samedi 29 novembre 2025

1428-VISITES DES PREMIERS ATELIERS DE PHOTOGRAPHIE (1839-1859)

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


- Paul de Kock (1793-1871), La Grande Ville, 
Nouveau tableau de Paris, comique, critique et philosophiqueParis, 1842, 
illustration, groupe au bas de l'immeuble du photographe, p. 204 (Paris, BnF).



INTRODUCTION


Les ateliers de photographes sont rarement décrits et ceux des débuts de la photographie, moins encore. Tout juste possédons-nous l'adresse et l'étage, sans toujours pouvoir identifier la maison (numérotation changeante, bâtiment aujourd'hui disparu).

Bien sûr quelques dessins et caricatures, dont les représentations célèbres d'Honoré Daumier [(1808-1879), entre 1846 et 1856, ici et ici], montrent des séances de pose centrées sur le photographe et son client et quelques accessoires mais ils ne dévoilent guère plus que les portraits conservés. La surface globale de l'atelier et son décor, ainsi que la répartition des espaces de travail et d'habitation restent le plus souvent inconnus. 

Quant aux photographies de cette période dévoilant des ateliers ou des séances de pose, elles sont extrêmement rares, non seulement à Paris ou en France mais dans l'ensemble des pays occidentaux.

Certes, les journaux français évoquent de nombreuses visites d'ateliers par un journaliste, une personnalité ou même un souverain (notamment les trois visites de la famille Impériale a l'atelier de Disdéri et Cie en 1859) mais les articles se concentrent généralement sur les qualités de l'artiste, de son matériel, des épreuves exposées et des portraits exécutés alors, sans décrire les installations.

Au printemps 1855, la visite du roi de Portugal et de son frère le duc de Porto aux ateliers de MM. Mayer et Pierson (associés depuis peu, boulevard des Capucines, 3), salue tout de même, "leurs splendides salons d'attente, leurs ateliers et leur magnifique Galerie photographique" (La Lumière du 9 juin 1855).

Les petites annonces visant à faire la publicité d'un atelier ou cherchant à le louer ou le vendre, ne livrent pas non plus de descriptions détaillées. Au-delà de l'adresse, elles le disent parfois "vaste" ou "magnifique" ou précisent qu'il est pourvu d'un "bel atelier vitré", d'un "appartement" ou d'une "chambre indépendante", ou encore qu'il est situé "au rez-de-chaussée, avec jardin, logement"

La mise en vente, en 1858, d'une maison située à Bordeaux, allées de Tourny, n° 46, permet cependant de découvrir la description suivante : "Le deuxième étage, sur la cour, comprend : sur la partie du devant, un atelier de photographe occupant l'espace d'un grenier-mansarde. Cet atelier est planchété et carrelé en partie. - Il est pourvu d'une cheminée. - A côté, est une petite chambre éclairée sur la cour ; cette chambre est carrelée, elle a une cheminée" (Le Mémorial bordelais du 23 octobre 1858).

Enfin, les articles évoquant des évènements tragiques, notamment des explosions et incendies destructeurs, insistent surtout sur les circonstances du drame et les dégâts humains et matériels, sans apporter de précisions sur l'agencement des lieux.

La recherche s'est donc révélée peu fructueuse. Quelques textes décrivant des ateliers sont cependant retranscrits ci-dessous, volontairement privés des passages relatifs aux techniques photographiques et aux anecdotes rappelant la naïveté et l'exigence des clients.

Chacun des auteurs apporte son regard très subjectif de journaliste, d'écrivain, de critique spécialisé ou de photographe mais l'ensemble permet de donner une vision globale de la pratique d'atelier. 

Il n'y a pas de grande révélation, en dehors peut-être de la tente de toile comme espace de pose, citée dans l'un des textes mais plutôt une accumulation de détails qui viennent confirmer voire préciser les connaissances généralement admises. Quelques précisions ou remarques sont ajoutées entre crochets.


N.B. : Une recherche parallèle sur les termes employés montre l'ambiguïté de ces derniers : le "Daguerréotype" peut tout à la fois désigner l'appareil photographique, la plaque unique servant de support au portrait et parfois même le photographe.

Les termes de "daguerréotypeur", de "daguerréotypiste", "d'atelier de daguerréotype" ou "d'atelier de daguerréotypie" restent peu employés dans les ouvrages et journaux contemporains, les publicités et enseignes leur préfèrant ceux de "photographe", "d'atelier de photographie" et de "portraits au Daguerréotype".

Inversement le terme de "Photographe" sert d'alternative, dans les premiers temps de la photographie, pour désigner autrement l'appareil "Daguerréotype"

Enfin, le terme de "chambre" peut désigner, tour à tour, l'appareil photographique, le laboratoire du photographe, une pièce indistincte ou sa chambre à coucher.



LES ANNÉES 1840


TEXTE 1 (PARIS, 1842)

Paul de Kock (1793-1871), La Grande Ville, Nouveau tableau de Paris, comique, critique et philosophique, Paris, 1842, vol. 1, pp. 193-194 (Paris, BnF, Gallica).


- Présentation

Le texte de cet ouvrage a été également publié en feuilleton dans le Journal du Cher ; le passage ci-dessous, extrait du chapitre intitulé, "Le Daguerréotype", est paru le 8 octobre 1842 (Retronews).

Les noms "des chefs de l'établissement" photographique ne sont pas cités mais l'atelier est situé dans la grande maison Frascati, louée entièrement par M. Buisson au duc d'Osmont (2ème arrondissement). Cette maison a remplacé, vers 1838, le Café Frascati qui avait été fondé à la fin du XVIIIe siècle et était devenu une célèbre maison de jeux. 

La recherche sur l'existence réelle de cet atelier de photographie au début des années 1840 n'a rien donné en dehors de la présence de M. Flécheux et de ses projections d'images au Microscope à gaz et solaire (1838-1840). 


- Paul de Kock (1793-1871), La Grande Ville, 
Nouveau tableau de Paris, comique, critique et philosophique, Paris, 1842, 
illustration, séance de pose dans la tente de toile, p. 200 (Paris, BnF).
L'illustration ne s'avère qu'en partie conforme au texte, ne représentant pas l'appui(e)-tête.



- Extraits

"Au coin du boulevart Montmartre et de la rue Richelieu, dans la nouvelle maison bâtie sur l'emplacement de Frascati, un tableau vous annonce qu'il y a là un daguerréotype ; il indique en même temps les prix. 

Pour dix francs vous pouvez avoir votre portrait grand comme une miniature, et fait par le soleil... quand il y en a, et même quand il n'y en a pas. Dix francs ! ce n'est pas la peine de s'en priver, et véritablement le soleil n'est pas cher [s'il est vrai que le prix est inférieur à celui d'une peinture, il représente environ le quart du salaire mensuel de certains employés et peut tout de même apparaître comme un produit de luxe].

Vous montez au second étage, vous entrez dans un appartement qui a l'air d'un magasin privé de marchandise ; mais ne vous arrêtez pas à tout cela ; ce n'est pas ici une boutique où il est nécessaire d'étaler une foule d'objets pour vous séduire: tout ce qu'il faut ici, c'est une espèce de petite chambre en toile que l'on établit devant une fenêtre, et dans laquelle on place la personne qui vient poser.

Cette petite chambre de toile n'est pas toujours vacante ; on est souvent à la queue pour se faire daguerréotyper, et il faut attendre son tour.

Alors on a la liberté de se promener de long en large, de s'asseoir, et même de causer avec les personnes qui tiennent cet établissement ; on choisit la grandeur de la plaque que l'on désire ; si l'on veut un portrait au dessus de dix francs, on choisit le cadre que l'on y adapte sur-le-champ. 

Enfin on apprend quelles nombreuses préparations sont nécessaires avant d'arriver à se faire peindre par le soleil ; on comprend alors qu'il y a encore du mérite dans l'exercice de ce procédé, et qu'il faut surtout une grande attention pour que votre portrait vienne bien ; car l'oubli d'une seule préparation ferait manquer toute l'opération.

Ce qu'il y a aussi de curieux là, ce sont souvent les personnes qui viennent pour avoir leur portrait (...)".

Voici un résumé des séances de pose évoquées ensuite. On fait entrer la personne dans "le cabinet de toile. On la fait asseoir, on lui fait poser sa tête contre un point d'appui qui se fixe à volonté derrière elle. On prépare l'optique, on lui montre un petit point en évidence, et on lui dit, regardez là, nous allons commencer..." et on lui demande de ne pas bouger. 

Le daguerréotypeur regarde sa montre pendant les "cinquante secondes" de pose puis la séance se termine. On annonce ensuite à la personne, que son "portrait est bien venu" et si ce n'est pas le cas, on recommence.

Le portrait, "noir et triste", est livré en trente minutes environ. "Il ne peut pas y avoir de couleur comme avec un peintre [on est en 1842] (...). Le daguerréotype ne flatte pas, et on a bien de la peine à se contenter de la vérité".



TEXTE 2 (BORDEAUX, 1848)

Chronique du Mémorial Bordelais du 28 décembre 1848 (Retronews).


- Extrait

"M. Perraud [1814-1862], artiste peintre de Paris, vient d'établir [à Bordeaux], dans l'hôtel Schikler, cours du Jardin-Public, un important atelier de portraits au daguerréotype, que nous avons visité avec beaucoup d'intérêt.

Il était impossible de trouver un local mieux disposé et d'une plus belle apparence. L'artiste a fait construire, sur la terrasse, de plain-pied avec le premier étage, un grand cabinet vitré, entièrement à jour, qui lui facilitera le moyen d'inonder de lumière ses modèles, comme aussi de modifier à volonté, à l'aide de rideaux, les rayons trop brillants qui nuiraient à l'effet de certains portraits.

Indépendamment d'un beau salon d'attente, ies dames trouveront là des pièces particulières, dans lesquelles elles pourront faire leur toilette, et des domestiques pour les coiffer et les servir; enfin, rien ne manque à l'établissement de M. Perraud".



LES ANNÉES 1850


TEXTE 3 (PARIS, 1853)

Ernest Lacan (1828-1879), journaliste et critique d'art, "Le Photographe - Esquisse Physiologique. - II, Du Photographe proprement dit" et "III, Du Photographe Artiste.", in, La Lumière du 8 janvier 1853 pp. 7-8 et du 15 janvier 1853, pp. 10-11 (Gallica).


- Extrait 1

"Du Photographe proprement dit", in, La Lumière du 8 janvier 1853 pp. 7-8 :

"Revenons à l'examen physiologique de ce type que nous avons nommé le photographe proprement dit, et que le vulgaire nomme encore daguerréotypeur.

Quel est celui d'entre vous, ô lecteurs, qui (...) ne s'est arrêté devant un de ces cadres qui miroitent à droite et à gauche d'une porte bâtarde, et dans lesquels sont réunies les images fidèles d'un gendarme, d'une première communiante, d'un monsieur de qualité douteuse et de deux ou trois familles groupées tendrement, le sourire aux lèvres, dans des attitudes plus ou moins gracieuses et engageantes, et n'a lu, au milieu des susdits cadres, cette inscription écrite en lettres gothiques :

PORTRAITS AU DAGUERREOTYPE DEPUIS 2 FR.

RESSEMBLANCE GARANTIE

DANS CETTE MAISON.

Qui de vous encore ne s'est pris à regarder du coin de l'œil l'allée au bout de laquelle s'avancent les premières marches d'un escalier plein d'ombre et de mystère, et à désirer de pénétrer jusque dans le sanctuaire du photographe ?

Ce sanctuaire est toujours situé au dernier étage de la maison. Il est tout naturel que le collaborateur du soleil se loge le plus près possible du ciel.

Une odeur assez pénétrante de produits chimiques annonce le terme de l'ascension. La chambre dans laquelle on entre communique avec une terrasse qui sert de théâtre à l'une des phases les plus essentielles de l'opération, la pose. 

Cette pièce, qu'on appelle salon, est meublée plus ou moins élégamment. Sur la table sont entassés pêle-mêle des portraits de toute grandeur, de tout prix. Les murs en sont tapissés. Des cadres vides, des passe-partout, des médaillons remplissent les intervalles. Quant au cabinet noir, c'est le sacro-sanctum, personne que les initiés n'y pénètre.

On comprendra que la propreté de l'escalier, l'élégance du salon, la richesse de l'ameublement du photographe, varient selon le quartier qu'il habite et la valeur de ses œuvres. Ainsi, on pourrait établir cette proportion mathématique Un photographe de telle rue est à un photographe de tel boulevard comme 2 francs sont à 55 francs. 

Mettez des tapis dans l'escalier, un bouton de cristal à la porte, des meubles garnis de velours dans le salon, du papier satiné sur les murs, et vous aurez une idée de ce que l'on voit rue Vivienne [Emile Defonds ; Eugène Disdéri], ou boulevard des Italiens [Galerie du Cosmos ; Warren Thompson] ; mais c'est toujours la même disposition, le même plan, le même nombre d'étages".


- Extrait 2

"Du Photographe Artiste.", in, La Lumière du 15 janvier 1853, pp. 10-11 :

"Le photographe artiste est celui qui, ayant consacré sa vie à l'étude d'un art, comme la peinture, l'architecture, la gravure, etc., a vu dans la photographie un moyen nouveau de traduire ses impressions, d'imiter la nature dans sa poésie, sa richesse et sa beauté, et de reproduire les chefs-d'œuvre que le génie humain a semés sur la terre. C'est ordinairement un peintre : c'est toujours un homme d'intelligence et de talent.

La seule qualité d'artiste suffit pour donner un caractère particulier à sa personne, à ses œuvres, à ses habitudes.

Si vous entrez dans son atelier, vous y remarquerez de suite cet aimable désordre, inévitable conséquence de la mobilité d'esprit de celui qui l'habite. Les papiers préparés ou non, les objectifs, les bassines, les flacons, les cartons à dessin, les pinceaux, les palettes, les poupées d'atelier, les chevalets, tout cela concourt à cet aspect étrange, qui fait éprouver aux yeux ce que l'oreille ressent lorsqu'elle écoute une symphonie, où les instruments de toute nature, de toute puissance, mêlent leurs voix si dissemblables dans un ensemble où tout se fond et s'harmonise.

Aux murs élevés sont suspendus des tableaux, des ébauches, des croquis, et puis des épreuves sur plaques, sur papier, des portraits, des vues, des académies, des fragments (...). 

La fantaisie règne et gouverne seule dans ces demeures privilégiées qu'habitent deux arts, vivant en bonne intelligence, et se faisant de mutuelles concessions.

Tantôt l'atelier du peintre est tout à fait séparé de l'atelier du photographe ; tantôt, au contraire, ils n'en font qu'un. 

Quelquefois le cabinet noir est réduit à des proportions étroites, qui le font ressembler à un placard caché dans le repli de la muraille. D'autres fois, c'est un vaste laboratoire, dont les fenêtres sont soigneusement recouvertes d'écrans jaunes, où l'on peut se prélasser, recevoir des visites, et suivre fort à l'aise les phases différentes des opérations photographiques.

Quand vous entrez chez tel photographe artiste, vous le trouvez entouré d'une troupe assez nombreuse, qui obéit à ses ordres, qui l'aide dans ses manipulations, qui règle ses pas et ses démarches sur les siens. Ce sont ses élèves (...)". 



TEXTE 4 (PARIS, 1853)

MM. Varin, Saint-Yves (É. Déaddé) et Bureau, L'Amour au Daguerréotype, vaudeville en un acte, représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le 16 août 1853, 1853 (Gallica).


- Présentation

Il existe deux versions de ce texte, l'une courte et l'autre longue, relatant des rencontres amoureuses dans l'atelier d'un peintre-photographe, situé au dernier étage d'un immeuble.

L'appartement, dont "l'intérieur annonce de l'aisance", est partagé en trois espaces : salon avec scène de pose, chambre noire et chambre à coucher. 

L'artiste vêtu d'une vareuse et coiffé d'une calotte, alterne entre la scène de pose ("Fixe et ne bougeons plus") où il réalise des daguerréotypes en trente-six secondes, et sa chambre noire pour la préparation et le développement des plaques ("C'est venu... C'est gravé sur la plaque !"


- "L'Amour au Daguerréotype", in, Théâtre Contemporain Illustré,
Livraison 104, Paris (BnF, Gallica). 
L'illustration ne s'avère qu'en partie conforme au décor défini par les auteurs.


- Extrait

"La scène se passe chez Symphorien,

Un atelier d'artiste, plein d'objets rangés un peu au hasard, et au milieu desquels on distingue un appareil de daguerreotype tout prêt à fonctionner. 

A droite, une grande draperie fixée sur la muraille, et, devant, un fauteuil surmonté d'un appuie-tête. 

Au-delà, dans l'angle de la porte d'entrée, à gauche, premier plan, une espèce de cahutte servant de chambre obscure. 

Plus loin, la porte de la chambre de Symphorien. 

Le fond est occupé par un large vitrage donnant sur un balcon, au-delà duquel on n'aperçoit que des toits et des cheminées".



ANALYSE


Présentation

Cette partie va synthétiser les informations présentes dans les textes ci-dessus mais les compléter également avec celles de mentions de textes brefs et non retranscrits, concernant des ateliers de Paris et de province.


Situation

Les ateliers sont généralement installés dans la partie supérieure des immeubles, pour une recherche de lumière dégagée, égale et stable, modulée de plus par la toile de rideaux ou de tente.

Cette lumière est fournie par des baies ou verrières placées au nord et disposant d'un balcon ou d'une terrasse sur lesquels la pose peut avoir également lieu. 

Parallèlement à ces ateliers dominant les toits, il existe des ateliers installés au rez-de-chaussée ou au premier étage, bénéficiant d'une cour ou d'un jardin (comme l'atelier de Félix Nadar à Paris, rue Saint-Lazare, dès 1855).

Il existe également des constructions indépendantes, des pavillons (comme celui de Noël Paymal-Lerebours à Paris, entièrement vitré de bleu, dès 1841, ou ceux de Bertrand & Colomb, place des Terreaux à Lyon, signalés dès 1845) ou des chalets en bois (comme celui érigé par Cyrus Macaire sur le quai du port du Havre, dès 1857).

Il faut enfin rappeler qu'en ces premiers temps de la photographie, et parfois même dès la fin de l'année 1839, des photographes parisiens itinérants sillonnent le territoire français et au-delà, afin de faire des expositions, démonstrations, leçons, vente d'appareils et séances de pose au Daguerréotype, y compris en plein air, après avoir installé leur atelier temporaire dans un magasin, un logement ou un hôtel.


Espaces intérieurs ; le Salon et l'espace de pose

L'atelier pérenne peut être ou non séparé du logement. En avril 1852, Charles Reutlinger déménage son atelier parisien rue Richelieu, dans la Maison Frascati (maison déjà évoquée dans le Texte 1 de 1842), et installe son logement au 4ème étage et son atelier au-dessus, sous les combles.

L'atelier peut comporter une entrée ou un salon d'attente (Texte 2 de 1848) mais peut se contenter d'une seule et vaste pièce qui réunit ces différentes fonctions et accueille, de plus, l'espace de pose (Texte 1 de 1842 ; Texte 3 de 1853), voire le laboratoire ("cahutte" du Texte 4 de 1853). 

Les verrière et terrasse peuvent avoir préxisté du fait d'un atelier de peintre ou bien avoir été construites à la demande du photographe, comme certains articles de journaux le révèlent parfois, par exemple à Bordeaux (atelier de M. Perraud en 1848, Texte 2 ; atelier de Mme Foncueba en 1859, La Gironde du 20 mai 1859).

L'usage de vitres teintées pour tamiser la lumière va progressivement s'imposer, d'une part pour l'espace de pose (bleu clair) mais également pour le laboratoire (jaune foncé ; Texte 3 de 1853 ; voir aussi, la "Lettre de Disdéri" suite à la construction de ses ateliers parisiens de la rue Vivienne, publiée dans La Lumière du 19 août 1854 et l'avant-propos de l'ouvrage de M. de La Blanchère, publié dans La Lumière du 26 septembre 1857). 

L'usage de la lumière électrique, apparaît dès 1848 mais semble n'avoir été l'apanage que de quelques photographes seulement, à Paris puis en province (Alfred Désiré Boulland (1814-1887) ; Franck de Villecholle (1816-1906) ; François Perraud (1814-1862), Texte 2 de 1848). 

L'espace de pose, installé face aux baies, peut être entouré de cloisons de toile ("tente" ou "chambre de toile" du Texte 1 de 1842) ou placé dans espace du salon, avec seulement un ou deux sièges et un appuie-tête. 

L'usage de "l'appui-tête" (sic) évoqué dès 1842 (Texte 1), commenté par Marc Antoine Gaudin dans son Traité de Photographie de 1844 (p. 226) et représenté en 1847 par Honoré Daumier, semble être resté absent des toutes premières années de la photographie, avant de s'imposer [deux photographies anglaises, un calotype, vers 1841 (ici) et un daguerréotype, vers 1843 (ici), révèlent son absence].

L'espace de pose peut également reconstituer, plus ou moins artificiellement, une portion d'intérieur bourgeois, avec un tapis recouvrant le plancher, des meubles plus ou moins ornés et luxueux, des plantes et objets de décoration, d'une balustrade, d'une colonne, voire d'un rideau ou d'une toile peinte en trompe-l'oeil suspendue au mur. 

Ce type de décor abouti, qui semble présent dès 1839-1840 [notamment dans le daguerréotype anglais de 1843] reste cependant absent de nombreux portraits des années 1840.

Les temps d'exposition précisés dans deux des textes ci-dessus sont de 50 secondes en 1842 et de 36 secondes en 1853. Ce sont cependant des temps spécifiques et relatifs. 

D'autres textes évoquent des temps qui sont passés de plusieurs minutes à moins de 15 ou même de 3 secondes dès le tout début des années 1840, et ces temps vont se réduire encore avec l'usage des plaques verre au collodion, dès le début de la décennie suivante.

Le salon peut être aussi un espace d'exposition des épreuves photographiques de l'atelier (notamment de personnalités), en partie colorisées (dès 1842, avec une livraison décalée), et se rapprochant des miniatures séduisantes.

L'exposition peut également concerner les cadres et médaillons proposés à la vente et accompagnés de leurs tarifs, voire des dessins, peintures et objets d'art et de curiosités, le portraitiste étant tout à la fois peintre et photographe ou voulant apporter un contexte culturel et luxueux à cet environnement. 

Le standing plus ou moins élevé du salon, comme de tout l'atelier, semble lié à celui de l'immeuble, du quartier et du boulevard (avec des loyers en rapport), ainsi qu'au tarif des portraits (Texte 3 de 1853).

Le transfert d'atelier, d'une adresse à une autre, se voit d'ailleurs parfois justifié par la recherche d'un local disposant d'une terrasse vitrée mais aussi d'une surface plus vaste et plus confortable.


La chambre noire

Le salon communique avec un ou deux espaces techniques de rangement et laboratoire ou chambre noire ("cabinet noir" ou "chambre obscure" des Textes 3 et 4 de 1853), qui permettent de stocker les matériels (plaques, produits chimiques et ustensibles) mais également de préparer et sensibiliser les plaques (de cuivre argenté puis de verre) et, après la pose, de les développer et de les fixer.

Une odeur de produits chimiques flotte dès la cage d'escalier et se renforce dans l'atelier (Texte 3 de 1853). 

Ces produits et leurs vapeurs sont toxiques : iode et chlorure d'argent de préparation des plaques de cuivre argenté, chlorure d'or pour leur fixation et surtout mercure pour leur développement. 

Certains sont de plus inflammables, notamment l'alcool et l'éther, employés comme agents de nettoyage des plaques de cuivre mais également comme solvants du collodion pour les plaques de verre. 

Les flacons doivent être bien refermés et stockés séparément, parfois même à l'abri de la lumière (iode) et manipulés dans un local ventilé, loin de toute flamme. 

La dégradation de la santé de certains photographes est due à l'usage répété de ces produits chimiques. 

Ces produits sont également la cause de nombreuses explosions, l'éther notamment provoquant ou alimentant des incendies qui ravagent les ateliers et entraînent parfois la mort de l'artiste.


Les membres de l'atelier

Il y aurait, selon Ernest Lacan, trois types de photographes au début des années 1850  : celui où la personne fait ce métier pour gagner sa vie, celui où un artiste confirmé s'exprime par ce nouvel art et celui où un savant cherche et invente pour améliorer la technique photographique (Texte 3 de 1853) [étrangement, la description la plus détaillée d'un atelier spécifique, par Ernest Lacan, est celle de l'atelier londonien du photographe Nicolaas Henneman (1813-1898) dans, La Lumière du 24 décembre 1853).

Le photographe titulaire est rarement seul à tout gérer dans l'atelier : il peut être aidé par un membre de sa famille, avoir un associé (physique et/ou financier), un ou plusieurs employés, élèves, apprentis ou domestiques, qui sont notamment chargés de l'accueil du public, du polissage des plaques daguerriennes, de l'encaissement des clients mais également des commissions et livraisons, du nettoyage des locaux et des matériels, voire de la cuisine ("domestiques", cités dans le Texte 2, de 1848 ; "groom" évoqué dans le Texte 3, de 1853).


L'expérience du client

Le client peut vivre une expérience plus ou moins ludique ou pénible. Il doit grimper le plus souvent plusieurs étages, attendre plus ou moins longtemps son tour, poser enfin avec un appuie-tête et des directives qu'il supporte plus ou moins bien, se sentir braqué par l'objectif, rester totalement immobile et ne pas changer d'expression du visage pendant tout le temps d'exposition. 

Ensuite, il doit attendre à nouveau, cette fois pour le résultat, et en cas d'échec technique ou d'un fort rejet esthétique de sa part, recommencer à poser et parfois repartir déçu, avec ou sans portrait.




mardi 25 novembre 2025

1427-D. MONCKHOVEN, "DE L'ATELIER VITRÉ" DE PHOTOGRAPHIE, 1862

 

SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


- VAN MONCKHOVEN Désiré (1834-1882), Traité Populaire de Photographie sur Collodion, Paris, 1862.




INTRODUCTION


Le chimiste-photographe et théoricien belge, Désiré van Monckoven (1834-1882), domicilié à Gand, publie plusieurs Traités de Photographie à succès dans la seconde moitié des années 1850, à Bruxelles, Paris et Londres.

En 1862, c'est à Gouda (Pays-Bas) et Paris qu'il publie un nouveau Traité. 

La version française est intitulée, Traité populaire de Photographie sur Collodion, contenant le Procédé négatif et positif, le Collodion sec, le Stéréoscope, les Épreuves positives sur papier, etc., illustré de 115 figures sur bois, intercalées dans le texte, Paris, Lieber, Editeur, Rue de Seine-Saint-Germain, 13, 1862.

Cet ouvrage est consultable en ligne sur Google Livres (ici) mais sans la couverture et avec une datation erronée (1855).

Le chapitre VIII traite notamment de la configuration d'un atelier et présente, en exemple, celui du photographe belge Charles d'Hoy (1823-1892), à Gand, avec lequel l'auteur a l'habitude de collaborer (pages 79-85, retranscrites ci-dessous).



"DE L'ATELIER VITRÉ OÙ L'ON FAIT POSER LE MODÈLE"


"Que le lecteur ne se méprenne point sur la portée de ce chapitre qu'il ne croie pas, lorsqu'il l'aura lu, qu'il saura faire un portrait artistique (...). Non, cela ne s'apprend pas par la lecture, le sentiment de l'artiste lui appartient à sa naissance et l'instruction ne fait qu'en développer les germes ; l'exercice ne modifie, ne perfectionne que des détails.

Notre rôle, dans ce chapitre, se bornera donc à faire dessiner un côté de l'atelier qui appartient à un photographe très-distingué et très-intelligent, M. Ch. D'Hoy, à Gand. (Plus d'une illustration artistique, a d'ailleurs, orné ce salon des produits de son talent.) Nous ajouterons ensuite quelques avis et quelques données pour ainsi dire essentiellement pratiques.

La figure 55 représente donc l'atelier d'un photographe. D'un côté, l'on voit une série de vitres, que l'on choisit très-épaisses et plutôt blanches ou bleuâtres que verdâtres ou jaunâtres. Ces vitres, si elles sont minces, cassent trop facilement dans les temps d'orage, par la grêle ou tout autre cause extérieure. Si elles sont verdâtres, jaunâtres surtout, la pose en est considérablement augmentée, c'est donc un point très-important à considérer, que la couleur des vitres dont on construit l'atelier.


Fig. 35. Dessin de M. Fl. Van Loo d'après l'Atelier de M. D'Hoy, à Gand.



L'atelier doit être placé un peu haut, à la partie supérieure de la maison ou sur une plate forme quelconque. L'un côté doit être entièrement fermé, c'est, sur notre figure le côté droit et en réalité le sud, c'est-à-dire, le point du ciel où se trouve le soleil à midi.

Il est très-important que la partie vitrée de l'atelier regarde le nord et soit parfaitement à l'abri du soleil, au moins le matin et l'après-dînée jusqu'à trois ou quatre heures. Pour comprendre cela, le lecteur doit bien se pénétrer de ce principe, que c'est le matin que la lumière agit le plus activement, ainsi c'est à peu près vers onze heures que l'on travaille le plus vite. Une fois trois heures de relevée la pose s'accroît considérablement. D'un autre côté, rien n'est aussi désagréable qu'un rayon de soleil qui pénètre dans l'atelier ; car l'éclairage du modèle s'en ressent très-vivement, les ombres deviennent trop fortes.

On adapte d'ailleurs à la galerie vitrée des rideaux munis de cordes, à l'aide desquels on modère l'action trop vive de la lumière et aussi avec lesquels on donne une direction à l'éclairage. Notre figure, par exemple, nous montre trois rangées de carreaux, la rangée supérieure (en verre dépoli), qui est parallèle au plancher, la rangée inférieure qui remplace le mur, et la moyenne qui est inclinée.

Veut-on maintenant, pour un sujet artistique, inonder le front du modèle d'une grande quantité de lumière, on fermera plus ou moins les rideaux inférieurs et moyens; veut-on un éclairage latéral, on fermera au contraire les rideaux des fenêtres supérieures. C'est d'ailleurs le bon goût seul de l'opérateur qui peut l'aider dans ce choix.

Notre atelier représente à gauche un fût de colonne contre lequel peut s'appuyer le modèle, une balustrade avec un tableau peint en grisailles, vers le milieu une cheminée de marbre blanc dans le style Louis XV, tous accessoires qui peuvent aider une personne à prendre une pose élégante.

La couleur des murs influe grandement sur les résultats ; il ne faut les faire ni rouges, ni jaunes, ni verts ; car ces couleurs sont fort peu photogéniques et jettent autour d'elles une teinte de même couleur, très-défavorable en ce qu'elle tend à augmenter très-fortement le temps de pose, les couleurs violettes et bleues sont préférables, mais elles viennent en blanc sur les épreuves ; ainsi, un mur peint en violet ou en bleu, même foncés, viennent absolument comme des murs blancs.

Le gris bleuâtre est une teinte mélangée, qui vient très-bien ; c'est la couleur avec laquelle il faut peindre tout l'atelier, sauf à la faire, suivant les objets, plus ou moins foncée.

La couleur à l'huile est très-désagréable à cause de ses reflets, de son miroitage. On fait mieux de faire les couleurs à l'eau, avec un mélange de chaux éteinte, de bleu de tournesol et de noir de fumée. On en peint tout l'atelier, en variant seulement la quantité de noir ; la même couleur sert à peindre les fonds, tant unis que représentant des fonds de tableaux.

Les tapis doivent également être gris.

Quant à la couleur des habits des personnes qui posent, nous répéterons ce que nous avons dit à propos de la couleur de l'atelier, c'est-à-dire, que les teintes neutres, analogues au gris, au violet, au bleu, viennent très-bien, tandis que le rouge, le jaune, le vert viennent très-mal. D'ailleurs en augmentant le temps de pose, en le diminuant dans d'autres cas, on atténue très-fortement la prédominance de certaines couleurs.

Quand une ou plusieurs personnes posent, on leur fait d'abord prendre une position bien naturelle ; puis, plaçant derrière elles un appuie-tête, de telle façon qu'elles le cachent complètement ; on assure la position de la partie supérieure du corps.

Il ne faut pas que la personne qui pose appuie fortement la tête contre le guide, mais au contraire très-lègèrement, car, une pression trop forte gêne la respiration et de plus donne au modèle une position forcée.

Il existe deux genres d'appuie-tête. L'un, en fer, ou en fer et bois, est représenté dans la fig. 55. La partie inférieure consiste dans un trépied et un tube de fonte pesant une vingtaine de kilogr., ce qui le préserve de vaciller, la partie supérieure consiste en un tube en fer de tuyau à gaz, présentant une pièce en fourchette, susceptible d'avancer et de reculer, et de plus, de se fixer par une vis de pression dans une position quelconque.

Ces appuie-tête sont construits pour poser debout, mais la figure 56 nous en fait voir un pour poser assis.


Fig. 56. - appuie-téte.



Cet appuie-tête est entièrement articulé et en bois dur. En voici la légende explicative :

e, bois plat, s'adaptant à une chaise. II présente deux vis de pression ff.

ii, planche à rainure, qui vient derrière la chaise; on la hausse et on la baisse facilement. Elle se fixe en serrant les vis ff. 

bb, pièce doublement articulée, se serrant à l'aide de vis. Cette pièce peut être haussée et fixée en d. 

a, pièce en fourchette mobile, contre laquelle s'appuie la personne qui pose.

C'est entre la pièce e et la pièce ii que se fixe le dossier de la chaise. Un tel appuie-tête s'achète chez tous les marchands.

La figure 55 nous fait voir encore comment on se sert de l'appareil pour mettre au point. Nous ferons remarquer à ce sujet, qu'il ne faut jamais donner trop d'inclinaison à l'appareil, en général il est bon que l'objectif soit à la hauteur de la poitrine; alors il suffit d'une légère inclinaison de la chambre noire pour avoir l'image de la personne qui pose de la tête aux pieds.

Quand le sujet est assis, il est bon de baisser un peu le pied pour éviter une trop grande déformation.

Plus on est près de la personne et plus le temps de pose est long, inversement plus on s'en éloigne, plus le temps de pose est court. C'est ainsi que ce temps de pose peut varier d'une seconde à 300. Mais en règle générale, quand le sujet est reproduit en pied, il faut, en été, 20 secondes, un buste exige 30 secondes. En hiver ces temps de pose augmentent de la moitié.

Voici la marche générale que l'on suit quand on fait un portrait:

L'éclairage est la première chose dont on doit s'occuper; puis la pose de la personne. L'on met alors au point en engageant le sujet à conserver sa position, sans cependant en exiger une complète immobilité. L'on va alors préparer la glace puis, revenant on corrige les écarts dans la pose qu'il aurait pu faire pendant l'absence de l'opérateur, on essaie par la conversation de le rappeler à son état normal (car il en est, et plus d'un, qui devant l'objectif, prennent une figure et une position des plus comiques), puis quand l'on juge que tout est bien, on met vite au point, le châssis remplace le verre dépoli, l'objectif est ouvert après une recommandation au sujet de se tenir tranquillement appuyé sur l'appuie- tête, et en lui disant de cligner les yeux et de respirer comme à l'ordinaire, puis l'on ferme l'appareil pour procéder au développement de l'image.

Quant au moyen que l'on emploie pour mesurer, en secondes, le temps de pose, le meilleur consiste à lire ce temps sur une bonne montre à secondes, mais l'on peut aussi se borner à suspendre à une corde d'un mètre une balle de plomb ou de bois, et à faire osciller ce pendule, qui marque la seconde avec suffisamment d'exactitude.

Nous devons nous tenir à ce peu de détails, car nous avons l'opinion bien arrêtée qu'une grande quantité de préceptes ne sert pas à un commençant, or, cet ouvrage lui étant spécialement destiné, nous nous bornerons donc à ces explications, d'ailleurs plus que suffisantes".


VOIR AUSSI

VISITES DES PREMIERS ATELIERS DE PHOTOGRAPHIE (1839-1859)

DÉCORS ET POSES DES ATELIERS PHOTOGRAPHIQUES DU XIXe SIÈCLE




samedi 22 novembre 2025

1426-PHILIBERT DERUSSY, "LE RAPHAËL DU DAGUERRÉOTYPE"-2


SOMMAIRE DES ARTICLES DU BLOG ET LIENS DIRECTS


VOIR LA PREMIÈRE PARTIE DE CET ARTICLE


PHILIBERT DERUSSY, "LE RAPHAËL DU DAGUERRÉOTYPE"

2- ÉTIQUETTES



LE CORPUS


Ce deuxième article consacré à Philibert Derussy va étudier le texte des étiquettes présentes au revers de ses daguerréotypes, afin d'approfondir la connaissance de sa pratique et de ses offres puis d'esquisser une chronologie des étiquettes et des portraits correspondants. 

La datation internationale de ces daguerréotypes a été, jusque là, fortement conditionnée par la période d'activité supposée de Philibert Derussy (entre 1845 et 1851), période qui s'avère désormais, potentiellement deux fois plus longue (entre 1841 et 1854).

L'étude repose sur un corpus d'oeuvres représentatif mais limité à soixante-dix daguerréotypes environ, sur un ensemble qui s'élevait probablement à plus de 20.000 au XIXe siècle.

Ce sont des portraits individuels, de couples ou de familles et de plus rares nus (tardifs ?), réalisés exclusivement en studio.

Ces derniers sont notamment conservés à la BnF (Paris, 10), au Musée Nicéphore Nièpce (Chalon-sur-Saône, 2), à la Bibliothèque de Genève (Suisse, 3), au Musée Ludwig de Cologne (Allemagne, 2), au George Eastman Museum de Rochester, État de New York (États-Unis, 6), au Getty Museum de Los Angeles (Etats-Unis, 2).

Des exemplaire isolés sont également conservés dans d'autres institutions (Bibliothèque de l'Ecole Estienne, Paris ; Fonds Roger-Viollet, Paris ; Musées d'Angers, Maine-et-Loire ;  Landerneau, Finistère...).

D'autres appartiennent à des Collections privées (notamment en France, Belgique, Suisse et Allemagne), révélés par leur reproduction dans des ouvrages, articles, ventes aux enchères et Collections en ligne.

Sur les 70 étudiés, trente ont conservé leur étiquette d'origine, si tant est qu'ils en possédaient tous une.

Nombre d'entre eux affichent, en effet, au recto, au bas du montage (à droite ou à gauche), le nom de "Derussy" et son adresse "rue des Prouvaires, 3", avec des variations sur la couleur des caractères, la mise en italique du nom ou de l'adresse, et le mot "rue" abrégé, entier ou présentant une majuscule.

Enfin, une quinzaine présente, au verso, une date manuscrite, par ailleurs sujette à caution, ayant certes pu être inscrite par le photographe ou la personne représentée, mais également par un proche, un descendant ou encore un collectionneur (parfois d'après l'âge estimé de la personne représentée et identifiée).

Ces étiquettes, déjà mises en évidence par Janet E. Buerger dans son ouvrage de 1986 (French Daguerreotypes, The University of Chicago Press, 1986, pp. 212-213), offrent deux principaux types de textes : l'un très bref (Type 1), réduit aux renseignements essentiels et l'autre long et riche d'enseignements (Type 2).



ÉTIQUETTES DE TYPE 1


Présentation

Il existe deux variantes :

1a : "PORTRAITS PHOTOGRAPHIQUES - Perfectionnés par - DERUSSY - de Lyon - 3, Rue des Prouvaires, 3 - PARIS."


- DERUSSY Philibert (1814-1894), Etiquette présente au verso du
Portrait d'homme jeune, à mi-jambes, assis, vers 1845-1851,
Paris, BnF.



- 1b : PORTRAITS PHOTOGRAPHIQUES - Perfectionnés par - DERUSSY - ET COMP.ie - 3, Rue des Prouvaires, 3 - PARIS."


- DERUSSY Philibert (1814-1894), Etiquette présente au verso du
Portrait de femme, de face, assise, non daté,
vendu aux enchères en septembre 2012 (ici).



ÉTIQUETTES DE TYPE 2


Présentation

Au-delà d'avoir servi d'étiquettes, il existe une forte probabilité que ces textes aient servi de prospectus à Philibert Derussy, pour une distribution dans les boîtes aux lettres et pour une mise à disposition du public dans sa galerie personnelle de la rue Saint-Honoré et lors des Expositions de groupe auxquelles il a participé (1844, 1847 et 1849).

Certaines étiquettes apparaissent en partie décollées, tachées ou déchirées rendant d'autant plus difficile l'identification de la version concernée. Elles sont d'une longueur très variable, offrant un minimum de 3 paragraphes et un maximum de 10. 

Ceci s'explique peut-être par des impressions de textes de longueurs différentes mais, plus probablement, par l'amputation de la partie basse d'un texte originel de 10 paragraphes, afin d'adapter le collage de l'étiquette à la longueur du support.

Trois variantes d'un même texte ont pu être relevées mais d'autres peuvent exister. 

Ces variantes sont recopiées fidèlement ci-dessous avec leurs majuscules et minuscules, leur ponctuation et leurs mots en italique mais sans leur mise en page (justification, espacement, traits de séparation ou de division des paragraphes) et leur typographie (choix des polices et tailles de caractères, lettres doublées ou ombrées, lettres attachées ou non, textes mis en gras). 

Les passages à la ligne sont indiqués ici par un trait d'union et les phrases ou mots soulignés sont destinés à attirer l'attention sur les différences relatives au texte précédent (mots/phrases ajoutés et/ou déplacés ou dont la mise en majuscules ou en italique a été supprimée d'un type de texte à l'autre).

L'ordre même de ces trois variantes se veut le reflet d'une chronologie supposée qui sera justifiée plus bas. 

Enfin, la partie artificiellement détachée du texte, au bas de chacune des variantes, cherche à mettre en évidence les passages les plus rares car généralement coupés.


2a : Rue des Prouvaires, 3, - près la rue St-Honoré, - en face celle du Roule. - PORTRAITS - AU DAGUERRÉOTYPE, - SYSTÈME Derussy, - PROCÉDÉ CONNU DE LUI SEUL - Après de longues recherches, le sieur Derussy est parvenu à - donner à l'admirable découverte de M. Daguerre une perfection - à laquelle on n'était pas encore arrivé. - Grâce à lui, on pourra dés- - ormais, pour une somme bien modique, avoir son portrait d'après - nature et de parfaite ressemblance, chose qui jusqu'à ce jour avait - coûté fort cher tout en atteignant très rarement le but désiré. - M. Derussy ne livre les Portraits qu'après l'entière satisfaction - des personnes qui veulent bien l'honorer de leur confiance, au - prix de 4, 6, 10 fr. et au-dessus, à l'ombre et en quelques secondes. - PORTRAITS DE PERSONNES DÉCÉDÉES. - On se transporte au domicile des personnes qui le désirent.

- REPRODUCTION - De Tableaux, Monuments, Maisons de campagne, etc. - Tous les portraits sont garantis fixés au chlorure d'or, ce qui les - rend inaltérables et pleins de vigueur. - Son Salon de pose, vitré et chauffé l'hiver, est ouvert tous les jours. - On donne des leçons aux amateurs, et l'on vend des Daguerréotypes à des prix modérés. - On opère en toute saison et en tous les temps. - Le public est prié de visiter son exposition rue St-Honoré, 83. - Grande Fabrique de Daguerréotypes à l'épreuve."


- DERUSSY Philibert (1814-1894), Etiquette, de trois paragraphes, présente au verso du
 Portrait d'homme en buste, de trois-quarts, vers 1845-1851,
Paris, BnF.



2b : "Rue des Prouvaires, 3, - près la rue St-Honoré, - en face celle du Roule. - PORTRAITS - AU DAGUERRÉOTYPE, - Exécutés par DERUSSY, Professeur.Procédé connu de lui seul. - Après de longues recherches, le sieur Derussy est parvenu à - donner à l'admirable découverte de M. Daguerre une perfection - à laquelle on n'était pas encore arrivé. - Les teintes naturelles étant reproduites avec une vérité inconnue jusqu'à ce jour. - Grâce à lui, on pourra dés- - ormais, pour une somme bien modique, avoir son portrait d'après - nature et de parfaite ressemblance, chose qui avait toujours coûté fort - cher tout en atteignant très- rarement le but désiré. - M. Derussy ne livre les Portraits qu'après l'entière satisfaction des - personnes qui veulent bien l'honorer de leur confiance, au prix de - 4, 6, 10 fr. et au-dessus, à l'ombre et en quelques secondes. - PORTRAITS DE PERSONNES DÉCÉDÉES. - On se transporte au domicile des personnes qui le désirent. 

- REPRODUCTION - De Tableaux, Monuments, Maisons de campagne, etc. - Tous les portraits sont garantis fixés au chlorure d'or, ce qui les - rend inaltérables et pleins de vigueur. - Son Salon de pose, vitré et chauffé l'hiver, est ouvert tous les jours. - On donne des leçons aux amateurs, et l'on vend des Daguerréotypes à des prix modérés. - On opère en toute saison et en tous les temps. - Le public est prié de visiter son exposition rue St-Honoré, 83. - Grande Fabrique de Daguerréotypes à l'épreuve."


- DERUSSY Philibert (1814-1894), Etiquette, de six paragraphes, présente au verso du
Portrait d'homme à genoux, assis de face, vers 1845-1851,
Paris, BnF.



2c : "Rue des Prouvaires, 3, - près la rue St-Honoré, - en face celle du Roule, A PARIS. - PORTRAITS - AU DAGUERRÉOTYPE, - Exécutés par DERUSSY, Professeur. - Procédé connu de lui seul. - Les Connaisseurs sont priés de visiter son expostion, rue Saint-Honoré, 83. - Après de longues recherches, le sieur Derussy est parvenu à doter l'admi- - rable découverte de M. Daguerre une perfection - à laquelle on n'était pas - encore arrivé. Depuis trois ans douze mille Portraits répandus dans le - monde et tous faits à son domicile, rue des Prouvaires, 3, lequel tout récemment reconstruit d'une manière spéciale, lui permet d'obtenir avec plus de - facilité ces ombres douces et fondues qui lui ont valu un si grand succès. Grâce - à lui, on pourra désormais, pour une somme bien modique, avoir son portrait - d'après nature et de parfaite ressemblance, chose qui avait toujours coûté fort - cher tout en atteignant très rarement le but désiré, les teintes naturelles étant - reproduites avec une vérité inconnue jusqu'à ce jour. - Portraits à 6, 8, 10 fr. et au-dessus, à l'ombre et en quelques secondes. 

Portraits de personnes décédées, reproduction de Tableaux, Objets d'art et - de curiosité. - Tous les portraits sont garantis fixés au chlorure d'or, ce qui les - rend inaltérables et pleins de vigueur. - Son Salon de pose, vitré et chauffé l'hiver, est ouvert tous les jours jusqu'à la nuit - C....................[illisible] tous les matins jusqu'à 11 heures. - Fourniture de tout ce qui a trait au Daguerréotype. - Inventeur de la Pierre sensible ou Chlore solide remplaçant avec avantage toutes les Liqueurs accélératrices [connues jusqu'] à présent."


- DERUSSY Philibert (1814-1894), Etiquette, de sept paragraphes, présente au verso du Portrait de femme âgée, à mi jambes, assise, vers 1845-1851,
Paris, BnF

 


N.B. : Si l'on suit la Typologie exposée ci-dessus, parmi les dix daguerréoypes conservés à la BnF (ici) :

- le Portrait d'homme jeune, à mi-jambes, assis..., offre une étiquette de Type 2a,

- le Portrait d'homme en buste, de trois-quarts..., présente une étiquette de Type 2a, 

- le Portrait d'homme à mi-genoux assis...présente une étiquette de Type 2b,

- le Portrait de femme, à mi-jambes, assise..., le Portrait de jeune garçon, à mi-genoux, debout..., et le Portrait de femme âgée, à mi-jambes, assise...présentent une étiquette de Type 2c.



ANALYSE


Le texte des étiquettes de Types 1 (a, b) et 2 (a, b, c) peut être mis en relation avec celui des articles consacrés au photographe lors de ses participations à des Expositions (1844, 1847 et 1849) et avec celui des plus rares publicités de ce dernier mais aussi de son élève toulousain (vers 1852) puis de son successeur parisien (en 1854).

Les éléments techniques cités dans les étiquettes n'impliquent cependant pas de dates précises. 

En effet, l'usage du chorure d'argent ("Pierre sensible ou Chlore solide", 2c), pour préparer la plaque (avant utilisation), afin d'augmenter sa sensibilité lumineuse et de réduire ainsi le temps de pose, s'est répandu dès 1840.

Il en va de même pour l'usage du "chorure d'or" (après utilisation de la plaque, Types 2a, 2b, 2c), afin de renforcer les contrastes et détails de l'image, éviter le miroitage de la plaque, réchauffer les tons de l'image, renforcer le durcissement de cette dernière et assurer sa durabilité ("Tous les portraits sont garantis fixés au chlorure d'or ce qui les rend inaltérables et pleins de vigueur"). 

Quant au "Procédé connu de lui seul" (brevet non déposé), ayant permis "après de longues recherches" d'atteindre "la perfection", il conserve sa part de mystère.

Il peut concerner la préparation sensible de la plaque, entraînant des temps de pose très brefs, évitant ainsi la contracture des visages et assurant "une parfaite ressemblance".  

Il peut concerner également l'application "de teintes naturelles" (dès 1842), comme semble le suggérer, vers 1852, la publicité toulousaine de "Douau, - Daguerrien, - Elève De Derussy, - Professeur A Paris - Portraits Au Daguerréotype, - Couleurs Naturelles, - Par un Procédé particulier à l'Auteur" (Annuaire de la Haute-Garonne et de l'Ariège, 1853 p 427).

Quelques passages se retrouvent d'un texte à l'autre (Types 2a, 2b et 2c) et montrent une certaines pérennité concernant :

- la brièveté du temps de pose, "à l'ombre et en quelques secondes" - la seule durée précisée est cependant délivrée à l'occasion de l'Exposition de 1847, où les portraits sont dits, "obtenus dans l'espace de 2 à 6 secondes" (L'Indépendant du 1er juillet 1847).

- la recherche de "parfaite ressemblance", 

- le portrait "de personnes décédées" - offre ensuite également assurée par son élève Douau vers 1852, "Spécialité Pour Les Portraits Après décès" (Annuaire de la Haute-Garonne et de l'Ariège, 1853 p 427) et son successeur Charles Vion (Le Figaro du 14 mai 1854),

- la "reproduction de Tableaux" et autres objets d'art, 

- la fabrication de plaques sensibilisées ("Grande Fabrique de Daguerréotypes à l'épreuve") et la vente de "Daguerréotypes" (Types 2a, 2b), voire de "tout ce qui a trait au Daguerréotype" (Type 2c) - citée dès 1844, "Instruments pour le Daguerréotype" (L'Industrie, Exposition des produits de l'Industrie française, 1844 p. 20),

- et l'évocation de sa galerie d'exposition de la rue Saint-Honoré - par ailleurs citée en 1847 (L'Indépendant du 1er juillet 1847) - qui sera conservée par son successeur, Charles Vion, en 1854.

Cependant, d'autres passages évoquent l'existence de périodes différentes. C'est le cas :

- avec un temps de "longues recherches" précédant celui de l'atteinte de la "perfection" (Types 2a, 2b, 2c) - (vers 1844 ?) avec une limite qui semble encore dépassée à l'occasion de l'Exposition de 1847 (L'Indépendant du 1er juillet 1847),

- avec un "atelier vitré" ensuite "reconstruit" (Type 2c) 

- ou encore un tarif, certes toujours modéré mais dont les prix plus bas pour un portrait passent de "4, 6, 10 fr. (Types 2a, 2b) à "6, 8, 10 fr." (Type 2c) 

- et enfin les "douze mille portraits répandus dans le monde", "depuis trois ans" (Type 2c) - avec un nombre supérieur à celui des "3.000 portraits annuels" que Ph. Derussy a produits, "depuis 1844" (Rapport du Jury central de l'Exposition des Produits de l'Industrie de 1849, édité en 1850 ; texte repris dans La Lumière du 2 mars 1851).

La confrontation des textes ci-dessus fait ressortir les points suivants :

- l'intérêt de Philibert Derussy pour la couleur (Types 2b et 2c) - (procédé répandu dès 1842), attesté au plus tard lors de l'Exposition de 1844,

- le choix des termes "teintes naturelles" (Types 2b, 2c) et de l'adjectif "perfectionnés"  (répandu pour sa part dès 1839) qualifiant ses portraits (Types 1a et 1b) - repris par son élève toulousain en 1852-53,

- le fait qu'il va remplacer le terme de "public" (Types 2a, 2b), par celui de "connaisseurs" (Type 2c) - attesté à Toulouse en 1851 (La Gazette du Languedoc du 16 novembre 1851).

- le succès de Philibert Derussy, suite à l'Exposition de 1844, s'est accentué dans les années précédant l'Exposition de 1849 ("il a, depuis cette époque [1844], considérablement étendu le cercle de ses affaires", Rapport du Jury central de l'Exposition de 1849, op. cit.) et s'est maintenu ou accru après 1849, assurant "huit années [1844] de succès ininterrompus" (L'Émancipation du 7 novembre 1851),

- son rôle de "Professeur" (Types 2b et 2c) - attesté au plus tard au milieu des années 1840, est rappelé en 1851 (L'Émancipation du 7 juillet 1851) et confirmé par son seul élève connu, le toulousain Douau, vers 1852 (Annuaire de la Haute-Garonne et de l'Ariège, 1853 p 427) ;

- l'ajout à son adresse de la "rue des Prouvaires, 3", de la précision, "A Paris" (Type 2c), jusque-là inutile - se voit justifiée en période d'itinérance, comme à Luchon et Toulouse (La Gazette du Languedoc du 16 novembre 1851) et est rappelée par son élève Douau (Annuaire de la Haute-Garonne..., op. cit., 1853).

Parallèllement, on peut constater l'absence totale, sur l'ensemble des étiquettes de "Derussy" (Types 1 et 2), de son prénom (d'où le doute qui a longtemps perduré), de son surnom, "Raphaël du Daguerréotype" (attesté en 1849), de sa réalisation d'académies (citées par son successeur Charles Vion), de sa présence aux grandes Expositions de 1844 et 1849 (affichées également par son successeur, en 1854) et des récompenses obtenues.

Il faut enfin noter que les étiquettes, articles et publicités étudiés, qui concernent l'offre de Philibert Derussy, ne mentionnent jamais la réalisation de photographies sur papier. 

Son expertise est probablement restée cantonnée au domaine du daguerréotype sur plaque et à des techniques de la première moitié des années 1840, ce que semble confirmer son usage  de la "Pierre sensible ou Chlore solide" dont il se dit "l'Inventeur" (brevet non déposé) (Type 2c).

Il cite toujours ses "Portraits Daguerriens perfectionnés" en 1849 (La Presse du 8 août 1849) et, à sa suite, son élève toulousain Douau, se revendique "Daguerrien" vers 1852 (op. cit.). Seul son successeur parisien, Charles Vion, va proposer des "Portraits Sur Plaques & Sur Papier" en 1854.



CONCLUSION


L'ensemble des remarques ci-dessus semble confirmer l'ordre chronologique adopté au sein des Types 1 et 2.

Ses origines ("de Lyon") semblent logiquement affirmées à ses débuts (Type 1a) mais ne sont plus mentionnées par la suite (Types 1b, 2a, 2b, 2c).

Il serait tentant de voir dans les Type 1a et 1b des étiquettes antérieures à celles du Type 2 Cependant, non seulement rien ne permet de l'affirmer mais, en plus, un daguerréotype portant le Type 1b affiche "août 1850" (Rochester, État de New York, George Eastman Museum, Collection Cromer). Il faut donc se résoudre à penser que les Types 1 et 2 ont coexisté.

Au sein du Type 2, les trois variantes (2a, 2b, 2c) semblent bien s'être succédées dans cet ordre, entre 1841 et 1854.

Il semble difficile de préciser davantage, d'autant qu'une phase avec des inscriptions manuscrites a pu précéder l'usage d'étiquettes imprimées et que, potentiellement, d'autres Types d'étiquettes ont pu exister. Tout juste pouvons-nous supposer que l'étiquette de Type 2a date au plus tard de 1844.

Les dates affichées par une quinzaine de portraits (inscrites ou déduites) auraient pu être déterminantes mais les daguerréotypes concernés sont pour partie dépourvus d'étiquette et lorsque cette dernière existe, elle n'est parfois ni reproduite ni recopiée.

Deux daguerréotypes, datés offrent une étiquette de Type 1 :

- un Portrait de femme, conservé au George Eastman Museum de Rochester (déjà évoqué plus haut), est daté de, "août 1850", et porte une étiquette de Type 1b (ici) ;

- un Portrait de femme, la main gauche sur la tempe, conservé au Ludwig Museum de Cologne, est daté "après 1850", et présente une étiquette du type 1b (ici).

Enfin, sept daguerréotypes datés sont pourvus au revers d'une étiquette déchiffrable de Type 2 mais fournissent des indications contradictoires :

- un Portrait de Charles Joseph Egot (1824-1860), conservé par Michel Egot, l'un de ses descendants, daté "vers 1845-1848", offre au revers une étiquette de Type 2a (ici),

- deux Portraits de Simon Bertrand dont l'un en flûtisteconservés à la Bibliothèque de Genève et datés "vers 1850 - avant 1854", portent une étiquette de Type 2a (ici),

- deux Portraits conservés au George Eastman Museum de Rochester et datés "vers 1848" : le Portrait de couple avec un bébé, présente une étiquette de Type 2b mais le Portrait d'homme, une étiquette de Type 2c (ici),

- un Portrait des Trois Fils de Pierre Flourens (co-secrétaire de l'Académie des Sciences), conservé par Serge Plantureux, daté "vers 1848" ; cependant, Pierre Abel Flourens, le fils cadet né le 25 octobre 1845, semble y avoir environ 1 an, ce qui suggère davantage une date vers fin 1846 ou début 1847 ; il présente une étiquette collée au revers de Type 2c (ici),

- un Portrait de couple âgé, conservé au Ludwig Museum de Cologne, daté vers 1847-1851, porte une étiquette de Type 2c (ici).