vendredi 2 juillet 2021

1192-BUCHHEISTER (1820-1881), HELIOS (1832-apr.1884), SANTINI (?-?), KROPP (?-?), PHOTOGRAPHES

 

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DERNIERE MODIFICATION DE CET ARTICLE : 07/10/2023



- Georg Theodor Ludwig dit Louis BUCHHEISTER (1820-1881)


BRAUNSCHWEIG

Georg Theodor Ludwig Buchheister est né à Braunschweig (Brunswick, Basse-Saxe), le 9 août 1820. Il est le fils de Carl Ludwig Christian Buchheister, marchand et de son épouse.

Georg Theodor Ludwig Buchheister fait des études de Beaux-Arts à Braunschweig. Peintre, dessinateur, aquarelliste, lithographe, il produit dès la fin des années 1830 et devient portraitiste, sous le prénom de "Louis" Buchheister. Il reste actif à Brunswick dans les années 1840 et 1850 où il dessine un grand nombre de personnalités de la ville.

Il se marie au début des années 1850 avec Mary Hepple. Le couple aura trois enfants que leur père initiera par la suite à la peinture, Ellen, Louise et Theodor (né à Chiusa di Monte près de Cuneo, Pesio vers 1857).

PARIS

Vers 1857, âgé d'environ 37 ans, il s'installe à Paris comme portraitiste. Le Journal Général de l'Imprimerie et de la Librairie signale, dans son numéro de février 1858, l'édition par l'imprimeur et lithographe Lemercier à Paris, de son Portrait de Mademoiselle Berhing.

Au plus tard en 1861, il ouvre un atelier de photographe à Paris au 22, rue Neuve-Saint-Augusti(2ème arrondissement) et réalise notamment en photographie cette année-là le Portrait de Wagner et le Portrait de Liszt

Son adresse est attestée de 1862 à 1864 dans l’Annuaire-Almanach du Commerce et de l’Industrie, "Buchheister, photographe, Nve-St-Augustin, 22".

Louis Buchheister n'en continue pas moins d'être peintre (tableaux à l'huile), dessinateur (aquarelles, encres, pastels) et lithographe. Il réalise notamment début 1862 le Portrait du poète Jean Vauquelin qui paraît dans un ouvrage consacré à ce dernier (Journal Général de l'Imprimerie et de la Librairie du 22 mars 1862 p 136 - voir l'ouvrage et le portrait souligné du timbre sec de l'artiste ici).

Il expose des dessins au Salon de 1864, "deux délicieux petits portraits, d'un dessin trop léché peut-être, mais d'une grâce parfaite" (Les Beaux-Arts du 1er octobre 1864 p 66).

Je n'ai connaissance, à ce jour, que d'une quinzaine de photographies signées de son nom. Ce sont des portraits individuels ou familiaux pris dans son studio parisien ou bien des dessins photographiés (dessin à la mine de plomb et rehauts de craie, lavis, pastel).

Ses cartons-photos affichent notamment, vers 1857/61-1864 :

- un recto nu et un verso avec, "Louis Buchheister - Rue Neuve St Augustin, 22 - Paris.",

- un recto nu et un verso avec, "Louis Buchheister - Photographe (en italique) - Rue Nve. St. Augustin, 22 - Paris",

- un recto avec "Buchheister. Phot.", et un verso avec, "Buchheister (signature horizontale) - 22, Rue Nve. St. Augustin, 22".


- BUCHHEISTER Louis (1820-1881), Portrait de femme dessiné, recto, vers 1860-1864 (?),
"Buchheister. Phot.",
tirage albuminé de 9,4x5,6 cm, sur carton de 10,8x6,3 cm, Collection personnelle.

- BUCHHEISTER Louis (1820-1881), Portrait de femme dessiné, verso, vers 1860-1864 (?),
"Buchheister (signature horizontale) - 22, Rue Nve. St. Augustin, 22"
carton de 10,8x6,3 cm, Collection personnelle.



Louis Buchheister, "négociant", fait cependant faillite le 5 juillet 1864 (Le Moniteur Universel du 7 juillet 1864 p 4 ; La Presse du 8 juillet 1864 p 4). Louis Buchheister abandonne-t-il alors la photographie, aucun de ses cartons-photos connus ne présentant ses adresses postérieures ? 

Il n'en reste pas moins portraitiste à Paris. Le Phare de la Loire du 28 juillet 1865 le cite notamment comme membre d'une souscription visant à offrir une médaille en or à la veuve du Président Abraham Lincoln. 

Le 13 avril 1867, Louis Buchheister est l'un des délégués des artistes signataires d'une pétition concernant les refusés au Salon, adressée au Surintendant des Beaux-Arts (voir la lettre du 13 avril au Surintendant et du 6 mai au peintre Bazille ici).

Il expose au Salon en 1868, Portrait de Melle L. et Portrait de M. le vicomte de M. (dessins) mais également Portrait de M. le comte de M. (huile), en 1869, Portrait de l'auteur (dessin) et en 1870, La cruche cassée, d'après Greuze (dessin).

Je n'ai connaissance que de deux autres de ses tableaux à l'huile, non datés, d'environ 48x39 cm, une scène de genre, avec des personnages se rendant à l'église (ici - réalisée en Allemagne ?) et le Portrait de Felice Orsini (qui a attenté à la vie de Napoléon III à Paris le 14 janvier 1858 et a été exécuté le 13 mars - Paris, Musée Carnavalet, ici).

L'adresse de Louis Buchheister citée au Salon de 1868 puis de 1869 est "Avenue des Champs-Elysées, 109" (8éme arrondissement) mais devient au Salon de 1870, "Avenue Bosquet, 11" (7éme arrondissement).

Dans le contexte de la guerre de 1870, Louis Buchheister retourne dans sa ville natale (duché de Brunswick appartenant à la Confédération du Nord), peut-être dès juillet de cette année-là (date de déclaration de guerre par la France à la Prusse). Il est souvent dit qu'il reste y travailler jusqu'à sa mort mais il garde en fait son domicile parisien du 11, avenue Bosquet et y revient probablement régulièrement car ce dernier est encore cité en 1879 (Annuaire des Beaux-Arts et des Arts Décoratifs 1879, Paris, 1879 p 461).

Son nom apparaît parmi les photographes de Braunschweig dans Adressbuch für Photographie und verwandte Fächer paru en 1879 (mais cet annuaire publie des listes déjà anciennes et qui datent  probablement vers 1872).

Je n'ai aucune connaissance de ses photographies ni de ses peintures réalisées en Allemagne.

En 1880, Louis Buchheister, âgé de 60 ans, part passer la saison d'hiver à Nice.

NICE

Louis Buchheister est signalé dans la 1ère Liste des Etrangers parue dans Les Echos de Nice du 14 octobre 1880 : "Buccheister, peintre, r. des Ateliers, 8, all[emand]".

Malheureusement "Buchheister Louis, photographe, âgé de 60 ans, marié, né à Braunschweig (Allemagne)", est trouvé mort à Nice à 6 h du matin, le 11 janvier 1881, suite, semble-t-il, à un accident vasculaire cérébral, au 5, rue du Temple.

L'heure à laquelle son décès est constaté et plus encore l'adresse où il est mort interrogent. Cette adresse, différente de celle de son domicile cité dans Les Echos de Nice, est en effet jusque fin 1880 ou début 1881 celle du photographe allemand Wilhelm Höffert. Ce dernier cherchant à cette période à céder son atelier, il est possible que Louis Buchheister ait été intéressé. Ce n'est cependant qu'une hypothèse, Wilhelm Höffert ne faisant pas partie des témoins signataires de l'acte de décès et la vente de l'atelier ayant peut-être été déjà réalisée à cette date (le successeur Antoine Merle sera cité, quelques semaines plus tard, à cette adresse dans le recensement de 1881).




- Maurice WOLF dit HELIOS (1832-apr.1884)


Moriz Wolf est né en 1832 à Comorn/Komàrom (Hongrie). Il est le fils de Kermann Wolf et de Charlotte Lövy.

Aucun document ne permet de connaître le lieu où il s'est formé à la photographie. 

Il est signalé par la suite comme "Helios, photographe" en Egypte, dans les villes du Caire et d'Alexandrie, peut-être dès la fin des années 1860 mais assurément dans les années 1870 (vues et portraits) car il y est cité dès 1876, à l'âge de 44 ans.

LE CAIRE ET ALEXANDRIE

"M. Helios, photographe au Caire" est en effet cité au Congrès des Orientalistes d'octobre 1876 à Marseille (vues du Caire et des monuments égyptiens dans la Pyramide de Chéops) puis comme "Hélios-Wolf, photographe au Caire", au Congrès de 1878 à Lyon (Congrès des orientalistes de Marseille, 4-10 octobre 1876, Marseille, 1876, pp 8 et 156 - Congrès provincial des orientalistes, Lyon, 1878, Lyon, 1880, T I, pp 5 et 19).

"Hélios (W.)" (sic) participe à l'Exposition Universelle de Paris en 1878 où il présente des vues d'Egypte (Exposition Universelle Internationale de 1878 à Paris, Catalogue Officiel, T V, 2° fascicule, Exposition Egyptienne, Classe 12, p 13). 

Il est important de noter que le photographe entretient des liens intimes avec la France dans les années 1870, qu'il y voyage, y expose et maîtrise la langue. A-t-il vécu en France avant de gagner l'Egypte ou a-t-il développé ses liens avec la France depuis l'Egypte ?

Un procès l'oppose au Caire, dès 1876, aux frères Farrugia, négociants, mais Maurice Wolf gagne ce procès en avril 1878 (Tribunal mixte du Caire, 1880, pp 92-94). Il est cité parmi les photographes du Caire dans Adressbuch für Photographie und Verwandte Fächer publié en 1879 à Wien et Leipzig (p 28) mais dont les renseignements semblent plus anciens (vers 1872).

Ses cartons-photos affichent :

- sur carton à fond orangé, au recto, un fond nu avec un liseré rouge, et au verso, à l'encre rouge, "Helios - Photographie (initiale enluminée) - Alexandrie Et Caire - Egypte." (début des années 1870 ?),

- sur fond ocre jaune, au recto nu, avec un épais liseré rouge, et au verso, à l'encre rouge, "Helios - Photographie - vis-à-vis de l'Eglise protestante - Alexandrie - (Egypte.)" (première moitié des années 1870 ?),

- sur carton gris-beige ou jaune pâle, avec au recto, un liseré doré et encre dorée, "Helios - - Alexandrie - & Caire", et au verso, à l'encre brune, "Helios (initiale enluminée) - Photographie - Alexandrie (initiale enluminée) - Et Caire (initiale enluminée) - Egÿpte (sic)(mot souligné d'un motif symétrique de fins rinceaux) - - Marion, Imp., Paris" (cartonnier)", (milieu des années 1870 ?) ; le cartonnier est probablement Auguste Marion (né en 1830), actif dès 1865, cité dès 1867, Bergère, 14 à Paris, avec une fabrique à Courbevoie, avenue de l'Empereur, 14 (Exposition Universelle de 1867 - Catalogue Général, Groupe II, Matériel et Applications des Arts libéraux p 19),

- sur fond blanc à cadre rouge (découpé comme un timbre), au recto et à l'encre bleue, "Helios - - Alexandrie", et au verso, sous le dessin de l'Œil de la Providence (œil dans un triangle dominé par des rayons solaires), Helios (texte incurvé) - Photographie - vis-à-vis de l'Eglise protestante - Alexandrie - Egÿpte" (vers 1876-1882 ?).


- HELIOS (1832-apr.1884), Portrait d'homme, recto, milieu des années 1870 (?),
"Helios, - - Alexandrie - & Caire;",
tirage albuminé de 9,6x5,9 cm, sur carton de 10,8x6,8 cm, Collection personnelle.


- HELIOS (1832-apr.1884), Portrait d'homme, verso, milieu des années 1870 (?),
"Helios - Photographie - Alexandrie - Et Caire -
 Egÿpte - - Marion, Imp., Paris" (cartonnier)",
carton de 10,8x6,8 cm, Collection personnelle.




Il est à noter que certains cartons affichent "Alexandrie Et Caire" (dans cet ordre) et d'autres seulement "Alexandrie" mais aucun carton connu à ce jour n'affiche seulement "Caire", ce qui peut peut-être laisser penser que le premier atelier a été ouvert à Alexandrie. A l'inverse, les mentions du photographe aux Congrès des Orientalistes de Marseille et Lyon le citent uniquement au Caire.

Le 14 octobre 1879, Maurice Wolf, photographe, né en 1832 (jour et mois non précisés), âgé de 47 ans environ, sujet austro-hongrois, demeurant au Caire (Egypte, Empire Ottoman), se marie à Bordeaux (Gironde) avec Marie Louise Esther Eugénie Jourdan, sans profession, âgée de 22 ans, demeurant dans cette ville (née le 27 janvier 1857 à Dieupentale, près de Montauban, Tarn-et-Garonne). A cette date, le père du photographe est décédé et sa mère vit toujours en Hongrie mais à Temeswar/Timisoara.

Si son épouse, Louise Jourdan, est dite sans profession dans l'acte de mariage, elle est dite "artiste peintre" lors de l'annonce de son mariage dans Le Globe du 19 août 1879 p 3.

Le couple part vivre au Caire jusqu'en 1882. Cette année-là, la guerre anglo-égyptienne (mai-septembre 1882) provoque probablement leur départ.

PARIS

En août 1882, le photographe est à Paris. Il dépose au siège du Figaro "une collection de vues d'Alexandrie prises de différents points de la ville deux jours après le bombardement [britannique du 11 juillet 1882]" qui sont exposées dans la Salle des Dépêches (Le Figaro du 31 août 1882 p 1).

NICE

Fin 1882, Maurice Wolf s'installe à Nice où il reprend, l'atelier du photographe Ambrosetti, avenue Beaulieu, 41. 

La Vie Mondaine à Nice du 31 décembre 1882 (p 1) signale ses vitrines près du Café de la Victoire : "les photographies en couleurs qu'on y a exposées, sont l'œuvre de Mme Hélios (sic), dont on ne saurait trop vanter les goûts artistiques et le talent de peintre. Des photographies également très réussies, ce sont celles qui ont l'air de représenter des bustes en marbre" ; réalisées par M. Hélios, elles présentent les personnes avec les cheveux poudrés, le visage maquillé de blanc, les yeux baissés, une "draperie orientale" leur servant de vêtement.

L'Annuaire des Alpes-Maritimes de 1883, signale, "Ambrosetti : Stelios (sic), succ., av. Beaulieu, 41" (voir sur Gallica, un carton-photo d’Ambrosetti réutilisé par Hélios et offert à la Société de géographie en 1883).

Le photographe fait ensuite paraître une publicité dans La Vie Mondaine à Nice du 27 mars 1883 (ci-dessous). 

Il y signale notamment qu'il est "Photographe de L.L. M.M. L'Empereur et l'Impératrice du Brésil". L'Empereur du Brésil, dom Pedro II (1825-1891) a voyagé, avec son épouse Teresa Cristina, par deux fois en Egypte, lors du deuxième trimestre 1871 et lors du deuxième trimestre 1876 (initié à la photographie depuis les années 1840, l'Empereur y a lui-même réalisé des prises de vue). 


- Publicité parue dans La Vie Mondaine à Nice du 27 mars 1883, Paris, BnF (Gallica).


En 1883, le photographe achète à Nice un terrain donnant boulevard Dubouchage et rue Penchien(n)ati et y fait construire une villa orientale avec atelier de photographie, sous la direction de l'architecte niçois Victor Rolland (Marseille 1843-Paris 1912). 

Il ouvre également une succursale d'été à Vichy, 15, rue du Casino, après y avoir réalisé des travaux à hauteur de 5.000 frs. 

La Vie Mondaine à Nice du 3 juin 1882 signale ses photographies des travaux en cours de la future Exposition Internationale de Nice et précise le 12 août 1883 le don de photographies mises en vente lors d'un gala de charité. 

La construction de la villa orientale niçoise située boulevard Dubouchage, 3, est terminée en novembre 1883 (L'Evènement du 23 novembre 1883 p 2). Le photographe quitte alors l'avenue Beaulieu, prend possession de la "maison Orientale" en décembre 1883 et en fait l'inauguration en janvier 1884 (La Vie Mondaine à Nice des 16 décembre 1883 et 20 janvier 1884). 

Le photographe est cité dans l'Annuaire des Alpes-Maritimes de 1884, à son ancienne adresse dans les listes des habitants par ordre alphabétique et par rue mais à sa nouvelle adresse du boulevard Dubouchage dans la liste professionnelle.

Il est à noter que la mention de l'atelier du Caire sur certains cartons-photos niçois est remplacée par celle de l'atelier Vichy mais dans un décor égyptisant. Le photographe peut avoir conservé pour un temps son atelier du Caire, celui d'Alexandrie n'est pas cité.

Ses cartons-photos affichent :

- sur fond jaune à cadre rouge, un recto nu, et un verso portant à l'encre rouge d'un tampon qui semble manuel, "Hélios (signature horizontale) - Nice - , - Caire" (vers 1882-1883 ?),

- sur fond noir à tranche dorée, au recto "Helios - Nice. Vichy. - - Cabinet - Portrait", et au verso, "Photographie Helios (écriture néo-hiéroglyphique) - armoiries encadrant symétriquement un dessin montrant une vue du Sphinx et des Pyramides, souligné de têtes égyptiennes - Nice - Maison A Vichy : 15, Rue Du Casino" (vers 1883-1884 ?),

La réalisation de la villa orientale (plus de 98.000 frs de terrain et de 45.000 frs de construction) semble cependant entraîner, dès le 29 février 1884, le dépôt de bilan du photographe au Tribunal de Commerce de Nice (Archives commerciales de la France, 9 mars 1884 p 327). 

Le Tribunal prononce le même jour la faillite et "ordonne le dépôt de la personne du failli dans la maison d'arrêt" (AD06, 06U 04/0708). Le failli est cité comme "Wolf Maurice ou Moriz, dit Helios, peintre photographe à Nice, autrefois au Caire (Egypte)" (AD06 - Formalité hypothécaire de Nice - Bureau unique de l'arrondissement de Nice avant 1914 - vol. 371, case 282 et vol. 372, case 165). 

Afin d'échapper à l'emprisonnement, Maurice Wolf quitte Nice le soir même du 29 février 1884, non sans avoir laissé un courrier affirmant sa bonne foi, à destination du Tribunal, qu'il signe "mwolfdithelios" : il y explique que "confiant par la saison d'hiver qui s'annonçait brillante pour cause de l'Exposition [Internationale de Nice, décembre 1883-mai 1884]", il avait fait construire "un Etablissement de photographie de premier ordre et fait de nombreuses acquisitions payables à terme ; malheureusement, le retard apporté dans la construction et le peu d'étrangers arrivés dans notre ville" l'ont empêché "de travailler et de faire face à ses engagements"Son épouse quitte Nice le lendemain 1er mars.

La procédure de faillite va continuer sans eux, désormais sans adresse connue. Les scellés sont apposés sur les portes de la villa orientale dans les premiers jours de mars et l'inventaire de la villa est réalisé les 8 et 11 mars 1884, avec comme expert le photographe "Messi" (Emile Messy, père). Ce dernier estime les appareils et accessoires photographiques, clichés non compris, à hauteur de 23.400 frs. 

L'inventaire précise que le rez-de-chaussée, desservi par un vestibule, était entièrement consacré à la photographie avec une pièce de stockage (papeterie et des produits chimiques) et quatre laboratoires. La galerie de pose était située au premier étage, avec un mobilier notamment constitué, d'une part, de rideaux, tapis, fauteuil, tabourets, faux rochers, balustrade articulée, piédestal et vase, fenêtre genre rustique avec garniture de fleurs artificielles, et d'autre part, des objectifs et plaques photographiques. 

Les appartements privés étaient notamment situés à l'entresol (salon et quatre chambres), au rez-de-chaussée (cuisine) et dans la cour (chambre). Les pièces étaient agrémentées de nombreux cadres, l'un d'eux "de style égyptien, avec statues de femmes, en bois et carton et pierre, doré, genre polychrome prisé".

Le total du passif sera estimé le 21 août 1884 à plus de 212.000 frs (hors frais), regroupant 46 créanciers (dont un créancier principal) sur huit villes dont Nice, Vichy, Lyon, Paris, Bruxelles, et trois villes allemandes, Kehl, Dresde et Francfort, ce qui peut laisser supposer qu'il a vécu en Allemagne dans le passé (AD06, 06U 04/0708). Le rapport aux créanciers daté du même jour précise que "le sieur Wolff (sic) dit Helios, il faut le reconnaître, est un habile photographe, très instruit et parlant plusieurs langues".

Le dossier de faillite révèle le nom de ses employés photographes : Emile Kropp (?-?), sans plus de précision, et Marie Santini (?-?) qui réside avenue Notre-Dame, 2. Aucun autre renseignement n'a pu être trouvé sur ces deux photographes dont le nom est absent des annuaires niçois.

La villa orientale est mise en vente par adjudication le 27 octobre 1884, avec une mise à prix de 20.000 frs (annonce ci-dessous) et sera vendue 50.000 frs (somme inscrite le 29 janvier 1885). Les biens mobiliers seront également vendus. La clôture des opérations de faillite sera prononcée, pour insuffisance d'actif, par le Tribunal de Commerce de Nice, le 29 octobre 1885, avec exécution un mois plus tard (AD06, 06U 04/0708).


- Annonce parue dans Le Petit Marseillais des 18 et 24 octobre 1884 p 4,
Paris, BnF (Retronews).



Aucune trace postérieure de la présence en France de Maurice Wolf n'a pu être retrouvée.

Un M. "Hélios, directeur de la Photographie Solaire, rue Kamel, près l'Hôtel Shepheard" est cité au Caire dans l'Annuaire égyptien administratif et commercial 1891-1892 (p 99 et 149) puis dans l'Indicateur égyptien administratif et commercial de 1897, "sharia Kamel, immeuble Halim" (p 122). Il est cependant difficile d'affirmer qu'il s'agit de lui.

"Hélios" (dieu du Soleil) est un nom d'enseigne photographique (héliographie) fort répandu en France et à l'étranger dans la seconde moitié du XIX° siècle et le début du siècle suivant. Le nom du photographe est précisé ou non et devient parfois "M. Hélios". 

Citons les ateliers de Berne Bellecour, Berne Bellecour & Berthaud puis Berthaud seul à Paris, Lancelot à Troyes, les ateliers "Hélios" à Lyon, Strasbourg, Chaumont et Caen mais également à Lisbonne, Anvers, Zurich, Vienne, Vöslau, Berlin, Sarajevo...

En France, le nom peut-être utilisé librement sauf dans une même localité (Journal des Tribunaux de Commerce, 1871 p 78, procès Lancelot contre Berthaud en 1869 ; Grand Dictionnaire International de la Propriété Industrielle, 1891, vol. 3 pp 565 et ss).

Certains cartons-photos des années 1890 de l'atelier Hélios du Caire laissent penser qu'il s'agit probablement de l'ancien atelier de Maurice Wolf car ils affichent "Photographe de l'Empereur du Brésil" (comme l'annonce niçoise ci-dessus) mais rien ne permet d'affirmer que Maurice Wolf en est encore le titulaire.

Les cartons tardifs de l'atelier Helios du Caire et d'Alexandrie affichent :

- sur carton au fond jaune pâle, découpé en demi-cercle à son extrémité supérieure, avec un recto nu, et au verso, à l'encre brune, "Photographie (texte incurvé) - Fin de Siècle (texte incurvé) - et sous de nombreuses armoiries - Dirigée par (texte incurvé) - Hélios (texte incurvé) - Photographe - De L.L.M.M. L'Empereur et L'Impératrice De Brézil, (sic- Le Roi Et La Reine De Würtemberg, (sic) - La Reine Nathalie De Serbie, De La Cour De Roumanie - Du Roi Honoloulou (sic- Et de S.H. Le Sultan De Zanzibar Etc. Etc. - . Caire. Egypte -  Bernhard Watchl Wien (cartonnier)" (fin des années 1890 ?). 

Il est à noter que la plupart des personnalités citées évoquent des photographies qui ont pu être réalisées, au plus tôt, dans les années 1870 (Empereur du Brésil en 1871 ou 1876) ou les années 1880 (Roi de Roumanie, à partir de 1881 ; Reine Nathalie de Serbie, à partir de 1882), et au plus tard vers 1890-1892 (Roi de Honolulu, Sultan de Zanzibar).

- mignonnette à fond beige, avec au recto, à l'encre brune, "Helios - - Alexandrie - & Caire" (première décennie du XX° siècle ?),

- mignonnette à fond noir et tranche dorée, avec au recto, "Helios" (première décennie du XX° siècle ?).

LOUISE JOURDAN EPOUSE WOLF

Les époux Wolf ont été fortement impactés par la faillite ; mariés sans contrat et tous deux emprunteurs des fonds de la villa orientale niçoise, ils se sont retrouvés totalement ruinés. Les gens de service de la villa orientale ont pu témoigner que même la nourriture leur manquait.

Maurice et Louise Wolf se sont-ils retrouvés après leur départ différé de Nice ou la faillite a-t-elle eu raison de leur couple ? Sont-ils retournés vivre en Egypte ? Les ateliers d'Alexandrie et du Caire leur appartenaient-ils encore ? Il est à noter qu'aucun créancier vivant en Egypte n'est cité dans le dossier de faillite.

Si aucune trace certaine de Maurice Wolf n'a été découverte après 1884, quelques documents témoignent cependant de la vie de son épouse Louise après cette date.

Il semble que Louise Wolf, née Jourdan, soit retournée vivre au Caire et qu'elle s'y soit remariée vers 1888 (?), avant de revenir accoucher dans le sud-ouest de la France, près de sa famille.

Elle est en effet signalée en France le 14 août 1889, lors de la naissance de son fils, Jack Georges Schutz, à Marennes (Charente-Maritime). Ce dernier est dit "issu du mariage de Louise-Marie-Esther Jourdan, 31 ans, sans profession, demeurant au Caire (Egypte) et de Georges Marie Schutz, 35 ans, banquier, domicilié au Caire (Egypte), Sujet Hollandais"

Jak Georges sera reconnu six ans plus tard, à Bordeaux, par son père Georges Auguste Marie Schutz et son prénom deviendra "Jack" par décision du 26 août 1895 du Tribunal de Justice de Marennes. L'enfant sera enfin légitimé par le mariage en France de ses parents, l'année suivante. 

Le 16 septembre 1896, "Georges Auguste Marie Schutz, négociant, sujet néerlandais, né à Marseille le 1er novembre 1856, domicilié à Bordeaux, rue du Palais Gallien, 119, célibataire", âgé de 39 ans, épouse en effet, à Bordeaux, "Marie Louise Esther Eugénie Jourdan, sans profession, demeurant à Bordeaux avec sa mère (son père est décédé à cette date), rue du Palais Gallien, 119, célibataire (sic !)", âgée de 39 ans. 

Louise ne pouvait pas évoquer le nom de son premier mari, du fait de la dette mais également de l'impossibilité de se remarier alors qu'elle n'était probablement ni veuve, ni divorcée.

A la date de ce mariage, la famille Schutz vit probablement à l'adresse bordelaise de la mère de Louise. 

Les suites des vies de Louise Schutz, de son mari et même de leur fils restent inconnues. Jack Georges Schutz ne se présentera pas pour faire son service militaire, son adresse et celle de ses parents restant inconnues (classe 1909), et il sera déclaré insoumis tant en 1910 qu'en 1940.




- Marie SANTINI (?-?)


Marie Santini est uniquement signalée à Nice dans le dossier de faillite du photographe Maurice Wolf dit Helios, boulevard Dubouchage, 3, en 1884 (AD06 - 06U 04/0708). Employé de ce dernier, elle est citée dans la liste de ses créanciers, "pour solde de ses gages comme photographe" et dite domiciliée "avenue Notre-Dame, 2".

Aucun autre renseignement n'a pu être retrouvé la concernant, ses date et lieu de naissance, la suite de sa carrière et ses date et lieu de décès restant inconnus.




- Emile KROPP (?-?)


Emile Kropp (allemand ?) est également signalé à Nice uniquement dans le dossier de faillite du photographe Maurice Wolf dit Helios, boulevard Dubouchage, 3, en 1884 (AD06 - 06U 04/0708). Employé de ce dernier, il est cité, comme "photographe", dans la liste de ses créanciers, "pour appointement", et son domicile n'est pas cité.

Aucun autre renseignement n'a pu être retrouvé le concernant, ses date et lieu de naissance, la suite de sa carrière et ses date et lieu de décès restant inconnus.



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