mercredi 3 février 2016

444-LE CIMETIÈRE DU CHÂTEAU DE LA VILLE DE NICE-PROJET PÉDAGOGIQUE-19




- AURILI Riccardo (1864-1943), Tombe Georgette F., vers 1918-1925,
Espérance (femme vêtue, assise, en prière, tête tournée vers le ciel), Ange (femme à la lampe, devant le tombeau vide)
 et Douleur (femme nue, assise et prostrée), Nice, Cimetière du Château (Plateau Gambetta).








 RICCARDO AURILI (1864-1943) :  
LA FIGURE AILÉE DU TOMBEAU DE GEORGETTE F. (VERS 1918-1925)


Depuis que j'étudie le Tombeau de Georgette F., je recherche des figures féminines sculptées aux postures semblables pour établir des relations et des influences mais également pour en creuser davantage le sens.


En ce qui concerne la figure féminine ailée debout devant le tombeau ouvert, scrutant le ciel et tenant la porte d'une main et de l'autre une lampe (et son double au Cimetière de Rabiac d'Antibes), je n'ai pas encore trouvé de figure très semblable dans l'art européen, que ce soit au niveau de figures mythologiques ou chrétiennes, antiques, modernes ou contemporaines. 



- AURILI Riccardo (1864-1943), Femme à la lampe, devant le tombeau vide, vers 1918-1925,
Tombe Georgette F., Nice, Cimetière du Château (Plateau Gambetta).



ANGE DE LA RÉSURRECTION ?

Cette figure ailée peut très bien être un ange chrétien féminin, ces derniers étant rares mais existant dans l'art depuis la Renaissance où ils se confondent avec les Victoires antiques (Anges portant les instruments de la Passion, XVI° siècle, Panneaux sculptés du buffet du musée d'Ecouen), se notent dans les fresques italiennes baroques de Giovanni Manozzi (première moitié du XVII° siècle), et se multiplient au XIX° siècle, comme chez Carlo Marochetti (Marie-Madeleine exaltée par les anges, 1841, maître-autel de l'église de la Madeleine, Paris). 

Certains "anges" du Cimetière du Château de la ville de Nice sont d'ailleurs manifestement des femmes, ce que révèle essentiellement leur poitrine (les visages des anges masculins étant souvent déjà très fins, voire efféminés)


- Anonyme, Anges féminins portant les Instruments de la Passion du Christ, XVI° siècle,
panneaux de buffet en bois de noyer, Ecouen, usée national de la renaissance, photographie de la Base Joconde.


La sculpture de Riccardo Aurili est peut-être alors une réponse à la scène de résurrection sculptée par Giuseppe Garibaldi en 1907, et située juste en face, sur le Plateau Gambetta. Cette dernière couronne le Tombeau de la Famille Jean-Michel G., avec un ange (masculin), ailes éployées, qui vient se poser sur le bord du sarcophage et porte la main à son oreille pour écouter le défunt ; on découvre les mains du ressuscité, soulevant l'autre extrémité du couvercle. 

- GARIBALDI Giuseppe (?-?), Ange posé sur le rebord du sarcophage, 1907,
Nice, Cimetière du Château, Plateau Gambetta,
  Tombe de la Famille Jean-Michel G., marbre.



Semblable aux anges venus au Tombeau, annoncer la Résurrection du Christ, l'ange (féminin) de Riccardo Aurili, retient la porte du tombeau vide (comme sur la gravure ci-dessous), d'où le défunt est sorti à l'appel de la résurrection, et il observe la lumière perçant le ciel qui guide le défunt vers Dieu. L'ange de la Résurrection du Christ peut-il être féminin ? C'est le cas, semble-t-il, même si les exemples restent exceptionnels (voir ci-dessous).

- LEJUGE Georges (?-?), Noli me tangere, gravure à l'eau-forte et au burin du XVII° ou XVIII° siècle,
d'après une peinture de Francesco Abani, dit L'Albane (1578-1660),
Nancy, Musée des Beaux-Arts, photographie de la base Joconde.

- BELLANGE Jacques (c.1575-1616), Les Trois Marie au Tombeau, 1620,
gravure sur cuivre, 43x28 cm, Boston, Museum of Fine Arts.



L'exemple le plus proche de l'œuvre niçoise est cependant une œuvre du début du XX° siècle, réalisée par le grand sculpteur espagnol Mariano Benlliure (1862-1947), qui mêle contexte funéraire (cimetière), Tombeau au frontispice gravé et au décor de fleurs de pavot, présence de Douleur au visage caché (deux femmes accostant le Saint-Sacrement) et Ange féminin aux longues ailes (nu) tenant la porte de la main gauche.


 - MARTORELL Antonio (1845-1930), architecte, et BENLLIURE Mariano (1862-1947), sculpteur,
 Panteón de la familia Moroder, 1907-1909,
cimetière de Valencia (Espagne).

 - BENLLIURE Mariano (1862-1947), Panteón de la familia Moroder, détail de l'Ange féminin, 1907-1909,
cimetière de Valencia (Espagne).

- AURILI Riccardo (1864-1943), Femme à la lampe, devant le tombeau vide, vers 1918-1925,
Tombe Georgette F., Nice, Cimetière du Château (Plateau Gambetta).



Il est possible que des représentations gréco-romaines antiques des Portes de l'Hadès, gardées par des personnages féminins ailés, aient influencé les représentations chrétiennes des Anges de la Résurrection au Tombeau du Christ. Je livre ci-dessous le décor d'une représentation étrusque.


- Urne cinéraire étrusque, Les Portes de l'Hadès, II° s. av.-J.C.,
terre cuite, polychromie brune,
Arezzo, Musée Archéologique.



Cette hypothèse ne doit pas empêcher d'explorer d'autres pistes.



PSYCHÉ ?

Quand on évoque des figures féminines ailées, on peut penser également à Psyché avec ses ailes de papillon. Psyché est une allégorie de l'âme humaine, de la relation de l'âme à l'amour divin et de l'atteinte de l'immortalité. 

Dans l'art, Psyché est, de plus, souvent représentée avec une lampe à huile dans la scène (peinte ou sculptée) où elle brave l'interdit et découvre la beauté de son amant endormi Éros mais le réveille en faisant tomber sur son épaule nue une goutte d'huile très chaude ; Éros lui reproche alors son manque de confiance et disparaît. Elle est désormais représentée abandonnée et désespérée, avec cette même lampe (dans la main ou au sol).

- Ecole du Bernin, Eros et Psyché, fin du XVII° siècle,
marbre, Saint-Pétersbourg, Jardin d'été.

- PROUHA Pierre Bernard (1822-1888), Psyché, 1867,
marbre, 72x163x50 cm, Toulouse, musée des Augustins.



La figure ailée de Riccardo Aurili ne semble pas être Psyché, du fait de la différence des ailes et de contexte. Il existe cependant de rares sculptures de Psyché où cette dernière est pourvue d'ailes d'oiseau, comme les Victoires ou les Anges, et non de papillon.


- FIASCHI Emilio (1858-1941), Psyché, 1890.



De plus, il y a dans la suite du mythe de Psyché (Apulée, Les Métamorphoses, IV-VI, vers 160-180), un symbole de résurrection. 

Dans son désir de reconquérir Éros, Psyché part à sa recherche et est soumise à une série d'épreuves par Aphrodite. La dernière épreuve l'envoie aux Enfers pour récupérer une boîte contenant un peu de baume de beauté et jeunesse de Perséphone mais, en ressortant des Enfers après avoir réussi l'épreuve, elle ouvre la boîte et tombe dans un profond sommeil, proche de la mort. C'est Éros qui l'éveille et la conduit auprès de Zeus qui scelle leur union éternelle et accorde à Psyché l'immortalité et le statut de divinité de l'Âme.

Il est donc possible que les sculpteurs, puisant depuis la Renaissance aussi bien dans l'iconographie mythologique que dans l'iconographie chrétienne, aient parfois fusionné les symboles et les styles. 

Au cimetière de Nice, l'ange du sculpteur Garibaldi (1907, voir la photo ci-dessus) écoutant le défunt qui ouvre son sarcophage, n'adopte-t-il pas la posture d'Éros éveillant Psyché dans le groupe sculpté de Canova (Psyché ranimée par le baiser de l'Amour, 1793, musée du Louvre) ?



VIERGE ?

Si l'on oublie un instant les ailes, cette femme tenant une lampe à huile allumée peut évoquer la représentation de la Vierge Marie, mère du Christ. Certaines peintures murales romanes situées dans l'abside d'églises espagnoles (San Climent de Tahull, San Pedro de Burgal, Escalo) la montrent tenant une lampe, placée auprès des apôtres sous la mandorle du Christ en Majesté, lumière du monde. 

La figure de Riccardo Aurili peut évoquer également les figures plus courantes de la Vierge sage, selon la Parabole biblique des dix Vierges allant à la rencontre de l'époux, avec ou sans réserve d'huile (Matthieu, 25, 1-13, l'huile amassée pouvant apparaître comme un symbole des vertus acquises et préparant le jugement lors de la Venue du Seigneur) mais les Vierges sages sont traditionnellement représentées en groupe. 


- Anonyme, la Vierge Marie portant une lampe allumée, XII° siècle,
détail de la peinture murale de l'abside de l'église du monastère San Pedro de Burgal, Escalo (Espagne), peinture déposée au Musée d'Art de Catalogne, Barcelone.

- Anonyme, Vierge sage, fin du XIII° siècle,
portail latéral sud de la façade occidentale de la cathédrale de Strasbourg.



Est-ce cependant une Vierge sage qui a été sculptée au XX° siècle sur la Tombe de Jacques-Emile Ruhlmann à Paris ?


- PATOUT Pierre (1879-1965) et JANNIOT Alfred (1889-1969), Tombeau de Jacques-Emile Ruhlmann, 1934,
Paris, Cimetière de Passy.



Cette sculpture funéraire de Femme à la lampe, dépourvue d'ailes, a été réalisée par Alfred Janniot (1889-1969) pour la tombe de son ami et collaborateur Jacques-Emile Ruhlmann (1879-1933), célèbre artiste de l'Art Déco. Ce dernier, se sachant condamné, en a confié la tâche en 1933 à son autre ami et collaborateur, l'architecte Pierre Patout (1879-1965) qui l'a érigée au Cimetière parisien de Passy, en 1934.

La figure allégorique de ce tombeau a, semble-t-il été peu étudiée. Certains y voient cependant une figure de l'Inspiration artistique qui a accompagné la vie du décorateur (Minerve inspirant les Arts). Cette hypothèse est intéressante, d'autant que le sculpteur Riccardo Aurili a choisi cette femme à la lampe pour son propre tombeau d'artiste à Antibes mais je ne peux m'empêcher d'y voir davantage un symbole de résurrection (allégorie de la Vigilance ?).


- AURILI Riccardo (1864-1943), Femme à la lampe, devant le tombeau vide, vers 1918-1925,
Tombe Georgette F., Nice, Cimetière du Château (Plateau Gambetta).

- PATOUT Pierre (1879-1965) et JANNIOT Alfred (1889-1969), Tombeau de Jacques-Emile Ruhlmann, détail, 1934,
Paris, Cimetière de Passy.



Cette femme sculptée par Alfred Janniot se tient au centre du tombeau et a la tête voilée (comme une Vierge sage). Elle tient, elle aussi, une lampe à huile allumée, adopte une posture fortement déhanchée, penche le visage sur le côté et regarde le ciel, semblant protéger son regard d'une forte lumière, grâce à son bras levé. 

Ce bras levé évoque fortement la posture récurrente des allégories de la Nuit ou du Sommeil, et il peut signifier ici le Réveil, c'est-à-dire la Résurrection. Cette posture n'est pas sans rappeler également celle de Psyché de la sculpture de Pierre Bernard Prouha (reproduite ci-dessus). 

Alfred Janniot affectionne particulièrement ce geste du bras levé, hérité de l'antiquité gréco-romaine qui lui a été notamment transmis par Jean Goujon (c.1515-c1566) et ses nymphes de la Fontaine des Innocents (1547-1549). 

Il utilise ce geste, avec des variantes, dans de nombreuses rondes-bosses et reliefs, et notamment dans, L'Hommage à Jean Goujon (Pavillon du Collectionneur, Exposition des Arts Décoratifs, 1925), La Nymphe de Fontainebleau (1926), Les Horreurs de la Guerre et Les Bienfaits de la Paix (Monument aux Morts de la Guerre 1914-1918, Nice, Quai Rauba Capeù, 1927), La Légende de la Terre et La Légende de la Mer (Paris, Palais de Tokyo, 1937), La Fontaine du Soleil (Nice, place Masséna, fontaine inaugurée en 1956)... 

Parmi les œuvres d'Alfred Janniot citées ci-dessus, deux ont été réalisées pour la ville de Nice dont les hauts-reliefs de 1927 exécutés pour le Monument aux Morts qui est situé au pied de la Colline du Château. Alfred Janniot a-t-il visité le Cimetière de cette même colline ? A-t-il vu le Tombeau de Georgette F. réalisé par Riccardo Aurili vers 1918-1925 ? S'est-il inspiré de cette figure féminine à la lampe ?

La sculpture d'Alfred Janniot est très proche de celle de Riccardo Aurili, tout en étant dépourvue d'ailes. Cette absence d'ailes est-elle seulement due à une volonté de modernité chez cet artiste ? Les ailes sont-elles, à l'inverse, un ajout chez Riccardo Aurili ? Quel personnage peut se cacher sous ces représentations ? 

Riccardo Aurili et Alfred Janniot se réfèrent-ils à un modèle antique ou renaissant commun ? Ont-ils été influencés par Psyché, un ange céroféraire ou une Vierge sage ? Ont-ils été marqués par l'iconographie de Marie-Madeleine ? 



MARIE-MADELEINE ?

Certains éléments des deux sculptures peuvent en effet évoquer les représentations picturales de Marie-Madeleine où elle apparaît le visage constamment dressé vers le ciel, priant, regardant le Christ ou la lumière divine du Christ ressuscité ayant regagné le ciel (œuvres de : Titien, 1532 ; El Greco, 1580 ; Guido Reni, vers 1629...).


- LE GRECO (1541-1614), Marie-Madeleine en extase, vers 1580-1585,
huile sur toile, 108x87 cm, Arezzo, cathédrale.

- VACCARO Andrea (1604-1670), Marie-Madeleine pénitente, première moitié du XVII° siècle,
huile sur toile monogrammée, 72x60 cm, Collection particulière.



Marie-Madeleine est non seulement l'un des témoins de la Crucifixion et de la Mise au Tombeau du Christ mais le premier témoin du Tombeau vide et de sa Résurrection, souvent en présence d'un ou deux anges (scène du Noli me Tangere chez Giotto, vers 1320, Fra Angelico, 1441, Hans Baldung, 1539, Giovanni Lomazzo, 1568, Pierre-Paul Rubens, vers 1620...). 


- LOMAZZO Giovanni Paolo, Noli me tangere, 1568,
Vicenza, Pinacoteca  Civica.

- RUBENS Pierre-Paul, Marie-Madeleine en extase, 1619,
huile sur toile, 295x220 cm, Lille, Palais des Beaux-Arts.



Le Tombeau de Georgette F. sculpté par Riccardo Aurili, présente ainsi deux éléments propres à l'iconographie de Marie-Madeleine : le visage dressé vers le ciel et le tombeau vide. 

La figure féminine ailée synthétise-t-elle les deux figures de Marie-Madeleine et de l'ange ? Est-ce, à Nice, une scène inspirée de celle de Marie-Madeleine venue pour apporter un vase d'aromates au tombeau du Christ, et qui, trouvant le tombeau vide, a la révélation de la Résurrection du Christ ? Est-ce ainsi une figure qui, évoquant la Résurrection du Christ et sa montée vers Dieu, évoque la résurrection future du chrétien défunt ? 

Si Marie-Madeleine ne semble jamais représentée portant une lampe, elle est constamment figurée cependant, portant un vase de parfum destiné au corps mort du Christ, comme c'est d'ailleurs le cas, plus rare, pour Psyché portant le vase à onguents ramené des Enfers pour Vénus


- CRIVELLI Carlo (1430-1495), Marie-Madeleine, vers 1475-1480,
tempera et or sur bois, 49x152 cm, Amsterdam, Rijksmuseum.

- PANETTI Domenico (), Marie-Madeleine, XVI° siècle,
Fondazione Federico Zeri, Università di Bologna.

- THORVALDSEN Bertel (1770-1844), Psyché tenant le vase à onguents pour Vénus, 1806,
marbre, Copenhague, Thorvaldsens Museum.



Marie-Madeleine se repent ou médite parfois à la lumière d'une lampe posée sur une table (tableaux de Georges de La Tour des années 1635-1645) qui peut prendre la forme d'une bougie ou d'une lampe à huile (tableau de Petrus van Schendel, 1845). 


-  La Tour Georges de (1593-1652), La Madeleine à la veilleuse, vers 1640-1645,
huile sur toile, 128x94 cm, Paris, Musée du Louvre.

- VAN SCHENDEL Petrus (1806-1870), Marie-Madeleine en prière, 1846,
huile sur toile, 110,4x88,5 cm, Amiens, Musée de Picardie.



A l'issue de cette recherche pour cette première sculpture du Tombeau de Georgette F., drapée à l'antique, aucun élément ne semble décisif, les ailes et le Tombeau vide renvoyant davantage à la figure de l'Ange, la lampe à celle d'une Vierge ou de Psyché, et la figure dressée vers le ciel devant le Tombeau vide, à celle de Marie-Madeleine. 

Dans les trois hypothèses cependant, la figure ne semble pas représenter le défunt mais être un symbole de sa résurrection à la fin des temps ou de son âme ("psyché" en grec) cherchant le divin (comme Psyché découvrant Éros, la Vierge sage accueillant l’Époux ou Marie-Madeleine en extase). 



SAGESSE/VIGILANCE ?

Allégories antiques et figures chrétiennes sont dans une telle fusion symbolique et artistique qu'il est très difficile d'identifier avec précision une figure. 

Entre la fin du XV° siècle et le milieu du XX° siècle, les figures funéraires sont tour à tour masculines (anges, Éros, génies funéraires) ou féminines (Victoires, Muses, Psyché, Vertus, allégories de la Mélancolie, de la Douleur et de la Mort), voilées ou dénudées, ailées ou non, et portent parfois les mêmes accessoires (couronne végétale, torche ou lampe allumée ou non). 

L'étude symbolique actuelle des sculptures funéraires est souvent très rapide, nommant juste les figures comme si leur identité était une évidence. 

Des recherches plus récentes me permettent aujourd'hui de modifier cet article, sans pour autant apporter une réponse définitive. 

La présence de la lampe dans la main de l'Ange féminin de Ricardo Aurili, évoque la lumière. La lampe peut évoquer la flamme éternelle, celle de l'âme vivante en attente de la résurrection et rappeler au souvenir du défunt (la lampe est, par exemple, représentée sur la Tombe de J.Léon V., n° 11 du parcours du Cimetière du Château). 


- Anonyme, Porte du Tombeau de la Famille G., 1846, 
Nice, Cimetière de Cimiez.



Cette lumière victorieuse des ténèbres ramène au symbolisme du Jour et de la Nuit mais également à celui de la victoire de la Vie (éternelle) sur la Mort, et à celle du Bien sur le Mal. C'est la lumière divine, celle de la Foi et de la Sagesse. 

Certaines représentations de la Sagesse montrent d'ailleurs une figure féminine tenant la lampe.

- RIPPA Cesare (1555-1622), Iconologia, ouvrage édité dès 1593,
édition illustrée de 1618 montrant la Sapienza gravée, selon le texte, comme "une jeune femme, dans une nuit noire, 
dans la main droite, elle tient une lampe à huile allumée et dans la main gauche un livre".

- PIOLA Domenico (1617-1703), Le Triomphe de la Sagesse divine sur le Démon, l'Avarice et l'Hérésie, vers 1670-1680,
huile sur toile, 150x200 cm, Madrid, collection privée.


- Ecole napolitaine, Allégorie de la Fortune et de la Sagesse, XVII° siècle,
huile sur toile, 121,5x90 cm, Collection privée,
 la Sagesse/Vigilance tend le visage et la lampe vers la lumière céleste.

- CAILLÉ Joseph-Michel, Allégorie de la Vigilance, vers 1879-1881,
contexte laïc, statue de façade de l'Hôtel de Ville de La Rochelle.
Il semble que les symboles de la Sagesse et de la Vigilance soient liés, avec les mêmes accessoires, la lampe levée vers le ciel évoquant la Vierge sage, et le coq (tableau de Piola, sculpture de Caillé - comme pour Minerve), évoquant l'aube, la victoire de la lumière, et de l'âme, la résurrection.


Les représentations sculptées de la Sagesse à la lampe semblent encore plus rares mais elles semblent exister, notamment dans le domaine funéraire avec, à Bologne, le Monument d'Antonio Bolognini Amorini, où la figure de la Sagesse se voit dédoublée.


 - GALLETTI Stefano (1832-1905), Tombe d'Antonio Bolognini Amorini, ensemble et détail, 1864,
Bologne, Cimetière Monumental de la Chartreuse (Certosa),
photographies : Museo del Risorgimento di Bologna.



Afin de conclure sur l'étude de cet Ange féminin à la lampe, sculpté par Riccardo Aurili sur la Tombe Georgette F., je dirai qu'il est tout à la fois l'Ange de la Résurrection (tenant la porte du tombeau vide) et une allégorie de la Sagesse et de la Vigilance (femme, lampe), c'est-à-dire de la quête de Dieu. 

Si cette figure de Riccardo Aurili est une synthèse originale de plusieurs figures, en est-il de même pour les deux autres allégories féminines de la tombe ?