Âge et à la Renaissance. Les squelettes du linteau rappellent notamment les scènes de résurrection des morts, fréquentes sur le portail des églises médiévales ; les corps contorsionnés et flottant dans l’espace, ceux peints par Michel-Ange dans Le Jugement dernier (Vatican, Chapelle Sixtine)" (texte issu du site panoramadelart.com).

- MICHEL-ANGE (Michelangelo di Lodovico Buonarroti Simoni dit, 1475-1564), Le Jugement Dernier, 1536-1541,
 fresque de 17x13 m (représentant 400 personnes) peinte sur le mur de l'autel de la Chapelle Sixtine au Vatican (dans les lunettes les anges présentent les instruments de la Passion ; au centre le Christ Juge entouré de Marie, des saints et martyrs ; en bas à gauche la Résurrection des morts et à droite les Damnés condamnés à l'Enfer).


La Porte de l'Enfer est montée en 1884 et Rodin envisage de la fondre en bronze mais il y renonce et continue à la travailler, déplaçant ou remplaçant certaines figures de damnés. Les figures modelées en terre sont moulées en plâtre puis disposées, voire adaptées, sur La Porte.
Le budget de La Porte de l'Enfer sera revu plusieurs fois à la hausse (porte de 4,50x3,50 m) et renégocié (en 1881, 1884 et 1888) pour un coût qui atteindra 30.000 francs. 
Le projet de Musée des Arts décoratifs prévu pour 1882 prendra lui du retard et sera finalement abandonné en 1889 (site de la Gare d'Orsay).

Rodin va cependant continuer de passer des années à travailler à La Porte de l'Enfer, créant un répertoire de formes inépuisable (227 damnés inspirés des écrits de Dante, de la Bible mais également d'Hugo et de Baudelaire) dans lequel il va puiser jusqu'à la fin de sa vie, reprenant les formes, les modifiant, les amputant d'éléments, les rendant autonomes, les assemblant, les agrandissant. Il espère montrer La Porte à l'Exposition Universelle de 1889 puis la délaisse vers 1890. Il reprend ce travail à plusieurs reprises et la modifie jusqu'en 1895. Il envisage en 1898-1899 que sa Porte serve à un projet de Tour du Travail (haute de 130 m) destinée à l'Exposition Universelle de 1900 mais ce projet n'aboutira pas non plus.
Il finit par exposer le plâtre de la Porte de l'Enfer (5,20x3,88 m) dans son exposition personnelle de 1900, cependant dépourvue des figures les plus en relief (démontage pour transport, contrastes de relief jugés excessifs, recherche d'unité, ensemble flou). La Porte, un temps envisagée d'être installée au Palais des Beaux-Arts (Grand Palais) est, après l'Exposition de 1900, transportée au Dépôt des marbres puis à Meudon, où elle est toujours.

Après 1900, les modifications restent à la marge. L'Etat annule en 1904 la commande en bronze passée en 1885. Vers 1907, Rodin envisage une version luxueuse (déjà envisagée pour l'Exposition de 1900) alliant le bronze (vantaux) et le marbre (montants), destinée au Musée du Luxembourg, version qui ne verra pas le jour. La fonte est enfin décidée en même temps que l'ouverture du Musée Rodin en 1917 (plâtre de Meudon restauré ; un plâtre de cette même année, 6,35x4 m, est conservé au Musée d'Orsay), mais cette dernière ne sera réalisée qu'après sa mort d'après un plâtre remonté en 1917 (fonte Rudier en 1928 ; d'autres fontes de dimensions variables suivront dans les années 1930, 1940 et 1990).
- RODIN Auguste (1840-1917), La Porte de l'Enfer, Première maquette, 1880,
cire, 23,3x15,5x2 cm, Paris, Musée Rodin.


- RODIN Auguste (1840-1917), La Porte de l'Enfer, Deuxième maquette, 1880,
plastiline, 16,5x13,5x2,6 cm, Paris, Musée Rodin.


- RODIN Auguste (1840-1917), La Porte de l'Enfer, Troisième maquette, 1881,
plâtre, 111,5x75x30 cm, Paris, Musée Rodin.


- RODIN Auguste (1840-1917), La Porte de l'Enfer, 1900,
plâtre, 520x388 cm, Meudon, Musée Rodin.


- RODIN Auguste (1840-1917), La Porte de l'Enfer, 1917,
plâtre, 600x400x94 cm, Paris, Musée d'Orsay,
porte remontée l'année de la mort de l'artiste d'après les photographies et moulages anciens.


- RODIN Auguste (1840-1917), La Porte de l'Enfer, 1880-1917,
bronze (fin des années 1940, installé en 1949), 680x400x85 cm (près de 8 tonnes)
porte ornée de 186 figures, Zurich, Kunsthaus.



- RODIN Auguste (1840-1917), La Porte de l'Enfer, 1880-1917,
schémas du Musée Rodin, Paris.


VOIR LA VIDÉO (13 MN 24, 2008) DE CANAL ÉDUCATIF À LA DEMANDE,
AUGUSTE RODIN I : LA PORTE DE L'ENFER - L'HISTOIRE D'UNE OEUVRE MAUDITE



VOIR LA VIDÉO (13 MN 37, 2008) DE CANAL ÉDUCATIF À LA DEMANDE,
AUGUSTE RODIN II : LA PORTE DE L'ENFER - L'HISTOIRE D'UNE OEUVRE MAUDITE


VOIR LA VIDÉO (6 MN 20, 2015) DU MUSÉE RODIN,
LA VIE DES FORMES - LA PORTE DE L'ENFER,
MONTRANT LA RÉUTILISATION DES FIGURES ISSUES DE LA PORTE DE L'ENFER.