vendredi 2 septembre 2022

1258-"NICE ET SAVOIE" : DE QUAND DATENT LES VUES DE NICE ?

 

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 1 - BENOIST Félix (1818-1896), CICERI Eugène (1813-1890) et BAYOT Adolphe Jean Baptiste (1810-1871), Port de Nice (Vue prise à la hauteur de l’ancien Château), lithographie en couleurs d'environ 24x32 cm sur feuillet de 34x49 cm, extraite de l'ouvrage, Nice et Savoie, t. II, vol. 3, Henri Charpentier Imprimeur-Editeur, Paris et Nantes, 1864, Bibliothèque Municipale de Grenoble, Mj. 124 (Gallica). 

Contrairement à ce qui est indiqué dans la Table des planches de l'ouvrage, cette vue ouest-est est la première des vues de la ville de Nice. Elle montre la partie orientale de la ville avec l’entrée du Port (avec de nombreux bateaux à voile et quelques steamers), le quartier du Lazaret et le Mont-Boron avec le Château de l’Anglais ou Château Smith.


DERNIÈRE MODIFICATION DE CET ARTICLE : 09/09/2024


 

LES DESSINS ET LITHOGRAPHIES DE PAYSAGE 

 

Les techniques de la lithographie sont très répandues en France dans le second tiers du XIX° siècle. Elles permettent de diffuser en de multiples exemplaires la reproduction d’un dessin original et sont particulièrement adaptées à l’illustration d’ouvrages invitant au voyage. 

Il convient cependant de distinguer deux dates d’exécution, celle du dessin originel puis, avec un écart plus ou moins grand dans le temps, celle de la lithographie, suivie par son édition et mise en vente, voire sa réédition. Dans le cas de l'édition d'un album réunissant des lithographies et des textes, il y a lieu de s'interroger également sur la date de rédaction des textes.

L’artiste peut exécuter plusieurs dessins des mêmes lieux, en changeant ou non de point de vue, et cela le même jour ou à plusieurs mois ou années de distance, sur place et/ou d’après photographies.

Il peut ensuite modifier ses croquis par l’ajout de détails, d’effets de textures, d’ombres, voire de couleurs et ajouter des personnages pour donner vie et échelle à l’ensemble et mieux rendre compte des activités du lieu et des costumes régionaux. Enfin, il peut réaliser, d’après ses dessins, des aquarelles ou gouaches, voire des peintures à l’huile, tout ceci expliquant parfois l’existence de vues très semblables mais non identiques et plus ou moins décalées dans le temps.

Lors de l’étape lithographique, des modifications et ajouts peuvent être à nouveau réalisés, notamment au niveau des personnages présents mais également au niveau des couleurs. C’est l’auteur qui peut corriger son propre dessin ou un lithographe spécialisé dans le détail des personnages du premier plan. Quand elle est possible, la confrontation entre le dessin original et la lithographie éditée révèle ainsi les modifications effectuées [Image 9].

La dénomination de "dessin d’après nature" rend davantage compte de la fidélité aux lieux et à l’époque qu’à la réalité d’un moment saisi sur place. Le dessin d’après photographie est d’ailleurs considéré comme exécuté "d’après nature". 

Les personnages représentés sur le dessin original et la lithographie finale sont de plus intégrés à la composition d’ensemble et échelonnés dans l’espace pour évoquer les différentes catégories sociales, leurs vêtements et activités. Les personnages du premier plan offrent ainsi une grande diversité de postures, de détails et de couleurs, tous éléments qui s’estompent avec l’éloignement.

Les architectures peuvent être seulement évoquées par leur silhouette approximative ou bien représentées avec un rare degré de précision (hauteur des bâtiments, nombre de baies, modénature). Il en va de même pour le détail du mobilier urbain ou des plantations. Une série de lithographies échelonnées dans le temps peut donc permettre de révéler l’évolution des lieux et inversement, une ou plusieurs lithographies peuvent être datées grâce à leur fidélité aux lieux.


 2 - BENOIST Félix (1818-1896), CICERI Eugène (1813-1890) et BAYOT Adolphe Jean Baptiste (1810-1871), Nice (Vue prise à la hauteur de l’ancien Château), lithographie en couleurs d'environ 24x32 cm sur feuillet de 34x49 cm, extraite de l'ouvrage, Nice et Savoie, t. II, vol. 3, Henri Charpentier Imprimeur-Editeur, Paris et Nantes, 1864, Bibliothèque Municipale de Grenoble, Mj. 124 (Gallica). 

 Cette vue générale est-ouest, montre la partie occidentale de la ville, avec au tout premier plan l’ancienne Pension Clerissy (dont la Tour Bellanda) puis le quartier des Ponchettes, le boulevard du Midi, l’embouchure du Paillon et la Promenade des Anglais longeant la Baie des Anges et l’ensemble de la ville implantée sur les deux rives du Paillon.


 

LES LITHOGRAPHIES DE L’OUVRAGE NICE ET SAVOIE

 

Les lithographies hors-texte sont celles de l’ouvrage de :

- Joseph Dessaix [1817-1870] et Xavier Eyma [1816-1876], Nice et Savoie, Sites pittoresques, Monuments, Description et Histoire des départements de la Savoie, de la Haute-Savoie et des Alpes-Maritimes (ancienne province de Nice) réunis à la France en 1860précédé d'une Introduction par Alexis de Jussieu [1827-1899], 3 tomes en 2 volumes, grand in-folio, par Henri Charpentier [1806-1882], Imprimeur-Editeur à Paris et Nantes, 1864 (138 fr.).

"Les vues, choisies avec un grand tact artistique, ont été dessinées d'après nature avec beaucoup de talent et une exactitude que nous pourrions dire égale à celle de la photographie, puis traduits sur la pierre par des artistes aimés du public et qui ont fait leurs preuves. Le texte descriptif qui les accompagne a été confié à la plume exercée d'écrivains pris sur les lieux [Joseph Dessaix pour la Savoie et Xavier Eyma pour Nice]" (Joseph Dessaix, Avant-propos, Tome I pp 1-2).

Les auteurs 

L'ouvrage contient 92 planches dont 2 frontispices et 2 cartes. Seules les vues de Nice vont être étudiées ici, extraites de la "Troisième Partie" de l’ouvrage (2ème volume, Tome III).

Le frontispice de cette partie affiche, "Dessins d’après nature par Félix Benoist, lithographiés à plusieurs teintes (genre aquarelle) par les premiers artistes de Paris". Ces lithographes sont parfois Jules Gaildrau (1816-1898), Léon Sabatier (?-1883) ou Félix Benoist lui-même (1818-1896) mais le plus souvent, Eugène Ciceri (1813-1890) et Adolphe Jean Baptiste Bayot (1810-1871).

Alors que les références de l'éditeur sont indiquées sous l'image à gauche, "Nantes, lith Charpentier, Edit-Paris, quai des Augustins, 55", le nom des auteurs est précisé à droite, avec pour les vues de Nice : "Félix Benoist del. [delineavit, a dessiné] Eug. Ciceri lith. Fig. par Bayot [personnages du premier plan]". 

Parmi les dessins originaux du Comté de Nice conservés, exécutés par Félix Benoist, certains comportent, au-delà du titre, des indications destinées au lithographe. Ainsi la vue intitulée, "Un sentier de la Vallée de la Tinée - Comté de Nice - Un jour de foire" (qui se retrouve dans l'ouvrage, intitulée, "Une route dans les montagnes du Comté de nice - Un jour de Foire"), comporte-t-elle des annotations dont l'extrait suivant : 

"Cette scène n'est pas (du moins pour le site) d'après nature mais présente tout à fait la physionomie de ce que j'ai vu. M. Bayot a donc latitude pour composer de manière à avoir, s'il lui plaît, des figures et des animaux d'une plus grande dimension" (vente Drouot du 18 septembre 2024).

Les trois auteurs cités sont des artistes chevronnés à la date de l’édition de 1864, sont tous les trois des illustrateurs et lithographes, ont entre 40 et 50 ans, sont employés depuis de nombreuses années par la Maison Henri Charpentier de Nantes et Paris et ont déjà travaillé ensemble à la réalisation de plusieurs ouvrages d'importance.

Les lithographies datent donc au plus tard de 1864 et ont été exécutées d’après des dessins contemporains ou antérieurs. 

L’ouvrage

L’ouvrage est né de la volonté de faire connaître l’histoire et les sites du duché de Savoie et du comté de Nice (arrondissements de Nice et de Puget-Théniers), suite à leur rattachement à la France en juin 1860. Les deux frontispices de l'ouvrage affichent la date du "12 juin 1860" qui est celle de la signature du décret impérial. 

L’ouvrage étudié n’a été publié qu’en 1864 mais a été précédé d'éditions conçues chez le même éditeur, avec les mêmes auteurs des textes (excepté Xavier Eyma) et des lithographies.

L'ouvrage a été édité en un seul tome relié en 1861 : 

- "Joseph Dessaix et A. de Jussieu : Nice et Savoie, sites pittoresques, monuments, description et histoire des départements de la Savoie, de la Haute-Savoie et des Alpes-Maritimes (Paris et Nantes, 1861) ; imprimé avec luxe, cet ouvrage comprend plus de 80 planches imprimées à plusieurs couleurs. Les deux Savoie appartiennent à la plume de Joseph Dessaix ; M. de Jussieu a traité Nice" (Paul Larousse, Grand Dictionnaire Universel du XIX° siècle, T 16, Supplément, Paris, 1878 p 1204, GoogleBooks).

- "Nice et Savoie, sites pittoresques, monuments, inscriptions et histoire, Paris, édit. Charpentier, et Nantes, 1861 ; grand in-folio avec plus de 80 planches polychromes" (Dr Louis Guilland, Bibliographie d’Aix-en-Savoie, Chambéry, 1880 p 59, GoogleBooks).

Il a été ensuite distribué sous forme de feuillets à relier édités à Nantes, en 46 livraisons étalées sur l'année 1861-1862 puis à nouveau sur l'année 1862-1863 (Bibliographie de la France 1861, 1862, 1863, Gallica).

- "Desseaux (sic) Joseph, Nice et Savoie, sites pittoresques, monuments, description et histoire des départements de la Savoie, de la Haute-Savoie et des Alpes-Maritimes (ancienne province de Nice), réunis à la France en 1860. Dessins d'après nature par Félix Benoist. Livr. 1 à 5. In folio. H. Charpentier. Chaque livraison 3 fr. L'ouvrage se composera de 40 à 45 livraisons" (Charles Reinwald, Catalogue annuel de la Librairie Française, 1862, Paris, février 1863 p 70, GoogleBooks).

Les planches (seules) de "Nice et Savoie, lithographies par Ciceri, Bayot, Sabatier, d'après Félix Benoist, Paris, Charpentier, 1862", sont conservées à la BnF (Catalogue général, Richelieu, VE-167-FOL).

"Desseaux (sic) Joseph, Nice et Savoie, sites pittoresques, monuments, description et histoire des départements de la Savoie, de la Haute-Savoie et des Alpes-Maritimes (ancienne province de Nice), réunis à la France en 1860. Dessins d'après nature par Félix Benoist. Livr. 6 à 46 (dernière). In folio. H. Charpentier. L'ouvrage complet 138 fr. Les cinq premières livr. ont paru en 1862" (Charles Reinwald, Catalogue annuel de la Librairie Française, 1863, Paris, février 1864 p 70, GoogleBooks). 

A Nice, une campagne de souscription pour l'ouvrage est en cours en janvier et février 1863. La Revue de Nice de fin janvier 1863 (p 159) cite "la publication de "Nice et Savoie" en ce moment, composé de 45 livraisons par M. Henry Charpentier éditeur à Paris, avec les dessins de M. Benoist Félix et M. Ciceri fils". Le Messager de Nice publie pour sa part une pleine page de publicité le 22 janvier 1863, rappelant la souscription et remerciant les personnalités niçoises ayant déjà souscrit.

Le Catalogue annuel de la Librairie Française de 1868 rappelle cependant (p 108) que Nice et Savoie a été "publié en 52 livraisons", pour un prix de 156 fr. en 1863, sans qu'il soit possible de savoir si cela concerne les livraisons de l'année 1862-1863 (plus nombreuses que prévu) ou une nouvelle distribution pour l'année 1863-1864.

Il serait donc déterminant de comparer les textes et les lithographies des éditions précédentes avec ceux et celles de l’édition de 1864 mais je n’ai eu accès ni à un exemplaire de l'ouvrage relié ni aux livraisons mensuelles.

Le mois de parution de l’édition de 1864 me reste également inconnu (publication de la Bibliographie de la France non consultable pour cette année-là). Je n'ai retrouvé aucune publicité pour l'ouvrage Nice et Savoie dans le Journal de Nice dont Xavier Eyma est pourtant le rédacteur en chef et le directeur politique (du 1er mai 1863 au 12 mai 1865). La liste des ouvrages de ce dernier, notamment publiée dans ce journal de mars à septembre 1864, ne comprend étrangement pas l'ouvrage étudié. La liste des beaux livres illustrés, proposée par la librairie Visconti à l'occasion des étrennes 1864 dans ce même journal, ne mentionne pas non plus l'ouvrage. 

Il apparaît qu’une édition postérieure mais affichant parfois encore la date de "1864", s’est enrichie de la présentation textuelle de l’arrondissement de Grasse (rattaché au département des Alpes-Maritimes le 23 juin 1860), avec de nouvelles lithographies destinées à présenter cet arrondissement mais ausi à compléter celles de Nice.


BENOIST Félix (1818-1896), BAYOT Adolphe Jean Baptiste (1810-1871) et CICERI Eugène (1813-1890), Femmes et Pêcheurs de Nice, plage des Ponchettes à Nice, lithographie en couleurs d'environ 24x32 cm sur feuillet de 34x49 cm, extraite de l'ouvrage, Nice et Savoie, t. II, vol. 3, Henri Charpentier Imprimeur-Editeur, Paris et Nantes, 1864, Bibliothèque Municipale de Grenoble, Mj. 124 (Gallica). 

"L'artiste, notre collaborateur, a animé cette plage des types populaires qu'on y rencontre le plus souvent", Xavier Eyma, p 13.

La vue montre de nombreux personnages au premier plan, essentiellement des femmes, avec une représentation détaillée de leurs costumes : les femmes de pêcheurs ravaudant les filets, les lavandières transportant et étendant le linge lavé dans le Canal de la Boucherie et quelques bourgeoises en discussion se protégeant du soleil de leur ombrelle ; au second plan, on découvre les pêcheurs près de leur barque, naviguant ou tirant leurs filets face aux maisons basses des Ponchettes formant Terrasse, puis au pied de la Colline du Château, l’ancienne Pension Clerissy avec la Tour Bellanda et au lointain, la silhouette du Château de l’Anglais dominant le Mont-Boron.


 

LES VUES DE NICE – ÉDITION DE 1864

 

Les lithographies de Nice

Les vues de Nice en couleurs présentes dans l'édition de 1864 sont au nombre de cinq (en dehors de celles des environs de Nice, Couvent de Saint-Pons, Château de Saint-André et Villefranche) : 

- Port de Nice (Vue prise à la hauteur de l’ancien Château) [Image 1] ; Nice (Vue prise à la hauteur de l’ancien Château) [Image 2] ; Femmes et Pêcheurs de Nice, plage des Ponchettes à Nice [Image 3] ; Nice (Vue prise de l’extrémité du mont Boron) [Image 4] ; Nice (Vue prise de la villa Venanson) [Image 5].

Ces lithographies témoignent d'un goût prononcé pour le pittoresque, avec des vues souvent panoramiques prises depuis des lieux surélevés. Le regard plonge dans le vide et s'attarde ensuite sur l'infini de la mer et du ciel, amplifié par des effets atmosphériques. 

Le premier plan de chaque vue est particulièrement soigné et marqué par la présence d'ombres fortes. Il offre souvent le dessin incisif de rochers escarpés, la présence d'un grand arbre accentuant tout à la fois l'effet de profondeur (en servant de repoussoir) et assumant le lien entre les différents plans superposés dans la hauteur de l'image (terre, mer, ciel), et enfin la représentation de personnages détaillés, actifs ou contemplatifs. Les couleurs sont généralement désaturées mais peuvent exceptionnellement attirer l'attention sur les costumes régionaux [Image 3].

La datation des vues de Nice peut reposer sur la connaissance des lieux représentés et leur évolution car les vues urbaines sont ici d’une grande exactitude architecturale, même dans les lointains.

Les vues sont postérieures à 1860 comme le prouvent de nombreux éléments tels que le nouveau clocher de l’église Saint-Dominique de la rue Saint-François-de-Paule (vers 1858-1860), les extérieurs achevés du Château de l’Anglais au sommet du Mont-Boron (vers 1856-1862) ou encore la présence de la nouvelle Maison Defly sur le quai du Midi (vers 1859-1860). Les dessins ont donc été exécutés entre 1860 et 1864.



4 - BENOIST Félix (1818-1896), CICERI Eugène (1813-1890) et BAYOT Adolphe Jean Baptiste (1810-1871), Nice (Vue prise de l’extrémité du mont Boron, lithographie en couleurs d'environ 24x32 cm sur feuillet de 34x49 cm, extraite de l'ouvrage, Nice et Savoie, t. II, vol. 3, Henri Charpentier Imprimeur-Editeur, Paris et Nantes, 1864, Bibliothèque Municipale de Grenoble, Mj. 124 (Gallica). 
 
Cette vue prise du sud-est montre au premier plan des promeneurs sur les terrasses du Château de l’Anglais qui dominent la mer. En contrebas, passent barque de pêche, bateau de transport à vapeur et bateaux à voiles ; à l’arrière-plan, se découvrent l’entrée du Port et la Colline du Château puis la ville et la Baie des Anges.



Le texte de l’ouvrage

Le texte même de l’ouvrage (45 pages) est réactualisé par rapport à l'édition de 1861. Il est cette fois l'oeuvre de Xavier Eyma qui fournit des indications importantes sur l'époque de sa rédaction. 

Il cite notamment plusieurs statistiques officielles (p 11) concernant les subventions de l'Etat accordées en 1862 au département des Alpes-Maritimes, ce qui implique une rédaction en 1863 au plus tôt.

Il évoque la prochaine arrivée du chemin de fer à Nice (p 4), décrit les deux seuls Ponts qui existent alors (Pont Neuf et Pont Vieux) et explique que le Pont de l’embouchure du Paillon finira par être construit et que le jardin public se verra agrandi (pp 13 et 14). 

Evoquant le projet ancien d’élever dans Nice une statue à Masséna, il écrit enfin (p 15), "on vient bien d’ouvrir en Espagne, au mois d’avril 1863, une souscription pour dresser une statue à Christophe Colomb !".

Tout ceci prouve une rédaction effectuée au cours du printemps et de l'été 1863 car antérieure au mois de décembre où s'ouvre le chantier du Pont Napoléon III et postérieure au mois d'avril 1863 où est arrivé le chemin de fer à Cagnes.

L’auteur évoque aussi les vues de Nice : "C’est ici le lieu, pour nous faire mieux comprendre, de mettre sous les yeux du lecteur les quatre délicieux aspects de la ville et de ses environs que M. Félix Benoist a si bien choisis pour venir en aide à nos descriptions" (les quatre vues générales). Il décrit à plusieurs reprises les cinq images (pp 2, 10, 15, 18), ce qui implique l’antériorité de ces dernières sur ce nouveau texte.

La datation

Les dessins ont donc été réalisés entre 1860 et 1863. Ils sont cependant antérieurs au deuxième trimestre de l’année 1862, comme le prouvent d'une part l’absence de la villa Vigier au quartier du Lazaret sur la vue du Port (pose de la première pierre le 23 avril 1862) [Image 1] et d'autre part l’absence du bâtiment arrière de la Pension Clerissy sur la vue des Ponchettes (demande du 22 mars 1862) [Image 3].

Il ressort de cette première étude que les dessins originaux de Nice ont été réalisés entre le printemps 1860 et l’hiver 1862. Les lithographies en couleurs de l'édition de 1864 sont donc probablement les mêmes que celles qui ont été éditées entre 1861 et 1863.

Les livraisons de 1862-1863 comprennent notamment, Nice, vue prise de la Villa Venanson en octobre 1862Port de Nice, en janvier 1863, Nice, vue prise de la hauteur de l'ancien château et Nice, vue prise de l'extrémité du mont Boron en octobre 1863 et, Femmes et pêcheurs de Nice (plage des Ponchettes) en décembre 1863 (Bibliographie de la France, 1862 p 458 et 544 ; Bibliographie de la France, 1863 p 43, 512 et 620).

Tous les titres étant identiques, il semble donc établi que les dessins de Félix Benoist pour l'édition Nice et Savoie de 1864 ont été réalisés entre 1860 et 1861 et diffusés sous forme de lithographies en couleurs, dès 1861.

Félix Benoist a probablement passé une partie de la saison automne-hiver 1860-1861 au bord de la Méditerranée pour réaliser les dessins des arrondissements de Nice et de Puget-Théniers puis une partie du printemps-été 1861 pour réaliser ceux de Savoie et Haute-Savoie.



5 - BENOIST Félix (1818-1896), CICERI Eugène (1813-1890) et BAYOT Adolphe Jean Baptiste (1810-1871), Nice (Vue prise de la villa Venanson), lithographie en couleurs de 24x32 cm sur feuillet d'environ 34x49 cm, extraite de l'ouvrage, Nice et Savoie, t. II, vol. 3, Henri Charpentier Imprimeur-Editeur, Paris et Nantes, 1864, Bibliothèque Municipale de Grenoble, Mj. 124 (Gallica).

Cette vue dominante prise du nord-ouest, depuis les jardins de la Villa Venanson (début du XVIII° siècle), montre l’ensemble de la ville et ses monuments, avec les rives du Paillon, la Colline du Château, le quartier du Port et la Colline de Mont-Boron couronnée du Château de l’Anglais.

 

 

LES VUES DE NICE – NOUVELLE ÉDITION DE 1864 (?)

 

Le texte de l'ouvrage et les nouvelles vues de Nice

"Lorsque nous avons publié notre ouvrage de Nice et Savoie (...), nous avons eu seulement en vue (...) les territoires, nouvellement annexés à la France (...). Depuis (...), nous nous sommes décidés à ajouter, aux arrondissements de Nice et de Puget-Théniers, des vues et une description de l'arrondissement de Grasse (Complément des Alpes-Maritimes, Supplément à l'ouvrage Nice et Savoie, Avant-propos, p 1).

Cet avant-propos de l'éditeur est inclus dans les 34 pages de texte présentant l'arrondissement de Grasse, accompagné de 13 nouvelles lithographies dont 2 de Nice (!) : Nice (Vue générale prise du mont Alban) [Images 6 et 9] et Nice (Vue prise du Jardin public) [Image 7]. Il ne précise pas la date de rédaction du texte, celle de la réalisation des dessins et des lithographies ou même celle de l'édition de ce Supplément.

Des indices sont cependant fournis dans la Conclusion de Xavier Eyma (pp 33-34) qui cite cette fois le montant global des subventions de l'Etat accordées au département des Alpes-Maritimes au "31 décembre 1863", ce qui implique une rédaction au cours de l'année 1864.

Il est probable que la rédaction du texte date du printemps ou de l'été 1864. La teneur des propos de Xavier Eyma se retrouve d'ailleurs dans une série d'articles qu'il publie dans le Journal de Nice à la fin du mois d'août 1864 (notamment du 24 au 26).



6 - BENOIST Félix (1818-1896), CICERI Eugène (1813-1890) et BAYOT Adolphe Jean Baptiste (1810-1871), Nice (Vue générale prise du mont Alban), lithographie en couleurs d'environ 24x32 cm sur feuillet de 34x49, cm extraite de l'ouvrage, Nice et Savoie (Collection privée). 

Cette vue prise du nord-est montre au pied du Mont-Alban, le quartier du Port, les bois et jardins des quartiers de Riquier et Saint-Roch puis la Colline du Château et enfin l’ensemble de la ville érigée sur les deux rives du Paillon.



Xavier Eyma liste dans cette même Conclusion les changements notables de la ville de Nice : "Depuis que nous avons écrit les premières pages de ce travail, le quai Masséna, élargi au détriment du Paillon, s'est changé en une belle avenue de palmiers [plantés entre fin mars et début mai 1864] ; à l'embouchure du torrent, un pont élégant joint les deux rives [commencé en décembre 1863] (...). Ce charmant Jardin public (...) s'est doublé d'un terrain conquis également sur le Paillon [dès l'été 1863]Le court espace que nous avons mis entre la composition des deux parties de ce travail, a suffi pour cette transformation de la cité des orangers et des palmiers" (Supplément à l'ouvrage Nice et Savoie, Conclusion p 32).".

En résumé, les travaux envisagés dans la première édition de Nice et Savoie en 1864 ont été engagés depuis. Si ces derniers ne sont pas encore terminés (ils ne le seront qu'à l'automne), ils sont "déjà très avancés" comme le précise l'auteur en décrivant la deuxième vue de Nice déjà réalisée [Image 7] : "nous ne croyons pas pouvoir mieux terminer l'Album de "Nice et les Alpes-Maritimes" que par une nouvelle vue de Nice dans laquelle figurent, au premier plan, les travaux d'embellissement, qui déjà très avancés aujourd'hui, viennent encore ajouter aux agréments de toute sorte de cette gracieuse ville". 




7 - BENOIST Félix (1818-1896) et CICERI Eugène (1813-1890), Nice (Vue prise du Jardin public), lithographie en couleurs d'environ 24x32 cm sur feuillet de 34x49 cm, extraite de l'ouvrage, Nice et Savoie (Collection privée). 

Cette vue prise du sud-ouest, depuis l’Hôtel des Anglais, montre au tout premier plan le Jardin public et les deux rives du Paillon réunies par le Pont Napoléon III ou Pont des Anges, la Colline du Château avec l’ancienne Pension Clerissy au pied du rocher et les ruines du Château au sommet puis le Mont Boron couronné du Château de l’Anglais et le Mont Alban couronné de son ancien fort.



Le dessin décrit date de l'hiver ou du printemps 1864 car il est postérieur au choix du modéle du Pont (le 4 décembre 1863) et à l'engagement des travaux. La vue a été réalisée à une période où le Pont et le Jardin étaient en chantier, alors qu'elle les montre achevés. 

Félix Benoist n'a donc pas uniquement exécuté son dessin "d'après nature" (sur place ou d'après photographie) mais également en s'appuyant sur les projets des réalisations en cours (plans, croquis, maquettes). Il a anticipé la transformation de la zone, afin de posséder les images du nouveau Pont Napoléon III et du nouveau Jardin public dont une nouvelle édition sur Nice ne pouvait se passer. 

Cela explique les quelques aspects fantaisistes de cette vue, montrant notamment sur la rive gauche du Paillon une ligne de palmiers qui n’existera pas ou encore une fontaine jaillissante qui ne sera installée à cet emplacement qu’au printemps de l’année 1868. 

Inversement, cette vue ne montre pas le long bâtiment de la Gare provisoire de chemin de fer qui est pourtant présent à cette époque : il a été érigé sur la rive gauche du Paillon entre janvier et avril 1863 et ne sera démonté qu'à la fin du mois de septembre 1865.

Cette Vue prise du Jardin public [Image 7], comme celle de l'édition précédente de La plage des Ponchettes [Image 3], croise un aperçu de l'ancienne Pension Clerissy mais révèle que le bâtiment arrière (ajouté en 1862) est désormais doté d'une serre installée sur sa terrasse (en 1864).

L'autre vue de Nice, prise du mont Alban [Images 6 et 9], date également de 1864 car elle montre au quartier du Port la rénovation achevée du Castel des Deux Rois (effectuée entre 1863 et 1864).

En définitive, la date de 1864 semble s’imposer tant pour la réalisation des dessins que pour la rédaction du texte, révèlant ainsi la possibilité d'une édition de peu postérieure à la précédente.



ÉPILOGUE

 

Les nouvelles planches de Nice dans le Supplément de l'arrondissement de Grasse reçoivent la même présentation que les plus anciennes, à une exception notable près, la mention portée en majuscules au sommet de la planche n’est plus "Nice Et Savoie." mais "Alpes Maritimes.". Cette seule mention permet de retrouver la date d’édition de ces nouvelles planches.

La Maison Charpentier a en effet publié, au premier trimestre de l’année 1865, un nouvel album intitulé, Les Alpes Maritimes, consacré à l'ensemble du département (dont l'arrondissement de Grasse) et spécifiquement illustré de 14 lithographies (avec la Carte du département) dont 13 inédites (avec les 2 de Nice), sans accompagnement de texte (Bibliographie de la France, n° 11 du 18 mars 1865 p 127).



8 - Parution de l'ouvrage, Les Alpes-Maritimes, référencée dans, 
Bibliographie de la France, n° 11 du 18 mars 1865 p 127 (Gallica).



Cependant Otto Lorenz, dans son Catalogue général de la librairie française 1840-1875 édité en 1880 (Tome II p 114), attribue à Louis Xavier Eyma l'ouvrage, "Nice et le département des Alpes-Maritimes. In-fol. avec grav. H. Charpentier" en "1864". 

Ceci permet de penser qu'il a existé :

- un ouvrage intitulé, Nice et le département des Alpes-Maritimes, avec texte et lithographies dès fin 1864, 

- un album intitulé, Les Alpes Maritimes, constitué des seules lithographies début 1865,

- puis, la même année 1865, de nouvelles livraisons à relier (textes et lithographies).

L’éditeur a de plus inséré le nouveau texte, les nouvelles planches (portant la mention "Alpes Maritimes") et leur Table, à la suite de la Troisième Partie de l’ouvrage Nice et Savoie, tout en conservant le frontispice portant la date de "1864" de l’édition originelle.

L'éditeur explicite cette opération dans son Avant-propos : "Nous avons ainsi composé un bel Album comprenant tout entier le département des "Alpes-Maritimes". Cet Album forme un ensemble qui peut se détacher de l'ouvrage complet de "Nice et Savoie". 

Il y revient à la toute fin de son texte :"On ne devra pas s'étonner de rencontrer quelque chose de commun entre cet Album de "Nice et des Alpes-maritimes" et l'ouvrage 'Nice et Savoie", auquel il peut se rattacher. Il peut faire partie de celui-ci, dont le travail sur l'arrondissement de Grasse est un complément naturel, de même qu'il peut en être séparé et former un ensemble complet sur le seul département des Alpes-Maritimes. C'est un supplément à l'ouvrage de Nice et Savoie, mais qui, en étant détaché, n'enlève rien à celui-ci de son caractère d'ouvrage complet sur les provinces récemment annexées à la France (Complément des Alpes-Maritimes - Supplément à l'ouvrage Nice et Savoie, Avant-propos, p 1).

Au bas de la Table placée en toute fin d'ouvrage, on trouve également un "Avis au Relieur : Pour relier le département complet des Alpes-Maritimes, il y a simplement à ajouter à la Troisième Partie de "Nice et Savoie" (...), le Supplément composé de l'arrondissement de Grasse, en mettant les Planches et les feuilles de Texte dans l'ordre de la pagination particulière à ce Supplément, conformément à cette Table de l'arrondissement de Grasse".

Il convient cependant de signaler que certains fac-similés de Nice et Savoie du XX° siècle ont extrait les 2 vues de Nice du Supplément pour les réunir aux 5 autres vues de Nice, et ont replacé l'ensemble dans un tout nouvel ordre (La Librairie Niçoise, 1977).

Il apparait donc que l'édition de Nice et Savoie de 1864 a offert, dans sa Troisième Partie, un texte rédigé en 1863 accompagné de 27 lithographies réalisées d’après des dessins exécutés en 1860-1861 et que l'édition suivante de fin 1864-début 1865, a enrichi l’ouvrage d'un texte rédigé au milieu de l'année 1864, accompagné de 13 nouvelles lithographies réalisées d’après des dessins exécutés dans la même année, quelques mois auparavant.

Il ne s'est écoulé que quelques mois entre les deux éditions (1864), un an environ entre la rédaction des deux textes (1863 et 1864) mais trois ans environ entre la réalisation des deux séries de dessins (1861 et 1864). 

Le 28 janvier 1865, le Journal de Nice annonce "que la cour impériale de Russie a souscrit à la magnifique édition illustrée de "Nice et Savoie" mais publie un rectificatif dès le lendemain, "c'est à l'ouvrage "Nice et les Alpes-Maritimes", magnifique volume illustré, entièrement terminé et dont le texte est dû tout entier à M. X. Eyma que la cour impériale de Russie a souscrit et non au volume "Nice et Savoie", ainsi que nous l'avons annoncé hier par erreur".


SYNTHÈSE : Après une première édition de Nice et Savoie en 1861, contenant des textes (de Joseph Dessaix et Alexis de Jussieu) et des lithographies (exécutées d'après les dessins de Félix Benoist), avec des livraisons qui se sont étalées au moins jusqu'en 1863, l'éditeur Henri Charpentier a souhaité renouveler la Troisième Partie consacrée à Nice, par la rédaction d'un nouveau texte (confié à Xavier Eyma). L'édition de 1864 a rassemblé les lithographies de 1861 et le texte de 1863.

Peu après, l'éditeur a commandé un nouveau texte et de nouveaux dessins concernant l'arrondissement de Grasse mais également la ville de Nice (respectivement à Xavier Eyma et Félix Benoist), réalisés en 1864. Ce texte et les lithographies tirées de ces dessins ont été édités ensemble ou séparément dans des ouvrages consacrés au seul département des Alpes-Maritimes. Ils ont été également réunis dans un Supplément qui est venu compléter, dès fin 1864-début 1865, l'ouvrage Nice et Savoie.


9 - Nice (Vue générale prise du Mont Alban), détail du dessin originel de Félix Benoist (dessin à la mine graphite et rehauts de craie blanche sur papier d'environ 24x32 cm, Collection privée suite à la vente De Baecque & Associés du 27 mars 2019) confronté à celui de la lithographie (de même format 24x32 cm sur feuillet de 34x49 cm, Collection privée). 

On observe une grande fidélité au dessin primitif malgré un changement de postures des personnages, un détail des textures plus abouti (rochers), une accentuation des tons sombres (feuillages et ombres) et l'ajout de couleurs.



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