vendredi 1 novembre 2013

165-JOAN FONTCUBERTA : "FAUNA", 1985-89



Joan FONTCUBERTA (né en 1955, espagnol catalan), Fauna (secreta), 1985-1989,
 vue de l'exposition (Musée-Château d'Annecy, 2008),
 installation (photographies, textes, cartographies, schémas, vitrines et vidéos), et ouvrage du même nom, écrit en collaboration avec l’écrivain Père Formiguera, publié en 1989 (date de la première grande exposition, au Musée de Zoologie de Barcelone). 

Depuis la rentrée de septembre 2015, Fontcuberta n'est plus au programme du Baccalauréat
 (Option Arts plastiques facultative). La nouvelle question concerne désormais l'oeuvre de Bill Viola.

Vitrine de l'exposition. 

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FICHE ACADÉMIQUE

Les archives découvertes en 1908 dans la maison de Glasgow et l'une des photos montrant un portrait du Pr Ameisenhaufen.

Le laboratoire du Pr Ameisenhaufen (négatif sur verre de 1927).


LE SENS

Les prétendues vérités en question : la série Fauna, propose les photographies d’un étonnant bestiaire. Accompagnées d’autres documents textuels et iconographiques, elles prétendent avoir été réalisées par un soi-disant zoologiste, qui aurait constitué, au début du XX° siècle, une documentation considérable sur des animaux non encore répertoriés par la science.
En 1979, Joan Fontcuberta et Pere Formiguera, alors en vacances dans le pays du Loch Ness, découvraient, dans le sous-sol de leur cottage, de mystérieuses archives. Il s'avéra bien vite qu'elles contenaient les carnets de notes et les découvertes d'un certain professeur Ameisenhaufen (1895-1955 ?), savant naturaliste allemand ayant consacré sa vie à la zoologie et ayant mystérieusement disparu. Commença alors, pour les artistes catalans, un long travail de recherche pour tenter d'élucider le mystère Ameisenhaufen et d'éclaircir le sens des découvertes consignées par l'homme de science. Les résultats de cette investigation figureront dans les expositions et les auteurs se présenteront comme de simples commissaires d'exposition. Dans leur bestiaire apparaissent : des serpents à pattes, des singes ailés, des oiseaux à carapace et même un monstre du Loch Ness. Depuis 1989, Fauna secreta, présentée dans une cinquantaine d'endroits, n'a cessé de confondre tous et chacun, crédules ou incrédules devant les thèses du professeur.

 Micostrium Vulgaris, marécages du Sierra Leone (planche de dessins d'étude du coquillage pourvu d'un bras pour chasser ; vit en colonie).

Cercopithecus Icarocornu, forêt brésilienne d'Amazonie (photo du singe unicorne volant, animal sacré des indigènes Nygala-Tebo) et Felix Penatus (squelette du félin ailé ; vestiges osseux découverts en 1932 dans une caverne du Grand Atlas, Maroc).


LES COMMANDITAIRES, MÉCÈNES OU DONATEURS

Artiste, critique, théoricien et commissaire d’expositions, Joan Fontcuberta poursuit une recherche personnelle interrogeant notre relation au monde et aux images : Joan Fontcuberta a connu le Franquisme, la censure, et les informations falsifiées. Après trois ans de Journalisme qui lui ont appris la manipulation de l'image photographique au service du message à faire passer, il se lance dans une production artistique qui va mettre en question ces procédés et la légitimité de la photographie à qui on accorde le pouvoir de montrer la vérité. Ses œuvres proposent une analyse critique des méthodes d'information et de communication. Elles renvoient aux farces, aux canulars  et visent à montrer que les autorités institutionnelles comme les musées, les journaux et les sciences, s’ils se posent en modèles, ne sont pas toujours porteurs de vérité. Pour lui ses œuvres doivent fonctionner de la même manière qu’un vaccin. Devant elles, l'organisme-spectateur produit un anticorps-méfiance, et l'idée est d'introduire ce réflexe de scepticisme devant toute idée ou image qui se donnera comme « vraie ». On peut donc dire qu'il se sert de la fiction dans ses œuvres pour prévenir le spectateur de son omniprésence dans la réalité.


Alopex Stultus (photo du bipède poilu à tête de tortue, pouvant se camoufler verticalement comme un arbuste).


L’ARTISTE ET SES COLLABORATEURS

Père FORMIGUERA (1952-2013), ami écrivain et photographe, un peintre argentin qui a posé pour les photos du professeur âgé, le taxidermiste Xavier BORDO.
N.B. : le nom du Pr. Ameisenhaufen est la traduction de Formiguera (Fourmilière) en allemand et le nom de son assistant Hans von Kubert, est la transposition du nom de Fontcuberta.

Solenoglypha Polypodida, Tamil Nadu, Inde (photo du serpent vertébré à 12 pattes).


LE PUBLIC

Visiteurs de Musée d’Histoire naturelle ou d’art contemporain, selon le lieu d’exposition. Joan Fontcuberta établira plus tard une typologie des comportements suscités lors des différentes représentations de l’œuvre, ce qui nous donne des indications sur le dialogue que l’artiste souhaite instaurer avec le spectateur.

 Treschelonia Atis : fiche descriptive de l'oiseau à carapace de tortue, en langue allemande et radiographie.

 Treschelonia Atis (naturalisé).


ESPACE DE PRÉSENTATION ET/OU D’EXPOSITION

Fauna est exposée partiellement dès 1987 et est présentée entièrement en 1989 au Musée de Zoologie de Barcelone (au lieu d’un musée d’art contemporain). Mise en place d’une sorte de rhétorique appliquée spécifique aux expositions des musées d’Histoire naturelle où il n’y a pas, a priori, de place pour la création personnelle et où tout se veut objectif, scientifique et rigoureux. Son œuvre a également été consacrée et exposée dans les musées d’art contemporain, et tout d’abord au Museum of Modern Art de New-York, en 1988.

Des spécimens présents dans les collections du Pr Ameisenheaufen mais dépourvus de documentation.


SUPPORT/NATURE, MATÉRIALITÉ/FORMAT

Mélange de photographies, clichés sur verre ébréché, radiographies, notes manuscrites et dactylographiées, carnets, listes, coupures de journaux, documents vieillis, cartels jaunis, échantillons, spécimens animaliers empaillés et en bocaux, squelettes, fragments osseux, vitrines, outils scientifiques, cartographies, panneaux didactiques, noms en latin, schémas, croquis et dessins (observation des animaux dans leur milieu naturel, étude de leur morphologie, leur comportement, leur nourriture, leur habitat, leur mode de reproduction, dissections…), enregistrements sonores (animaux), vidéo (présentation de la sœur du Professeur)… L’installation simule les archives d’un zoologiste et s’adapte au musée choisi, utilisant meubles, outils et échantillons scientifiques des réserves et collections. Les photographies ne sont pas truquées par infographie.

Photo de la rencontre du Pr Ameisenhaufen et du Centaurus Neandertalensis (animal au corps de chèvre et buste de babouin).


REPRÉSENTATION/PRÉSENTATION, STATUT DE L’ŒUVRE

Présentation sous un aspect scientifique crédible mais la supercherie se révèle pour qui sait lire attentivement, l’artiste ayant parsemé son œuvre d’indices et de choses incroyables. Les photos constituent l’enregistrement fidèle de chimères fabriquées par un taxidermiste. Le dispositif de présentation renvoie aux vitrines du Musée de l’Homme du milieu du XX° siècle où l’on pouvait prendre la mesure du travail quotidien, patient, méticuleux du chercheur et à l’activité de fourmi des autorités responsables de ces expositions à caractère scientifique : des petites vitrines désuètes dans lesquelles sont disposés des documents, le tout soigneusement étiqueté, daté, numéroté (cartel jauni à l’encre pâlie à côté de chaque élément exposé). Tout est là pour faire autorité, les objets et les photographies étant des pièces à conviction, des preuves de l’authenticité de la démarche et de ses résultats. L’artiste a appliqué la rhétorique mise en place par la recherche scientifique : le langage, les modes d’approche, les différentes classifications, la taxinomie, les notes, les photographies … La chimère a ainsi plus de crédit et Fontcuberta a ainsi échafaudé un dispositif fondé sur une parodie qui contient une dimension critique.


Aerofantes (éléphants volants), couple du Kenya prenant leur vol.
 Photographie de Claude A. Bromley ( 1941), document dune valeur douteuse.

Le Grand Gardien du Bien Total (coffret cathare), animal mythique (cervidé ailé ?) apparaissant pendant cinq heures tous les cents ans (photo prise dans le Sud de la France, en 1933) ; fiche considérée comme non scientifique par le Pr Ameisenhaufen.


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