lundi 25 mars 2024

1336-NICE, UN PORTRAIT DE LA FAMILLE CABRIÉ (1870)

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


1- BIENMÜLLER Wilhelm (1819-1878), Portrait de la famille Cabrié, 1870,
tirage albuminé de 5,7x9,3 cm, sur carton de 6,4x10,5 cm, Collection personnelle.



LA PHOTOGRAPHIE


Dernier achat en date, une photographie au format Carte de visite (Image 1 ci-dessus) présentant un Portrait de famille et affichant :

- les références (imprimées) du photographe, "W. Bienmüller, Phot." (au recto) et "Photographie - W. Bienmüller - Mention Honorable - Rue Gioffredo, 7, - Nice" (au verso),

- les noms des personnes photographiées et l'année de prise de vue (inscriptions manuscrites au verso) : "Louis Cabrie (sic) 34 ans - et ses filles - Virginie 10 ans 1/2 - Alexandrine 8 ans - 1870".

Les mentions manuscrites portées au verso des photographies sont toujours soumises à caution. L'auteur en est parfois le photographe, la personne photographiée, l'un des parents ou amis de ce dernier, leurs descendants ou encore l'un des collectionneurs à qui a appartenu la photographie.

Dans le cas présent, il ne semble pas que ces écritures soient de la main de Louis Cabrié mais les autres hypothèses sont envisageables dont celle du photographe.

Wilhelm Bienmüller (Lüdenscheid 1819-Nice 1878) s'est installé à Nice à l'automne 1867 et son atelier a pris l'adresse de "rue Gioffredo, 7", dès l'automne 1868. 

Dans l'atelier du photographe (image 1), la famille Cabrié pose dans un décor végétal constitué de fausses herbes et de plantes en pots, devant une balustrade et un fond de grande peinture murale représentant un parc aux grands arbres se détachant sur un ciel nuageux.



LA FAMILLE CABRIÉ JUSQU'EN 1870


Louis Cabrié et ses filles

Les recherches généalogiques permettent de confirmer les âges énoncés en "1870" :

"Gabrié (sic) Joannes Baptista Aloysius" [acte en latin], est l'un des enfants de Cabrié/Gabrié Josephino/Josepho et de Mascarelli Francisca (qui se sont mariée à Nice, à l'église Saint-Jacques, le 6 octobre 1833). Il est né le 9 mars 1836 et a été baptisé à l'église Saint-Jacques de Nice le 13 mars suivant.

"Giovanni Battista Cabrié" [acte en italien sans son troisième prénom], fils de Giuseppe Cabrié et de Francesca Mascarelli, épouse à l'âge de 22 ans, le 27 juin 1858, Genoveffa Guis, à la cathédrale Sainte-Réparate de Nice.


"Cabrié Giovanna Francesca Giuseppina Virginia" [acte en italien], fille de "Cabrié Giovanni Battista Luigi", commis de commerce et de son épouse, "Guis Genoveffa", sans profession, est née à Nice, le 2 novembre 1859. Elle a été baptisée, le 5 novembre 1859, à l'église Saint-Jacques, avec pour parrain son grand-père paternel "Cabrié Giuseppe", boulanger, et pour marraine sa tante maternelle, "Guis Virginia", modiste.


"Cabrié Françoise Fortunée Alexandrine" [acte en français], fille de "Cabrié Louis, commis de commerce, 25 ans" et de son épouse "Guis Geneviève, modiste, 23 ans", est née, à Nice, le 8 janvier 1862, rue du Gouvernement, 2.


Geneviève Guis, épouse Cabrié

L'absence, sur la photographie, de Genoveffa/Geneviève Guis, épouse de Louis Cabrié et mère des deux fillettes, interroge.

"Ghis (sic) Maria Rosa Aloysia Genoveffa" [acte en latin], est l'une des enfants de Guis/Ghis Fortunatus [négociant] et Maria Adelaides Scoffier/Scoffié [propriétaire] (qui se sont mariés à Bonson, Alpes-Maritimes, le 20 mai 1829). Elle est née à Nice le 28 février 1837 et a été baptisée le 3 mars suivant à la cathédrale Sainte-Réparate. 

"Genoveffa Guis", fille de Fortunato Guis et d'Adelaide Scoffié (sic), âgée de "20 ans" [21 ans], épouse, le 27 juin 1858, Giovanni Battista Cabrié, à la cathédrale Sainte-Réparate.

Geneviève est absente de la photographie de 1870 car elle est malheureusement décédée à Nice, à "32 ans", le 7 février 1870. Elle sera inhumée, le 9 décembre suivant, dans un tombeau nouvellement érigé par son mari au Cimetière de Cimiez (Images 3 et 4 en fin d'article).  

La date précise de la photographie étudiée, de peu postérieure à ce décès, reste inconnue mais peut être approximativement située vers avril-mai 1870, du fait de la mention de l'âge de Virginie, "10 ans 1/2" (née en novembre). Une prise de vue lors des mois suivants aurait en effet entraîné la mention de l'âge de 8 ans 1/2 (au lieu de "8 ans") pour Alexandrine (née en janvier).

Le regard porté sur la photographie est différent lorsque l'on a connaissance de ce décès. Le père (34 ans) est au milieu de ses filles. A gauche de l'image, Alexandrine a le regard triste, tient un livre (saint ?), porte un chapelet autour du cou et est entourée par le bras droit de son père. De l'autre côté, se tient Virginie qui s'accroche à l'autre bras de son père et porte une chaîne avec une croix autour du cou (Image 2 ci-dessous).


2- BIENMÜLLER Wilhelm (1819-1878), Portrait de la famille Cabrié, détail, 1870,
tirage albuminé de 5,7x9,3 cm, sur carton de 6,4x10,5 cm, Collection personnelle.




LA FAMILLE CABRIÉ APRÈS 1870


Louis Cabrié

Louis Cabrié ne se remariera pas. Il continuera son travail de commerçant et aura le plaisir de marier ses deux filles et de connaître ses petits-enfants.

Il décédera à Nice, à son adresse du 5, rue Rothschild, le 17 juillet 1906, à l'âge de "71 ans" [70 ans] et sera inhumé dans le caveau familial de Cimiez, auprès de son épouse (1839-1870) et de ses parents, Joseph (c.1810-Nice 22 août 1878) et Françoise (c.1811-Nice 19 avril 1895) (Images 3 et 4 ci-dessous).


Virginie Cabrié

"Jeanne Françoise Joséphine Virginie Cabrié", l'aînée des filles de Louis et Geneviève Cabrié, sans profession, épousera à Nice, à l'âge de 22 ans, le 2 octobre 1882, Marius François Honoré Disdier, avocat à Nice, 28 ans (né à Fréjus, Var, le 21 avril 1854).

Leur adresse niçoise sera rue Masséna, 34 dans les années 1880 puis rue Foncet, 14, des années 1890 aux années 1930. 

Le nom de Marius Disdier (77 ans), ancien bâtonnier des avocats, disparaitra cependant des annuaires niçois en 1933.

Les époux ne semblent pas avoir eu d'enfants et ne semblent pas avoir été inhumés à Nice.


Alexandrine Cabrié

La cadette, Alexandrine Cabrié, sans profession, épousera à l'âge de 19 ans, le 30 avril 1881, Georges Gustave Hénin, 28 ans, employé d'académie (né à Paris le 5 janvier 1853). 

Elle partira vivre à Paris avec son mari où naîtront leurs deux filles : Geneviève Pauline Marie Louise Hénin (née dans le 6éme arrondissement le 15 mars 1882) et Marie Juliette Félicie Ursule Berthe (née dans le 19éme arrondissement le 20 août 1892).

Alexandrine reviendra vivre à Nice avec ses filles, probablement entre le décès de son mari (en 1895) et celui de son père (en 1906), tout d'abord dans la maison paternelle du 5, rue Rothschild.

 

- Sa fille Geneviève Pauline Marie Louise Hénin épousera, à Nice, à l'âge de 25 ans, le 9 avril 1907, Augustin Amédée Trouiller, attaché de Banque, domicilié à Nice et légalement à Bourgoin (Isère), 30 ans (né à Romans-sur-Isère, Drôme, le 1er février 1877). 

Le couple vivra à Nice et aura trois enfants dans les années 1910, les deux premiers avenue Depoilly, villa Faidherbe , et le troisième, quai du Midi, 93. 

Augustin Trouiller sera dit vice-consul de Suède en 1915 puis agent d'assurances, rue Hérold, 47 en 1918. 

La famille déménagera après la Première Guerre mondiale à Valence (Drôme) et les enfants s'y marieront.


- Sa fille Marie Juliette Félicie Ursule Berthe Hénin, sans profession, épousera à Nice, à l'âge de 26 ans, le 22 août 1918, Achille Joseph François Félix Olmi, avocat, 24 ans (né à Nice le 6 décembre 1893). 

Leurs deux enfants, feront une partie de leur vie à Nice puis à Paris. 


Alexandrine Cabrié, veuve Hénin, décédera à Nice à l'âge de 85 ans et sera enterrée dans le caveau familial de Cimiez (Nice 8 janvier 1862-Nice 23 octobre 1947). Sa fille Berthe l'y rejoindra à 89 ans (Paris 20 août 1892-Nice 12 juin 1982).


3- Tombe de la Famille Cabrié,
Nice, Cimetière de Cimiez, Carré Corporandi, Emplacement 107.
Photographie numérique couleur mars 2024.
Les inscriptions sont très effacées. 
Deux membres de la Famille Castelli (Guis-Véran) sont cités : 
Dmque Castelli (1862-1942) et C. Castelli (1888-1968). 
Les renseignement généalogiques récoltés ont été transmis aux descendants de ces familles.


4- Tombe de la Famille Cabrié, détail du socle de la croix,
Nice, Cimetière de Cimiez, Carré Corporandi, Emplacement 107.
Photographie numérique couleur, mars 2024.




lundi 18 mars 2024

1335-NICE, L'HÔTEL VICTORIA DU JARDIN DES PLANTES (1846-1855)


SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


1- Détail du Plan de Nice de L'Indicateur Niçois pour 1847,
Nice, Archives Départementales des Alpes-Maritimes.

Ajout du chiffre 1 pour indiquer l'emplacement de l'Hôtel Victoria.
Noter le plan en "T inversé" des bâtiments avec un alignement sud encore inachevé du côté oriental et un alignement perpendiculaire ouest-est. La répartition exacte des bâtiments entre les hôtels reste inconnue mais les images conservées du milieu du XIX° siècle montrent, sur la façade sud, l'enseigne de l'Hôtel Victoria au centre, et celle de la Pension Anglaise du côté ouest, dans la partie la plus ancienne.


DERNIÈRE MISE À JOUR DE CET ARTICLE : 25/03/2024


MERCI À OLIVIER GAGET POUR SA CONTRIBUTION



GIOVANNI ZICHITELLI 


Maria Giovanni Zicchitella/Zicchitelli/Zichitelli/Zichitelly est né à Palerme (Sicile) le 11 novembre 1806. Il est l'un des enfants de Giovanni Antonio Zicchitella et de Concepta/Concezione Giovenco (tous deux nés dans les années 1780 et décédés avant 1855, et probablement avant 1845, à Palerme).

Giovanni Zichitelli devient père, à l'âge de 14 ans, d'une enfant prénommée Maria Matilda, née à Turin vers 1820. La mère est Domenica Giacint(t)a Scavini/Scavino, alors âgée de 20 ans (née à Turin en 1800). 

Le couple se marie ensuite et semble avoir deux autres filles, Angelina et Vittorina qui naissent dans les années 1820 et 1830 (à Turin ou Palerme ?).

Au milieu des années 1840, Giovanni/Gioanni/Jean Zichitelli vient s'installer à Nice avec sa femme, ses filles et au moins l'une de ses sœurs, Birgitta/Brigieda (née à Palerme c.1823) (ses filles et sa sœur se marieront à Nice dans les années suivantes).

Il ouvre, en 1846, l'Hôtel Victoria.


2- Détail de la première publicité pour l'Hôtel Victoria de Nice, 
parue dans le Galignanis's Messenger [Paris] du 2 septembre 1846, 
Paris, BnF (Gallica).



L'HÔTEL VICTORIA


Le Site

Les locaux de l'Hôtel Victoria sont loués dans le quartier de la première Buffa ou Croix-de-Marbre, près du quartier anglais, entre la route de France et le Pont-Neuf qui relient ce faubourg à la vieille ville.

Proche de l'embouchure du Paillon et de la mer, ce nouveau quartier, aux constructions récentes et encore incomplètes (années 1830 et 1840), encadre sur deux côtés une vaste étendue nue au passé marécageux, la place du Jardin des Plantes, sujette aux coups de mer et aux inondations subites du Paillon (Image 1 en tête d'article).

Le bâtiment choisi, au nord de cette place, offre un long alignement de plusieurs maisons accolées, aux façades plein sud, bâties entre 1834 et 1844, avec notamment d'ouest en est, les Maisons Asso et Visquis (Image 1 ci-dessus). La Maison Trabaud va s'ajouter à l'extrémité orientale de l'alignement en 1847 (Nice, Archives Municipales, O 4/5-232 ; O 4/8-103 ; O 4/11-17).

Du côté occidental, existe déjà l'Hôtel de la Pension Anglaise, tenu par l'Anglais Ferdinand Guarducci. Ouvert dans le premier quart du XIX° siècle (entre 1812 et 1825), au faubourg de la Croix-de-Marbre, l'hôtel a ensuite déménagé, vers fin août 1837, "rue du Jardin des Plantes", dans la Maison Asso (érigée en 1836-1837), et a ouvert en fin d'année (première publicité connue de janvier 1838).


L'Ouverture de l'Hôtel Victoria

Giovanni Zichitelli installe l'Hôtel Victoria dans les maisons voisines de l'Hôtel de la Pension Anglaise et annonce son ouverture par une publicité du 2 septembre 1846 :

"Hôtel Victoria, - Tenu par Giovanni Zichitelli (Image 2 ci-dessus). Cet établissement est très bien situé. Il est exposé plein sud, avec vue sur la mer et les îles corses, et se trouve dans le faubourg de la Croix de Marbre, au centre des promenades publiques" (traduction de la publicité parue dans Galignanis's Messenger [Paris] à partir du 2 septembre 1846 - Paris, BnF, Gallica - et dans Allgemeine Zeitung [München] du 9 octobre 1846 - Google Books).

Le Parisian Bell du 1er janvier 1847 le signale ensuite : "Nice - Hôtel Victoria, tenu par M. Zichitelli, est très bon et pas cher" (Paris, BnF, Gallica ; texte traduit de l'anglais). 

Lors de la saison suivante, la nouvelle publicité pour l'hôtel permet d'apprendre que Giovanni Zichitelli est "cuisinier" de formation, ce qui éclaire un peu sa carrière antérieure :

"Nice. Hôtel Victoria. Tenu par Giovanni Zichitelli. Cet hôtel a été ouvert la saison dernière et a été aménagé avec le plus grand soin pour le confort et la commodité des voyageurs. Il est situé dans l'une des meilleures situations de Nice, avec une vue sur le sud, et ouvert sur la mer. Le propriétaire, qui est un cuisinier professionnel, dirige lui-même la cuisine. Table d'Hôte, grands ou petits appartements, grand salon pour bals ou concerts, remise, écuries, & C." (texte en anglais paru dans le Galignani's Messenger du 30 octobre 1847).

L'Indicateur Niçois le cite en 1847 (p 150) puis en 1848 (p 180) : "Hôtel Victoria, Zichitelli Jean [prénom francisé], place Jardin des Plantes" (l'hôtel sera plus rarement cité "quai du Pont-Neuf") (Nice, Archives Départementales des Alpes-Maritimes).

Les trois premières saisons, l'Hôtel fonctionne entre septembre et mai, fermant de juin à août mais, à partir de 1849, Giovanni Zichitelli gère désormais un autre établissement pendant la saison estivale (à 10 h de route de Nice) :

"Etablissement d'été - Maison de plaisance et de bains A Saint Dalmas (près de Tende), sur la route de Nice à Coni (...). L'Établissement sera ouvert à dater du 1er Juin jusqu'au 30 Septembre. Le prix relatif au Logement et à la Table sont fixés de la manière la plus économique. Chambre, Déjeuner à la fourchette ; The ou Café, Dîner : 5 F. Pour le service : 50 cent. Les Enfants au-dessous de 9 ans ne payeront que 3 F. Les Domestiques: 2 F. 50" (texte paru en français dans la Gazzetta del Popolo du 22 mai 1849 - Google Books).


Le Jardin des Plantes

A partir de mars 1851, le "Jardin des Plantes" ou "Jardin Public", envisagé depuis les années 1820 et relancé au début de chacune des deux décennies suivantes, commence enfin à être aménagé par la municipalité au cœur de la place qui porte déjà ce nom. Les plantations vont s'y multiplier et s'y développer dans les quatre années suivantes et la place va être sécurisée, faisant de ce lieu le "plus beau quartier de la ville" (Image 3 ci-dessous).


3- FERRI Gaetano (1822-c.1896), dessinateur et BENOIST P. (1813-c.1905), lithographe, 
Nice, Vue du Jardin des Plantes, vers 1851,
vue sud-ouest/nord-est, lithographie en couleurs, 26,8x48,4 cm 
(source de l'image, ratatoulha.chezalice.fr, ici).

L'Hôtel Victoria, situé au nord du Jardin des Plantes, affiche son enseigne sous les fenêtres
 du dernier niveau du bâtiment central, dans l'axe du grand fronton triangulaire percé d'un oculus.
La parution de cette lithographie est signalée dans la Bibliographie de la France du 24 janvier 1852 (p 44). 
La vue montre le projet (fin 1850-début 1851) du nouveau jardin. Les travaux d'aménagement sont entamés dès mars 1851 mais le bassin n'est mis en eau qu'à l'automne et le Groupe sculpté des Tritons qui devait le dominer ne rejoindra pas l'emplacement prévu.



Situé au pied de l'Hôtel Victoria, ce jardin devient, dés 1851, un nouvel atout pour attirer la clientèle, non seulement pour la vue de sa végétation mais également pour sa proximité offrant aux familles et aux malades, un lieu de repos, de lecture, de bien-être (bassin, ombre), d'observation des plantes, de rencontres, de promenades et de jeux en plein-air pour les enfants :

"Nice, Hôtel Victoria, Tenu par Zichitelli. Cet hôtel se recommande aux voyageurs de marque par son excellente situation, plein sud, en face du Jardin des Plantes, et sa vue sur la mer" (texte en anglais paru dans le Galignani's Messenger dès le 19 novembre 1851).

L'hôtel est dans une situation climatique parfaite, ensoleillée et abritée du vent : "La ligne des maisons de l'hôtel Victoria, et de la Pension Anglaise tournant à un angle obtus du cours du Paglion (...) serait une des meilleures positions pour tout l'hiver" (Edwin Lee, Nice et son climat, 1851 p 106 - Google Books). 

"En outre, ajoutent les Guides de Voyage anglais dès 1852, l'hébergement est de premier ordre, les vins excellents et la fréquentation est bonne" (Bradshaw's Guides - Google Books), "l'hébergement est de qualité supérieure et adapté à la noblesse, aux familles ou aux voyageurs seuls" et l'hôtel est "recommandé pour sa propreté, sa cuisine et ses prix modérés" (Murray' s Handbooks - Google Books).


Le Projet de Transfert

Cette même année 1852, Giovanni Zichitelli envisage cependant de déménager son hôtel à un emplacement encore meilleur mais la rumeur enfle et doit être démentie : 

"Des personnes mal intentionnées ont fait circuler une rumeur selon laquelle l'hôtel Victoria, à Nice, n'était plus tenu par M. Zicchitelli (sic). Ces rumeurs sont totalement dénuées de fondement. M. Zicchitelli continue à gérer cet établissement à la grande satisfaction de tous les étrangers de marque qui l'honorent de leur confiance. 

Les étrangers sont priés de ne pas accorder de crédit aux informations données par des individus qui font profession de donner des cartes aux visiteurs à leur arrivée" (texte en anglais paru dans le Galignani's Messenger du 11 décembre 1852).

Au début des années 1850, des concerts ont lieu dans le grand salon de l'Hôtel Victoria (Gazette Musicale de Paris du 10 avril 1853 p 128 et du 18 février 1855 p 55 - Google Books ; L'Avenir de Nice du 30 mars 1854).

Il est à noter qu'un autre "Hôtel Victoria", tenu cette fois par Jean-Baptiste Vassalo, s'ouvre, à quelques kilomètres à l'est de Nice, à St-Jean (près St-Hospice) au début de l'année 1852.

En 1851 au plus tard, Giovanni Zichitelli a cessé de gérer la Maison estivale de bains et de plaisance de St-Dalmas, son successeur étant Jean-Baptiste Cabasse, qui tient l'Hôtel de l'Europe à Nice, au faubourg de la Croix-de-Marbre (depuis 1830). 


L'Attrait de la Promenade des Anglais

La Promenade des Anglais, qui longe le bord de mer à partir du Jardin des Plantes, est très fréquentée (Image 1 en tête d'article). Elle est sécurisée et doublée de largeur en 1853 et son prolongement vers l'ouest, jusqu’à l’embouchure du Magnan, semble se préciser (il ne sera réalisé qu'en 1856).

Jean Zichitelli prend la décision d'y déménager son hôtel. Début 1854, il pense tout d'abord à la position du "jardin Serrat, où s'élève une grande maison neuve" près de l'entrée orientale de la Promenade mais finit par choisir, "le grand Hôtel nouvellement construit par M. Féraud, qui tient déjà le bel Hôtel Paradis (...) du boulevard du Midi", situé plus à l'ouest, au vallon de Saint-Barthélemy (Pierre Cauvin, Cicerone pour l'Etranger de Nice et ses environs, 1855 pp 82-83 ; Google Books).

Au printemps 1854, un accord est trouvé avec Joseph Féraud et l'hôtel en construction est réservé pour l'installation du nouvel Hôtel Victoria dès l'achèvement des travaux, prévu en 1855. 

L'Hôtel Victoria du Jardin des Plantes cède dès lors la partie supérieure de ses locaux à l'Hôtel de la Grande-Bretagne tenu par Enrico/Henry Brezzi, qui s'y installe et fait son ouverture le 15 mai 1854. 

Les deux hôtels vont coexister pendant un an, l'enseigne de l'Hôtel de la Grande-Bretagne prenant la place de celle de l'Hôtel Victoria et cette dernière étant déplacée sur le balcon du premier étage (Image 4 ci-dessous).

"Nice - Hôtel Victoria - J. (sic) Zicchitelli (sic) tient à informer les étrangers qui visitent Nice que son hôtel reste ouvert pendant l'été" (texte en anglais paru dans le Galignani's Messenger du 21 mai 1854).

En septembre, le maître d'hôtel fait paraître de nouvelles publicités pour la saison d'hiver : "Nice. Hôtel Victoria, Tenu par Zichitelli, demande respectueusement aux familles de distinction de lui accorder leur confiance, comme suit. Table d'hôte - Repas servis dans les appartements privés - Grands et petits appartements" (texte en anglais paru dans le Galignani's Messenger du 24 septembre 1854).


4- Photographie anonyme, Nice, Vue du Jardin des Plantes, début 1855, 
vue est-ouest, prise depuis la rive gauche, dans l'axe de la rue Saint-François-de-Paule,
 tirage albuminé de 30x42,5 cm, 
Nice, Archives Départementales des Alpes-Maritimes, 10 FI 5341.

Cette photographie est l'œuvre d'Édouard Baldus (1813-1889) ou du marquis Henri Charles Emmanuel de Rostaing (c.1826-1885). Elle montre la coexistence des enseignes de l'Hôtel de la Pension Anglaise, de l'Hôtel de la Grande-Bretagne et de l'Hôtel Victoria.

"En tournant pour rejoindre le quai Masséna, la place du Jardin-Public montre les façades de : l'hôtel de la Pension Anglaise, succursale de l'hôtel des Etrangers que M. Schmitz s'est adjointe afin de pouvoir offrir la vue de la mer aux voyageurs qui en font la demande (...) ; l'hôtel Victoria, tenu par M. Zichitelli, sans contredit l'un des plus beaux et des meilleurs hôtels de Nice, et à ce titre justement réputé ; l'hôtel de la Grande Bretagne, tenu par M. Brezzi (...) ; et deux autres maisons dont la dernière fait l'angle de la rue Paradis" 
(Pierre Cauvin, Guide du Commerce, Indicateur Niçois [vol. 1]
 suivi du Cicerone de l'Etranger [vol. 2], 1855, vol. 2 pp 82-83 - Google Books)


L'Hôtel Victoria quitte définitivement la place du Jardin des Plantes en juin 1855 et réalise son ouverture sur la Promenade des Anglais, le 3 octobre 1855, avec un établissement haut de gamme et des prix élevés (Image 5 ci-dessous).

"Nice. Hôtel Victoria. Cet hôtel bien connu et réputé a été déplacé sur la Promenade des Anglais. Grands et petits appartements, tous nouvellement meublés. On y trouve toutes les commodités. Le prix pour une personne seule est de huit francs et demi par jour : petit déjeuner, dîner et thé à la table d'hôte, chambre, éclairage et service compris" (texte en anglais paru dans le Galignani's Messenger du 31 octobre 1855).



5- BALDUS Édouard (1813-1889) ou DE ROSTAING Charles Emmanuel (c.1826-1885),
 détail de la Vue de Nice prise du Château, début 1856,
épreuve sur papier salé, 26x19 cm, 
Archives nationales hongroises, P_240-1-r-11-N°12.

Ajout de chiffres pour indiquer les emplacements de l'Hôtel Victoria, 
au Jardin des Plantes puis sur la Promenade des Anglais.



ÉPILOGUE


Les aventures de Jean Zichitelli et de l'Hôtel Victoria ne s'arrêtent pas là. L'Hôtel Victoria de la Promenade des Anglais rencontre un succès immédiat et durable, les souverains et nobles européens y multipliant les séjours. 

Suite à l'Annexion française du Comté de Nice en 1860, Jean Zichitelli demande la naturalisation française mais ne l'obtient pas.

L'épouse de Jean Zichitelli, Giacinta, âgée de 63 ans, décède malheureusement le 5 septembre 1863. 

Jean Zichitelli rencontre ensuite, en 1865, Joséphine Marie Gauc, domestique (née à Nice le 26 novembre 1833). Cette dernière lui donne une fille, Angeline Honorine, qui nait à Nice, le 18 février 1866. 

Dans les années 1860, Jean Zichitelli acquiert un terrain à l'est de la ville, près du Port, sur le Mont-Boron, et y fait construire une première "Villa Victoria" (1861-1862). C'est ensuite, au nord de la ville, sur la colline de Carabacel, chemin Saint-Charles, qu'il fait ériger "une Villa et un Pavillon Victoria" (1864-1865).

Suite à un incendie dans l'Hôtel Victoria, lors de la nuit du 16 au 17 décembre 1867, aux dégâts importants engendrés et aux procès qui en découlent, Jean Zichitelli transfère cependant son hôtel, dès l'année suivante. 

C'est dans le quartier de Carabacel, à proximité de sa propriété du chemin Saint-Charles, qu'il ouvre, en septembre 1868, son nouvel "Hôtel et Pension Victoria". Ce dernier, qui comprend 100 chambres de maître et quinze salons, est situé rue Pinchienati/Penchienatti, près du Paillon et de la passerelle qui mène à la place Napoléon (actuelle place Garibaldi).

Après une seule saison, il met cependant en vente le bâtiment (en mai 1869) puis le mobilier (en août 1869) et prend ensuite sa retraite. 

Il épouse à Nice, le 23 février 1870, Joséphine Marie Gauc et légitime leur fille.

Jean Zichitelli, âgé de 65 ans, décède à Nice, le 7 mars 1872, dans son "Pavillon Victoria" de la colline de Carabacel.

En 2024, à l'emplacement de l'ancien Hôtel Victoria du Jardin des Plantes, se trouve désormais l'Hôtel Le Victoria (Maison Albar Hotels), au 6, avenue de Suède. 

A l'emplacement de l'ancien Hôtel Victoria de la Baie des Anges, c'est l'Hôtel West-End qui occupe aujourd'hui le n° 31, de la Promenade des Anglais. 



BIBLIOGRAPHIE ET SITOGRAPHIE


Sur l'Histoire de l'Hôtel Victoria du Jardin des Plantes et de la Promenade des Anglais, voir notamment :

- Olivier Gaget, Chronique de l'Hôtel West-End - Du Victoria aux années 1980 [Inédit].

- Nice Historique, 2012, n° 4 [En ligne], Le quartier anglais de la Croix-de-Marbre.

- Alain Bottaro, "La villégiature anglaise et l’invention de la Côte d’Azur", In Situ [En ligne], 24 | 2014.

- Dossiers de l'Inventaire Région Sud Provence-Alpes-Côte d'Azur  [En ligne] - Nice, Hôtel de voyageurs de la Pension Anglaise ; Hôtel de voyageurs dit successivement Hôtel Victoria puis Hôtel de Rome puis Hôtel West-end.

- PSS Archi [En ligne] - Nice, Maison Albar Hôtel Le Victoria ; Hôtel West End.

- ArtPlastoc [En ligne] - Nice, Histoire et Représentations du Jardin Public ; La Promenade des Anglais.