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| 1- CASTAINGS Bernard Ambroise (1800-1876), Portraits stéréoscopiques de Jacob Christiann de Graaf, Paris, sans date, Collection privée W. (Allemagne). |
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PARIS EN RELIEF : HISTOIRE DE LA STÉRÉOSCOPIE
INTRODUCTION
Trois daguerréotypes stéréoscopiques, conservés dans une Collection privée (Collection W., Allemagne), offrent des portraits de membres de la Famille néerlandaise de Graaf, réalisés par "Mr. Castaings", photographe parisien (Images 1 à 3).
Le but de cet article est d'étudier ce photographe et ces trois plaques daguerriennes qui, par ailleurs, semblent les seules connues de cet artiste.
I - LE PHOTOGRAPHE : BERNARD AMBROISE CASTAINGS (1800-1876)
SAINTE-MARIE-DE-GOSSE (LANDES)
Bernard Ambroise Castaings est né le 5 mai 1800 (16 floréal an VIII) à Pinaquy, commune de Sainte-Marie-de-Gosse (Landes). Il est le dernier né (des quatre fils) de Bertrand Castaings, charpentier (1768-1854) et de Jeanne Bertrande Lesbaches (1772-1846), qui se sont mariés dans cette commune le 21 novembre 1792.
PARIS
Instituteur
Rien n'est connu de la vie de Bernard Ambroise Castaings avant la date de son mariage (acte non retrouvé), avec Thérèse Labbé (née le 17 mai 1810 à Paris, 11ème arrondissement). Les époux ne semblent pas avoir d'enfant.
Un emprunt, contracté le 23 mai 1842, par Bernard Ambroise, "instituteur", et son épouse, est cité dans plusieurs actes notariés postérieurs (rente annuelle viagère de 560 fr. ; actes des 29 mars 1846, 22 mars 1849 et 16 novembre 1859 ; Paris, Archives notariales de Charles Victor Lamy).
Cet emprunt est peut-être lié au Cabinet de lecture qu'il ouvre à cette époque (librairie-bibliothèque privée, permettant grâce à un abonnement modique du client, d'accéder à des journaux et ouvrages, à lire sur place ou à emporter). L'Annuaire Général du Commerce de 1844, situe ce dernier, boulevard Saint-Denis, 6
Bernard Ambroise Castaings cède cependant ce Cabinet de lecture dans l'année 1844, à M. Hebert (Annuaire Général du Commerce de 1845) et devient maître de pension à la rentrée scolaire d'octobre 1844.
Il acquiert en effet un externat auprès de M. François Sanglier. Il porte cependant rapidement plainte contre ce dernier, ayant "été trompé tout à la fois et sur le nombre des élèves et sur le montant des pensions payées par chaque élève". Il gagne son procès mais se voit peu dédommagé (Journal des débats politiques et littéraires du 21 février 1845).
Bernard Ambroise Castaings est à nouveau dit, "maître de pension", dans l'Annuaire Général du Commerce de 1846 puis de 1847, rue du Faubourg Saint-Denis, 65, ainsi que dans l'acte notarié du 29 mars 1846 (rente viagère).
Au début des années 1850, il tient cette fois une institution, rue de la Banque, 5.
La Société pour l'instruction élémentaire lui accorde une mention honorable pour l'année scolaire 1851-52, au titre de l'enseignement libre (Journal d'Education Populaire - Bulletin de la Société pour l'Instruction Elémentaire, juin-juillet 1852, p. 232).
Bernard Ambroise Castaings reste à cette adresse jusqu'en 1854 ou 1855 puis change d'adresse et de profession (Annuaire Général du Commerce de 1852, 1853, 1854 ; son nom est absent de celui de 1855).
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| 2- CASTAINGS Bernard Ambroise (1800-1876), Portraits stéréoscopiques de Hendrica Petronilla Berg, épouse de Graaf, Paris, sans date, Collection privée W. (Allemagne). |
Photographe
La date de sa formation à la photographie n'est pas connue mais il s'installe donc en 1854 ou 1855, comme photographe, rue du Faubourg Saint-Denis, 66 et 67 (10ème arrondissement) (Annuaire Général du Commerce de 1856).
En septembre 1856, il prend ensuite un associé :
"Suivant acte sous signature privée, fait double à Paris [chez M. Pergeaux, agent d'affaires], le dix septembre mil huit cent cinquante-six, enregistré le seize du même mois, M. Bernard-Ambroise CASTAINGS DE NOLIBOY [!], artiste en photographie et en daguerreotype, demeurant à Paris, faubourg Saint-Denis, 67, et M. Alexandre-Eléonore THIERRY, rentier, demeurant à Vaugirard, rue de Sèvres, 82 [commune qui ne sera annexée à la ville de Paris qu'en 1859], ont formé entre eux une société de commerce en nom collectif qui, aura pour objet l'exploitation de la photographie.
Cette société durera six années consécutives à partir du quinze septembre mil huit cent cinquante-six. Le siége est présentement à Paris, faubourg Saint Denis, 67. La raison sociale sera CASTAINGS et THIERRY, et les signatures des deux associés seront obligatoires pour engager la société" (Le Droit du 20 septembre 1856).
Rien n'a été découvert sur la suite de cette société mais il est probable que c'est une association financière et que M. Thierry n'exerce pas la profession de photographe.
"Castaing (sic), daguerréotypes" (Annuaire-Almanach du Commerce, de 1857 à 1861) puis "Castaing (sic), photographe" (Annuaire..., de 1862 à 1865), officie toute une décennie à cette adresse de la rue du Faubourg Saint-Denis, 67.
Cependant, c'est bien sous le nom de "Castaings" (avec le "s" final) qu'il identifie ses épreuves conservées, que ce soit au revers des trois portraits stéréoscopiques sur plaques daguerriennes étudiés, "Mr. Castaings, - Artiste Professeur" (texte imprimé) ou des deux cartes de visite sur papier connues, "Castaings - 67, Faubg. St. Denis" (tampon manuel à l'encre bleue ; Collections privées).
A l'automne 1860, "Castaings, soixante ans, photographe, faubourg Saint-Denis, 67, prévenu d'outrage à la morale publique et de publication de dessins sans autorisation", se voit condamné à quatre mois de prison et 800 fr. d'amende, pour ses photographies obscènes de sept jeunes blanchisseuses, lingères, brocheuses ou fleuristes, âgées de 17 à 21 ans (Le Droit du 11 octobre 1860).
Âgé de 65 ans, il cesse toute activité professionnelle en 1865. Après cette date, son nom n'est plus cité dans les annuaires parisiens.
Le 13 février 1876, il décède "à son domicile du quai [de] Jemmapes, 108 [10ème arrondissement], âgé de 75 ans (...), instituteur, époux de Thérèse Labbée (sic), âgée de 64 ans, sans profession". Il est inhumé, le 15 février, au Cimetière de Saint-Ouen.
Son épouse décèdera le 15 août 1882, à l'âge de 72 ans, à son domicile de la rue du Point du jour, 65 (16ème arrondissement). Elle sera inhumée, le 17 août, au Cimetière des Batignolles (17ème arrondissement).
II - LES PORTRAITS DE LA FAMILLE DE GRAAF
Description
Les trois plaques (en cuivre argenté de 17x8,5 cm environ ?), conservées en Allemagne (Collection privée W.), présentent trois personnes dont deux sont identifiées : le notaire d'Utrecht (Pays-Bas), Jacob Christiaan de Graff (Utrech 1814-Utrecht 1895) (Image 1) et Hendrica Petronilla Berg (Amsterdam 1817-Utrecht 1879) (Image 2), qui se sont mariés à Utrecht le 12 mai 1842.
Le couple ne semblant pas avoir eu d'enfant, la troisième personne, qui est une jeune femme, est potentiellement l'une des jeunes soeurs célibataires de Jacob Christiaan de Graff, Clasina Hilledonga (1830-1876) ou Johanna Berendina de Graaf (1832-1866) (Image 3).
Les trois personnes sont photographiées dans le studio du photographe Bernard Ambroise Castaings, comme le rappelle l'étiquette collée au verso de chacun des daguerréotypes stéréoscopiques :
"Rue du Faubourg-Saint-Denis, n° 67, - à côté de celle des Petites Écuries. - PORTRAITS SUR PLAQUE ET SUR PAPIER - M. CASTAINGS, ARTISTE PROFESSEUR. - se transporte à domicile après décès.".
Les trois portraits présentent, d'une manière traditionnelle, chacun des personnages assis (les deux femmes sur une chaise et l'homme sur un siège non visible), tourné de trois-quarts et cadré de près (corps coupés aux genoux, tête centrée et proche du sommet de l'image).
Il appuient leur bras droit sur une petite table, recouverte d'une nappe et placée au-devant d'un rideau. Ils sont élégamment vêtus d'habits alternant les tissus sombres et clairs.
Les femmes portent une coiffe (bonnet ou capote de soie), attachée sous le menton par un grand noeud, un châle à rayures sur les épaules et une robe à motifs géométriques. L'homme porte une veste sombre et longue (au genou), un noeud papillon large et noir sur une chemise blanche et un gilet et un pantalon clairs ; il présente obliquement, de la main gauche, une canne de marche au pommeau en ivoire.
La lumière venant de la droite et l'application discrète de couleurs illuminent les zones les plus claires : les chairs (visages et mains), une partie des tissus (vêtements, nappe, rideau) et l'or des bijoux (chaîne de montre de M. de Graff, alliance et montre au poignet de son épouse).
Il est cependant à noter que les mêmes éléments du décor, comme la nappe ou le rideau, peuvent varier de couleur d'un portrait à l'autre (homme et femmes), voire entre les deux épreuves d'un même portrait (M. de Graaf).
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| 3- CASTAINGS Bernard Ambroise (1800-1876), Portraits stéréoscopiques d'une jeune femme de la Famille de Graaf, Paris, sans date, Collection privée W. (Allemagne). |
Datation
La date du voyage en France du notaire Jacob Cristiaan de Graaf et des ses proches n'est pas connue.
Si l'on se fonde sur les renseignements qui concernent la carrière de Bernard Ambroise Castaings, ces portraits peuvent être datés entre 1854/55 et 1865.
Bernard Ambroise Castaings se dit, lors de son association en 1856, "artiste en photographie et en daguerreotype", fait la publicité pour ses "daguerréotyypes" dans les annuaires suivants puis s'y désigne comme, "photographe", dès 1862.
On serait donc tenté de dater les portraits étudiés du milieu des années 1850 mais rien ne permet de l'affirmer.
L'effet de stéréoscopie (défini dans les années 1830) s'applique aux plaques daguerriennes dès 1839. Cependant, son développement est freiné, au niveau des portraits, par de nombreuses contraintes, notamment liées à la réalisation de deux images décalées (réalisées successivement par le même appareil ou, parfois, simultanément par deux appareils) et aux longs temps de pose.
Si certains photographes se spécialisent dans les portraits stéréoscopiques sur plaques daguerriennes dès le milieu des années 1840, il faut cependant attendre l'invention du premier objectif binoculaire, en 1850, pour voir se développer ce genre.
Le succès populaire des portraits stéréoscopiques s'accroît dans les années suivantes mais l'usage du collodion albuminé, qui dès lors favorise la photographie sur verre puis sur papier, entraîne la disparition progressive des plaques daguerriennes.
L'Exposition Universelle de Paris en 1855, marque le net recul du daguerréotype, sauf pour les épreuves stéréoscopiques auxquelles certains artistes vont rester fidèles pendant plusieurs années encore.
"Le portrait stéréoscopique est en ce moment en vogue (…). Réussi comme épreuve [effets de relief] et intelligemment colorié, le portrait stéréoscopique a un charme sans égal" (Eugène Disdéri, Panthéon de l'Industrie, 1855, p. 22).
"Le daguerréotype sur plaque est bien abandonné aujourd’hui et n’a qu’un petit nombre de représentants à l’Exposition, en Angleterre, en France et aux États-Unis ; quelques-uns ont cependant envoyé des plaques où l’on retrouve poussées à leur perfection toutes les qualités du genre. Ce sont principalement des portraits ou des épreuves stéréoscopiques" (Gazette Nationale du 26 octobre 1855).
À l’Exposition de Paris de 1861, "la photographie l’emporte tellement sur la daguerréotypie que celle-ci est à peu près abandonnée" (Le Sémaphore de Marseille du 5 septembre 1861).
"Le daguerréotype, malgré la perfection à laquelle il était arrivé présentait cependant encore de grands inconvénients, le miroitage de la plaque, l’impossibilité de reproduire avec un premier type un nombre indéfini d’épreuves, le prix élevé des épreuves..." (Le Temps du 22 octobre 1861).
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